La lettre juridique n°287 du 10 janvier 2008 : Famille et personnes

[Jurisprudence] L'adoption simple de l'enfant du partenaire pacsé

Réf. : Cass. civ. 1, 19 décembre 2007, n° 06-21.369, Mme X, FS-P+B (N° Lexbase : A1286D3Z)

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par Nathalie Baillon-Wirtz, Maître de conférences à l'université de Reims Champagne-Ardenne

le 07 Octobre 2010

Par un arrêt rendu le 19 décembre 2007, la première chambre civile de la Cour de cassation a approuvé la décision des juges du fond d'avoir rejeté la requête en adoption simple d'un enfant formée par la partenaire de la mère biologique. Cet arrêt, dans la droite ligne de ceux rendus par la Cour de cassation le 20 février 2007 (Cass. civ. 1, 20 février 2007, deux arrêts, n° 04-15.676, FS-P+B+R+I N° Lexbase : A2536DUH et n° 06-15.647, FS-P+B+R+I N° Lexbase : A2676DUN, et nos obs., Le couple homosexuel et l'homoparentalité à l'épreuve de la jurisprudence, Lexbase Hebdo n° 254 du 29 mars 2007 - édition privée générale N° Lexbase : N3857BA4), se fonde sur la règle selon laquelle l'autorité parentale ne peut, en vertu de l'article 365 du Code civil (N° Lexbase : L2884ABG), se partager que dans le cas de l'adoption de l'enfant du conjoint et non du partenaire lié par un pacs ou du concubin. Dans la mesure où la mère présentait toute aptitude à exercer son autorité parentale et n'y avait pas renoncé, il aurait été contraire à l'intérêt de l'enfant de prononcer l'adoption simple qui aurait pour conséquence de la priver de ses droits parentaux. L'arrêt du 19 décembre 2007 précise, en outre, que sa jurisprudence, s'appliquant à tous les couples non mariés, qu'ils soient de même sexe ou de sexes différents, ne constitue ni une discrimination, ni une atteinte aux dispositions de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme. L'adoption simple est additive, la famille adoptive s'ajoutant à la famille d'origine. Cependant, l'addition est incomplète, dans la mesure où elle se réalise exclusivement au détriment des parents biologiques qui passent, alors, au second plan (1).

Selon l'article 365, alinéa 1er, du Code civil, relatif aux effets de l'adoption simple, "l'adoptant est seul investi à l'égard de l'adopté de tous les droits d'autorité parentale, inclus celui de consentir au mariage de l'adopté, à moins qu'il ne soit le conjoint du père ou de la mère de l'adopté ; dans ce cas, l'adoptant a l'autorité parentale concurremment avec son conjoint, lequel en conserve seul l'exercice, sous réserve d'une déclaration conjointe avec l'adoptant devant le greffier en chef du tribunal de grande instance aux fins d'un exercice en commun de cette autorité". En résumé, l'adoption simple réalise un transfert de l'autorité parentale au profit de l'adoptant. Les parents d'origine sont, dès lors, complètement écartés et perdent l'ensemble de leurs prérogatives.

L'article 365 déroge, toutefois, à ce principe d'attribution exclusive de l'autorité parentale (2) dans le cas de l'adoption en mariage, par l'un des époux, de l'enfant du conjoint. Dans cette hypothèse, l'adoptant a l'autorité parentale concurremment avec son conjoint mais ce dernier en conserve l'exercice. Néanmoins, la loi n° 2002-305 du 4 mars 2002, relative à l'autorité parentale (N° Lexbase : L4320A4R) a assoupli cette restriction en autorisant le parent d'origine et le conjoint adoptant à procéder à une déclaration conjointe devant le greffier en chef du tribunal de grande instance, aux fins d'un exercice en commun de cette autorité.

Cette dérogation ne joue pas, cependant, lorsque l'adopté est l'enfant d'un partenaire pacsé ou d'un concubin (3).

Dans le cas présent, la mère avait, pourtant, consenti à l'adoption par sa partenaire pacsée de son enfant né d'une procréation médicalement assistée réalisée avec un tiers donneur anonyme. Mais elle entendait, également, continuer à vivre avec l'enfant, à l'élever et à exercer ses droits d'autorité parentale durant la procédure. Or, comme le relèvent les juges du fond ainsi que la Cour de cassation dans cet arrêt du 19 décembre 2007, la requête en adoption formulée par la partenaire doit être rejetée car la volonté de la mère d'élever son enfant interdit de considérer ce dernier comme adoptable. De surcroît, la privation des droits d'autorité parentale de la mère en cas d'adoption par sa compagne contrevient à l'intérêt de l'enfant.

Certes, il avait été envisagé de tempérer ces effets de l'adoption simple sur le couple homosexuel en recourant, une fois celle-ci prononcée, à une délégation-partage de l'autorité parentale en faveur de la mère, comme le permet l'article 377, alinéa 1er, du Code civil (N° Lexbase : L2924ABW). La Cour de cassation avait, ainsi, admis, dans un arrêt du 24 février 2006, que la loi "ne s'oppose pas à ce qu'une mère seule titulaire de l'autorité parentale en délègue tout ou partie de l'exercice à la femme avec laquelle elle vit une union stable et continue, dès lors que les circonstances l'exigent et que la mesure est conforme à l'intérêt de l'enfant" (4). Mais la portée de cette décision a été limitée par deux arrêts très remarqués rendus le 20 février 2007 par la première chambre civile de la Cour de cassation (5). Cette dernière a, en effet, rappelé que la délégation de l'autorité parentale n'est pas à la disposition des parents. En effet, aux termes de l'article 377 du Code civil, une délégation est possible, en totalité ou en partie, au profit notamment d'un tiers ou d'un proche digne de confiance, dès lors que les circonstances qui entourent une telle demande l'exigent. Or, selon les données des deux espèces soumises à la Cour de cassation, le délégant aurait dû être la compagne adoptante et le délégataire, c'est-à-dire le tiers, la mère biologique des enfants. C'est donc en grande partie parce que la mère ne peut recevoir la qualification de tiers (6) que la Cour de cassation a décidé de faire obstacle à un détournement, contraire à l'intérêt de l'enfant, de l'institution de l'adoption (7).

Outre le fait de rappeler que le prononcé de l'adoption simple a pour conséquence de déposséder le parent par le sang de ses droits d'autorité parentale alors même qu'il continue à élever l'enfant, la Cour de cassation entend, également, ne pas assimiler les partenaires d'un Pacs à des conjoints qu'elle définit comme étant "en l'état de la législation française [...] des personnes unies par les liens du mariage" (8). Une telle solution irait, en effet, à l'encontre de l'article 365 du Code civil et surtout de la loi du 15 novembre 1999 instituant le Pacs (loi n° 99-944 N° Lexbase : L7500AIM), laquelle est sans incidence sur les règles de la filiation et de l'autorité parentale (9).

Par ailleurs, ne saurait être retenu, selon la Cour, l'argument selon lequel le rejet de la requête en adoption de l'enfant du partenaire pacsé constitue une discrimination à l'encontre des personnes de même sexe unies par un pacte civil de solidarité, notamment, sur le fondement des articles 8 (N° Lexbase : L4798AQR) et 14 (N° Lexbase : L4747AQU) de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme. L'arrêt du 19 décembre 2007 est ainsi dans la droite ligne de la décision rendue le 13 mars 2007 par la première chambre civile de la Cour de cassation (10) rappelant, d'une part, qu'en l'état de la loi française, la différence de sexe des époux est une condition de validité du mariage et relevant, d'autre part, qu'un tel principe ne contrevient pas aux dispositions de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme (11) et de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne (N° Lexbase : L8117ANX).


(1) C. Neirinck, note sous Cass. civ. 1, 20 février 2007, préc., JCP éd. G, 2007, II, 10068.
(2) D. Vigneau, note sous Cass. civ. 1, 20 février 2007, préc., D. 2007, p. 1047.
(3) La jurisprudence témoigne, en général, d'une hostilité à l'égard de l'adoption simple par le partenaire homosexuel. Néanmoins, certaines juridictions l'ont parfois acceptée. Ainsi, le tribunal de grande instance de Paris avait, dans une décision très remarquée, admis l'adoption simple de trois enfants conçus par procréation médicalement assistée, par la concubine de la mère (TGI Paris, 27 juin 2001, RTD. civ. 2002, p.84, obs. J. Hauser). Plus récemment, un arrêt de la cour d'appel d'Amiens, rendu le 14 février 2007, a confirmé la décision des premiers juges ayant prononcé l'adoption simple d'un enfant au profit de la concubine de sa mère (CA Amiens, 14 février 2007, n° 06/03761, Madame Camille A. N° Lexbase : A7706DUX).
(4) Cass. civ. 1, 24 février 2006, n° 04-17.090, Procureur général près la cour d'appel d'Angers c/ Mme Christine X, FS-P+B+R+I (N° Lexbase : A1782DNC), D. 2006, p.897, note D. Vigneau.
(5) Cass. civ. 1, 20 février 2007, préc., Dr. fam. 2007, comm. n° 80, note P. Murat.
(6) Conclusions de l'Avocat général F. Cavarroc, sous Cass. civ. 1, 20 février 2007, Gaz.-Pal. 25-27 février 2007, p. 10.
(7) Selon la Cour de cassation, un tel procédé est "antinomique et contradictoire" avec l'adoption simple dont le but est "de conférer l'autorité parentale au seul adoptant".
(8) Une telle assimilation entre le mariage et le Pacs avait été retenue par le tribunal de grande instance de Clermont-Ferrand dans un jugement du 24 mars 2006 (AJ Famille 2006, p. 245, note F. Chénedé). Cette solution fut ensuite infirmée par la cour d'appel de Riom dans un arrêt du 27 juin 2006 (Dr. fam. 2006, comm. n° 204, note P. Murat).
(9) Cons. Const., 9 novembre 1999, n° 99-419 DC, Loi relative au pacte civil de solidarité (N° Lexbase : A8783ACB), JO 16 novembre 1999.
(10) Cass. civ. 1, 13 mars 2007, n° 05-16.627, M. Stéphane Chapin, FP-P+B+R+I (N° Lexbase : A6575DU3), D. 2007, p.1375, note H. Fulchiron.
(11) Le refus du mariage homosexuel ne porte pas atteinte à l'article 12 (N° Lexbase : L4745AQS) de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme, dès lors que, selon l'interprétation retenue par la Cour européenne des droits de l'Homme, il est admis qu'"en garantissant le droit de se marier, l'article 12 vise le mariage traditionnel entre deux personnes de sexe biologique différent" : CEDH, 11 juillet 2002, Req. n° 28957/95, Goodwin (N° Lexbase : A0682AZB), JCP éd. G, 2003, I, 109, § 16, obs. F. Sudre.

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