La lettre juridique n°405 du 29 juillet 2010 : Éditorial

Congé estival et pause éditoriale : de l'otium du peuple

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N6923BP4

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Congé estival et pause éditoriale : de l'otium du peuple. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/article-juridique/3211087-congeestivaletpauseeditorialedeliotiumidupeuple
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par Fabien Girard de Barros, Directeur de la publication

le 27 Mars 2014


Dernière édition avant les congés estivaux ! Allez-y ! Jetez nous l'opprobre ! J'entends certains crier à l'éloge de la paresse ! Paul Lafargue, Directeur de la publication des éditions juridiques Lexbase... avec ses "droits de la paresse, mille et mille fois plus sacrés que les phtisiques droits de l'Homme concoctés par les avocats métaphysiques de la révolution bourgeoise".

Et bien, chers lecteurs, si je ne nie pas le besoin de marquer une pause, avec la fin de la session parlementaire et les vacances judiciaires, je m'inscris parfaitement en faux contre l'accusation. D'abord, la paresse est une "habitude prise de se reposer avant la fatigue", nous enseigne Jules Renard, dans son Journal. Et l'on ne peut pas dire que nous aurons démérité à publier, chaque semaine, l'exhaustivité d'une actualité juridique toujours plus dense, plus riche, plus variée : la question prioritaire de constitutionnalité (QPC), en vigueur depuis le 1er mars 2010, ne me fera pas mentir ! Avec plus de 700 QPC en cours d'examen devant les ordres judiciaires et administratifs, le succès de cette nouvelle garantie du justiciable nous promet une cadence exigeante et une acuité, pour un traitement pertinent nécessaire. Si l'on ajoute l'analyse du fonds JURICA, c'est-à-dire de l'ensemble des arrêts d'appel de ces dernières années, dont seules les éditions Lexbase proposent d'intégralité à ce jour, on comprendra que la sécurité juridique de nos abonnés et chers lecteurs a un maigre prix, mais un prix tout de même : notre fatigue (bien ?) méritée. Non, décidément, cette pause estivale n'est pas une affaire de paresse... Et quand bien même : "Le travail pense, la paresse songe" poursuit l'ancien maire de Chitry-les-Mines.

Et, c'est bien ce à quoi devrait nous contraindre toute vacance éditoriale : "une oisiveté [...] mère de tous les vices, mais de toutes les vertus aussi" ! (Alain, dans Propos II). Arrêter de publier en août ? Il s'agit bien moins d'un "baume des angoisses humaines" -Paul Lafargue, toujours- que "d'une opportunité de découvrir de nouvelles expériences de vie", nous confie Bertrand Russell, dans son Eloge de l'oisiveté.

Finalement, je récuse le mot "pause", d'abord, parce que du latin pausa et du grec ancien pausis, la pause est une "cessation" ; or, nos services ne cessent pas de vous informer tout au long de l'été -Quotidien Lexbase oblige-... Et, notre documentation interactive est sans cesse et partout accessible ! Ensuite, puisque la Chambre sociale de la Cour de cassation nous le fait si bien remarquer, dans son arrêt du 13 juillet 2010, les primes de pauses n'étant pas la contrepartie du travail et leur détermination dépendant de facteurs généraux sur lesquels les salariés n'influent pas, une pause est sans rapport avec le travail effectif, n'est pas un congé et ne compte pas dans le calcul des minima sociaux... pour le coup la cessation de la mise à disposition du salarié par rapport à l'employeur est bel est bien son apanage, et tel n'est assurément pas mon cas... Il s'agira, pour ma part et au nom de toute notre équipe, de réfléchir qui sur de nouveaux produits d'information, qui sur de nouveaux produits de documentation, qui sur une nouvelle ergonomie de navigation internet -chut, attendons la rentrée-...

Je préfère au concept de "pause" celui d'otium cher à Sénèque... car oisif ne veut pas dire "rien faire", mais "faire des choses intéressantes". "Le loisir est indispensable à la civilisation", assène Bertrand Russell. Ca y est... le spectre de l'épicurisme ; Zénon et Chrysippe réincarnés. Et bien, encore une fois, détrompez-vous chers lecteurs : scholè et otium, l'oisiveté de Sénèque, relèvent autant du précepte épicurien que de la rigueur stoïcienne, nous enseigne l'ami de Lucilius, dans Son repos ou de la retraite du sage. Rien de contradictoire à se livrer tout entier à la contemplation de la vérité, à chercher une manière de vivre, et à la mettre en pratique, en se tenant à l'écart -si possible sous la chaleur étincelante de l'astre céleste et en bord de mer-, et à s'épanouir, en travaillant chaque jour à la manifestation de la vérité (juridique). "Il ne manque à l'oisiveté du sage qu'un meilleur nom, et que méditer, parler, lire et être tranquille s'appelât travailler" scande Jean de La Bruyère.

Quel facétie du monde moderne, qui fait que le loisir (scholè et otium) était en grec et en latin un terme positif qui désignait l'activité par laquelle un homme s'accomplit, alors que ascholia et negotium (le monde des affaires) étaient des termes négatifs du loisir, la négation de l'accomplissement individuel...

Décidément, puisque ma "pause estivale" est la contrepartie de mon travail effectif et qu'elle ne dépend pas de facteurs généraux, qu'elle s'apparente, plus volontiers, à une recherche de la vérité éditoriale de demain : je demanderais bien une prime de pause cette année...

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