Réf. : Cass. soc., 13 décembre 2007, M. Hilleraud exploitant le restaurant le d'Artagnan, n° 06-44.004, FS-P+B (N° Lexbase : A0813D3I).
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par Stéphanie Martin-Cuenot, Ater à l'Université Montesquieu-Bordeaux IV
le 07 Octobre 2010
Résumé
Lorsque le contrat à durée déterminée devient, du seul fait de la poursuite de la relation contractuelle après l'échéance de son terme, un contrat à durée indéterminée, les règles propres à la rupture d'un tel contrat s'appliquent de plein droit. |
Commentaire
La Haute juridiction affirme, dans une espèce dans laquelle le salarié n'avait pas demandé la requalification de son contrat de travail mais entendait, au contraire, obtenir l'indemnisation de la rupture sur le fondement des règles relatives au contrat de travail à durée déterminée, que, lorsque le contrat à durée déterminée devient, du seul fait de la poursuite de la relation contractuelle après l'échéance de son terme, un contrat à durée indéterminée, les règles propres à la rupture d'un tel contrat s'appliquent de plein droit.
Cette solution impose donc aux juges, dans une telle hypothèse, de prononcer la requalification de la relation en une relation à durée indéterminée.
Cette solution, bien qu'elle ne soit que la résultante de l'application littérale de l'article L. 122-3-10 du Code du travail (N° Lexbase : L9643GQ9), doit recevoir un accueil nuancé.
1. Objet, cause et auteur de la requalification du contrat de travail à durée déterminée
La requalification constitue, en droit du travail, une sanction de l'inobservation par l'employeur des règles prescrites par la législation du travail.
Appliquée au contrat de travail à durée déterminée, la requalification sanctionne l'inobservation par l'employeur des règles propres au contrat de travail à durée déterminée, que ces dernières concernent la conclusion du contrat de travail à durée déterminée, l'exécution de la relation de travail, ou encore son terme. Elle entraîne, lorsqu'elle est accordée, la "transformation rétroactive" de la relation de travail à durée déterminée en une relation à durée indéterminée.
L'article L. 122-3-13 du Code du travail (N° Lexbase : L5469ACK) énumère les hypothèses de requalification. La liste prescrite est limitative. Cet article dispose, ainsi, que tout contrat conclu en méconnaissance des dispositions des articles L. 122-1 (N° Lexbase : L5451ACU), L. 122-1-1 (N° Lexbase : L9607GQU), L. 122-1-2 (N° Lexbase : L9608GQW), L. 122-2 (N° Lexbase : L5454ACY), L. 122-3 (N° Lexbase : L5455ACZ) et L. 122-3-10, alinéa 1er (N° Lexbase : L9643GQ9), à L. 122-3-12 (N° Lexbase : L5468ACI) est réputé à durée indéterminée. L'article L. 122-3-10 alinéa 1er du même code lui fait écho, sanctionnant par la requalification la poursuite de la relation de travail postérieurement à l'échéance du terme prévu au contrat.
Il est de principe que seul le salarié peut demander la requalification de son contrat de travail. Cette sanction étant destinée à le protéger, l'employeur ne peut, quelle que soit la raison invoquée, la lui imposer (Cass. soc., 5 novembre 2003, n° 01-44.165, F-D N° Lexbase : A1284DAS).
Il peut arriver que le salarié ait intérêt à obtenir la requalification, ce qui est généralement le cas lorsque la relation à durée déterminée s'est poursuivie sur une longue période.
Le salarié peut, au contraire, souhaiter bénéficier de l'indemnisation de la rupture de son contrat en application des règles régissant le contrat de travail à durée déterminée.
Jusqu'à présent, le juge restait lié par l'objet de la demande du salarié. Lorsque cette dernière portait sur la requalification de la relation de travail en une relation à durée indéterminée, le juge ne pouvait, si les conditions étaient réunies, que faire droit à sa demande. Si, en revanche, le salarié entendait bénéficier de l'indemnisation afférente à la rupture de son contrat de travail à durée déterminée, le juge ne pouvait d'office procéder à cette requalification, et ce, quel qu'en soit le fondement.
C'est tout l'intérêt de la décision commentée que de mettre en lumière l'existence d'une requalification automatique de la relation à durée déterminée en une relation à durée indéterminée sur le fondement de l'article L. 122-3-10 du Code du travail.
Dans cette espèce, une salariée avait été engagée par contrat de travail à durée déterminée en remplacement d'un salarié absent. Malgré le licenciement du salarié remplacé en février 2004, les relations de travail s'étaient poursuivies jusqu'en novembre 2004, époque à laquelle la salariée avait été licenciée pour absences injustifiées. Contestant cette rupture, la salariée avait saisi la juridiction prud'homale de demandes tendant au paiement d'une indemnité pour rupture injustifiée du contrat de travail à durée déterminée.
La cour d'appel avait fait droit à la demande de la salariée, retenant que seule cette dernière pouvait demander la requalification de son contrat de travail à durée déterminée en un contrat à durée indéterminée et, qu'en l'absence d'une telle demande, le contrat de travail restant à durée déterminée ne pouvait être rompu que pour faute grave.
La Cour de cassation ne voit pas les choses de la même manière. Elle considère, en effet, que, lorsque le contrat de travail à durée déterminée devient, du seul fait de la poursuite de la relation contractuelle après l'échéance de son terme, un contrat à durée indéterminée, les règles propres à la rupture d'un tel contrat s'appliquent de plein droit. Corrélativement, elle vient mettre en lumière une requalification automatique du contrat de travail à durée déterminée en un contrat à durée indéterminée sur le fondement de l'article L. 122-3-10 du Code du travail.
Cette solution doit, d'un point de vue théorique, être approuvée. On peut seulement regretter qu'elle vienne remettre en cause le caractère d'ordre public social des règles relatives à la requalification.
2. Automaticité de la requalification du contrat de travail à durée déterminée
L'article L. 122-3-10 du Code du travail dispose que, "si la relation contractuelle de travail se poursuit après l'échéance du terme du contrat, celui-ci devient un contrat à durée indéterminée". Une application littérale de cette disposition voudrait que le juge, qui constate le dépassement du terme du CDD, requalifie automatiquement le contrat de travail à durée déterminée en un contrat à durée indéterminée.
Tel n'était pas le cas jusqu'à présent. Si, en effet, la jurisprudence considérait que, dès l'instant où la relation de travail se poursuivait à l'expiration du terme d'un contrat de travail à durée déterminée, le contrat de travail devenait un contrat à durée indéterminée même si, ultérieurement, un nouveau contrat à durée déterminée était signé (Cass. soc., 30 mars 2005, n° 03-42.667, F-P+B N° Lexbase : A4533DHD), c'est à la condition que le salarié formule une demande de requalification.
La Cour de cassation sanctionnait systématiquement les juges du fonds qui requalifiaient d'office le contrat de travail à durée déterminée en un contrat de travail à durée indéterminée. Il a, ainsi, notamment, été jugé qu'excédait ses pouvoirs le conseil de prud'hommes qui, en l'absence de demande du salarié, procède d'office à la requalification (Cass. soc., 6 octobre 2004, n° 02-43.399, F-D N° Lexbase : A5697DDD). Une telle sanction s'appliquait même si la requalification trouvait son fondement dans le non-respect de la durée maximale du contrat de travail à durée déterminée (Cass. soc., 30 octobre 2002, n° 00-45.572, F-P N° Lexbase : A4083A3M).
Même si toutes ces décisions trouvaient leur fondement dans l'article L. 122-3-13 du Code du travail, et non dans l'article L. 122-3-10, alinéa 1er, du même code, il n'était, à notre connaissance, fait aucune distinction ; partant, toutes les requalifications prononcées devaient au préalable avoir été demandées.
Cette solution, même si elle doit être approuvée eu égard à la lettre de l'article L. 122-3-10 du Code du travail, met à mal le caractère d'ordre public social des règles propres au contrat de travail à durée indéterminée.
Pour justifier la limitation apportée aux demandes de requalification, les juges affirmaient que "les dispositions prévues par les articles L. 122-1 et suivants du Code du travail, relatives au contrat de travail à durée déterminée, ayant été édictées dans un souci de protection du salarié qui peut seul se prévaloir de leur inobservation, le conseil de prud'hommes qui, en l'absence de demande du salarié, a requalifié d'office le contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée, a excédé ses pouvoirs" (Cass. soc., 6 octobre 2004, n° 02-43.399, F-D N° Lexbase : A5697DDD).
Admettre la faculté pour les juges de prononcer la requalification même en l'absence de demande formée sur ce point par le salarié vient porter atteinte à cette protection.
Si l'on s'attache à l'espèce commentée, la salariée avait, en effet, tout intérêt à ce que son contrat de travail ne soit pas requalifié.
Cette atteinte portée au caractère d'ordre public social des règles applicables au contrat de travail à durée déterminé est critiquable, elle entraînera en tous cas l'obligation pour les juges de modifier la motivation des requalifications fondées sur l'article L. 122-3-13 du Code du travail, voire d'étendre la requalification automatique à toutes les hypothèses... ce qui n'est pas à souhaiter et semble ne pas pouvoir arriver, l'article L. 122-3-10 du Code du travail n'a pas la même rédaction que l'article L. 122-3-13 et singulièrement un second alinéa qui vient préciser que "[...] si le tribunal fait droit à la demande du salarié [...]", ce dont on peut induire que seul ce dernier peut le demander.
Décision
Cass. soc., 13 décembre 2007, n° 06-44.004, M. Hilleraud exploitant le restaurant le d'Artagnan, FS-P+B (N° Lexbase : A0813D3I) Cassation, CA Rouen, 16 mai 2006 Texte concerné : C. trav., art. L. 122-3-10 (N° Lexbase : L9643GQ9) Mots clefs : contrat de travail à durée déterminée, déchéance du terme, poursuite de la relation de travail après la déchéance du terme, requalification, licenciement, cause réelle et sérieuse, demande de requalification, auteur de la demande, requalification d'office par le juge. Lien base : |
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