Réf. : Cass. crim., 27 novembre 2007, n° 07-81.585, Compagnie Monceau générale assurances, F-P+F (N° Lexbase : A0861D3B)
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N5925BDS
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par David Bakouche, Professeur agrégé des Facultés de droit
le 07 Octobre 2010
La logique est donc aujourd'hui la même, que la faute de la victime ait consisté dans le fait de conduire avec un taux d'alcoolémie excessif ou de conduire sans permis : cette faute, en tant que telle absolument indiscutable, n'est pas nécessairement la cause du dommage. Et gageons qu'elle vaut, également, pour le cas de la conduite en dépit de la consommation de stupéfiants.
D'un point de vue purement technique, la solution peut se justifier par l'idée selon laquelle cette faute n'est pas forcément la cause immédiate de l'accident et, finalement, du dommage subi par la victime. Cette position s'explique, en tout cas, par une appréciation assez stricte du lien de causalité devant exister entre la faute et le dommage. L'ayant déjà relevé dans notre commentaire des arrêts du 6 avril dernier, on se contentera ici de signaler que la solution aurait pu être différente si l'on avait préféré une conception plus large de la causalité, et considéré que la faute de la victime était bien en relation avec son dommage, puisque, par hypothèse même, si elle avait respecté la loi (ne pas conduire au-delà d'un certain taux d'alcoolémie ou sans permis de conduire), et donc pas commis de faute, la victime n'aurait pas eu d'accident et n'aurait pas subi de dommage. Et l'on ajoutera qu'il n'est plus utile de démontrer que la Cour de cassation, quand il s'agit de venir au secours de certaines victimes, n'hésite pas à retenir une appréciation large de la causalité.
Il faut bien avouer que, en réalité, le choix fait par la Cour de cassation est, ici, un choix de politique juridique, bien plus que de technique juridique : elle refuse, dans des situations douloureuses pour les victimes ou leurs familles, de venir rogner sur le terrain civil l'indemnisation auxquelles elles peuvent prétendre (3). Soit. On avouera ne pas partager cette vision des choses, et continuer de penser que la victime, dont la faute demeure, selon nous, en relation avec le dommage, mérite d'être sanctionnée, ne serait-ce que pour lui rappeler qu'elle a une part de responsabilité dans son dommage, aussi pénible et douloureux que cela puisse être. Et la solution nous paraîtrait d'autant plus justifiée que l'on en n'est pas, ici, au stade des conditions de mise en oeuvre de la loi de 1985, mais bien au stade du régime de la loi, ce qui rend parfaitement légitime une appréciation des responsabilités encourues.
(1) Cass. civ. 2, 4 juillet 2002, n° 00-12.529, Société des Transports Garcia c/ M. Adrien Lajarthe, FS-P+B+I (N° Lexbase : A0668AZR), RCA 2002, n° 330, obs. H. Groutel, RTDCiv. 2002, p. 829, obs. P. Jourdain ; Cass. civ. 2, 10 mars 2004, n° 02-19.841, Mme Annick Renaudin, veuve Roger c/ Fonds de garantie Automobile, F-P+B (N° Lexbase : A4909DBG), RCA 2004, n° 180, obs. H. Groutel.
(2) Ass. plén., 6 avril 2007, 2 arrêts, n° 05-81.350, M. Daniel Duboust c/ Mme Patricia Pipon, P+B+R+I (N° Lexbase : A9501DUG) et n° 05-15.950, MACIF Provence-Méditerranée c/ M. Stéphane Devos, P+B+R+I (N° Lexbase : A9499DUD), JCP éd. G, 2007, II, 10078, note P. Jourdain ; adde H. Groutel, Boire ou conduire, Resp. civ. et assur. 2007, Repère n° 7, et nos obs., Un taux d'alcoolémie excessif n'est pas constitutif d'une faute nécessairement causale d'un accident de la circulation, Lexbase Hebdo n° 259 du 10 mai 2007 - édition privée générale (N° Lexbase : N0432BBM).
(3) Voir, not., Ph. Brun, Observations sommaires sur la faute du conducteur victime dans la loi du 5 juillet 1985, Mél. Groutel, LexisNexis, p. 65 et s..
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