La lettre juridique n°326 du 13 novembre 2008 : Rel. individuelles de travail

[Jurisprudence] Calcul des heures indemnisables au titre du chômage partiel

Réf. : Cass. soc., 28 octobre 2008, n° 07-40.865, Société MGB, FS-P+B (N° Lexbase : A0679EBR)

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N7018BHE

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par Christophe Willmann, Professeur à l'Université de Rouen

le 07 Octobre 2010

Alors que le législateur vient de modifier le régime de la durée du travail (loi n° 2008-789 du 20 août 2008, portant rénovation de la démocratie sociale et réforme du temps de travail (1)), la Cour de cassation s'est prononcée, dans un arrêt du 28 octobre 2008, sur l'une des conséquences associées à une autre réforme de la durée du travail, la loi "Aubry II" du 19 janvier 2000 (loi n° 2000-37, relative à la réduction négociée du temps de travail N° Lexbase : L0988AH3), au regard du calcul des heures indemnisées au titre de la prise en charge du chômage partiel. En l'espèce, la question portait sur le seuil de déclenchement de prise en charge du chômage partiel, modifié par la loi "Aubry II", qui est passé de 39 à 35 heures (2). Un salarié demandait que l'employeur lui verse une indemnisation de chômage partiel calculée sur la base de 39 heures, durée du travail appliquée dans l'entreprise, alors que l'employeur, lui, entendait calculer l'indemnisation sur une base de 35 heures, durée du travail applicable à l'entreprise depuis la loi "Aubry II". La cour d'appel avait suivi l'argumentation du salarié, contrairement à la Cour de cassation, pour laquelle il résulte de l'article R. 351-53-I du Code du travail (N° Lexbase : L0303ADL, art. R. 5122-11, recod. N° Lexbase : L2860IA8) que le nombre d'heures perdues pouvant justifier des allocations attribuées en application de l'article L. 351-25 (N° Lexbase : L6259ACS, art. L. 5122-1, recod. N° Lexbase : L2041H9H) correspond à la différence entre la durée légale du travail applicable dans l'entreprise ou, lorsqu'elle est inférieure, la durée collective du travail ou la durée stipulée au contrat, et le nombre d'heures réellement travaillées sur la période considérée. De plus, l'article 2 de l'accord national interprofessionnel du 21 février 1968, applicable, dispose que seules les heures prises en charge au titre de l'indemnisation légale ouvriront droit aux allocations horaires conventionnelles.

Dans la mesure où le régime de la durée du travail a été modifié par la loi n° 2008-789 du 20 août 2008, l'arrêt rapporté permet opportunément de faire le point sur la question du calcul de l'allocation de chômage partiel, en présence, ou non, d'un accord de modulation du temps de travail.


Résumé

En application de l'article R. 351-53-I du Code du travail (C. trav., art. R. 5122-11, recod.), le nombre d'heures perdues pouvant justifier des allocations de chômage partiel correspond à la différence entre la durée légale du travail applicable dans l'entreprise ou, lorsqu'elle est inférieure, la durée collective du travail ou la durée stipulée au contrat, et le nombre d'heures réellement travaillées sur la période considérée. L'article 2 de l'accord national interprofessionnel du 21 février 1968 dispose que seules les heures prises en charge au titre de l'indemnisation légale ouvriront droit aux allocations horaires conventionnelles.

Il résulte de ces dispositions combinées que les heures supplémentaires, soit les heures supérieures à la durée légale, ne donnent pas lieu à indemnisation au titre du chômage partiel.

Commentaire

I - Régime du chômage partiel, hors accord de modulation du temps de travail

A - Cas de prise en charge des indemnités de chômage partiel

  • Définition légale et réglementaire

Les causes susceptibles d'ouvrir droit à indemnisation relèvent de la conjoncture économique, des difficultés d'approvisionnement en matières premières ou en énergie, du sinistre ou intempéries de caractère exceptionnel, de la transformation, restructuration ou modernisation de l'entreprise, et, enfin, de toute autre circonstance de caractère exceptionnel (C. trav., art. R. 5122-2 N° Lexbase : L2884IA3) (3). Ces situations comprennent des caractéristiques communes reposant sur leur caractère obligatoirement temporaire et, dans certains cas, sur leur caractère exceptionnel, c'est-à-dire sur leur imprévisibilité (circ. DGEFP n° 2001-21 du 18 juillet 2001, relative à l'allocation spécifique de chômage partiel fiche 1 N° Lexbase : L7558IBK). Les derniers travaux statistiques disponibles (4) montrent que le chômage partiel peut remplir un rôle d'instrument de flexibilité répondant à des variations prévisibles d'activité et non de simple outil de protection de l'emploi utilisé dans des circonstances exceptionnelles.

  • Réduction de la durée du travail, cause de déclenchement du mécanisme de chômage partiel

Les salariés qui, tout en restant liés à leur employeur par un contrat de travail, subissent une perte de salaire imputable à la réduction de l'horaire de travail habituellement pratiqué dans l'établissement en deçà de la durée légale de travail, bénéficient d'une allocation spécifique qui est à la charge de l'Etat (C. trav., art. L. 5122-1) (5). Encore faut-il que cette réduction du temps de travail soit liée à une réduction d'activité : la direction départementale du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle (DDTEFP) peut valablement refuser une demande de prise en charge de l'indemnité de chômage partiel en l'absence de réduction d'activité (6).

B - Régime du chômage partiel : calcul des heures indemnisables

  • Calcul du nombre d'heures indemnisables

Dans les entreprises pratiquant une durée du travail hebdomadaire fixe, les heures indemnisables correspondent à la différence entre le nombre d'heures normalement travaillées sur le mois et le nombre d'heures réellement travaillées. Le nombre d'heures perdues pouvant justifier les allocations attribuées correspond à la différence entre la durée légale du travail applicable dans l'entreprise ou, lorsqu'elle est inférieure, la durée collective du travail ou la durée stipulée au contrat et le nombre d'heures réellement travaillées sur la période considérée. Ces allocations prennent la forme d'indemnités horaires dont le taux peut varier selon la taille de l'entreprise (C. trav., art. R. 5122-11, R. 5122-18 N° Lexbase : L2840IAG et R. 5122-23 N° Lexbase : L2827IAX).

Lorsque la durée du travail est fixée en application des articles L. 3122-6 (N° Lexbase : L0354H9Y) et L. 3122-19 (N° Lexbase : L0370H9L) du Code du travail, le nombre d'heures indemnisables correspond à la différence entre la durée hebdomadaire légale de travail, ou la durée collective si elle lui est inférieure, et le nombre d'heures réellement travaillées. Les heures perdues au-delà de la durée légale de travail ne donnent pas lieu à l'attribution du repos correspondant (C. trav., art. R. 5122-11). Elles peuvent être définies pour une entreprise, par un accord d'entreprise (ex., pour le Crédit agricole, Accord national 13 janvier 2000, relatif à la cessation anticipée d'activité, à l'aménagement et à la réduction du temps de travail au Crédit agricole ; CE contentieux, 17 juin 2002, n° 226936, Fédération nationale CGT des personnels des secteurs financiers N° Lexbase : A3583A34, RJS, 2002, n° 1272).

  • Influence de la loi sur la réduction du temps de travail

Avec l'abaissement de la durée légale mise en oeuvre par la loi "Aubry II", le décret n° 2001-557 du 28 juin 2001, relatif au chômage partiel (N° Lexbase : L2026AT9), dispose que le chômage partiel se déclenche en deçà de la durée légale de 35 heures ou en deçà de la durée collective si elle est inférieure à la durée légale. La réforme a, également, défini le mode de calcul des heures indemnisables pour les autres formes de mise en place de l'aménagement et la réduction du temps de travail. Ainsi, les modalités d'indemnisation varient selon les règles propres à la formule d'organisation du travail : modulation du temps de travail ; durée équivalente à la durée légale ; réduction du temps de travail avec jours de repos supplémentaires ; convention de forfait (heures sur le mois, heures ou jours sur l'année). Certaines heures non travaillées peuvent donc ne pas être indemnisables (7).

L'abaissement de la durée légale en application de l'article 1er de la loi du 19 janvier 2000 a eu pour conséquence directe un décompte du nombre d'heures indemnisables en deçà de 35 heures hebdomadaires. Lorsque la durée du travail est fixée dans un cadre hebdomadaire, les heures réellement chômées, et donc indemnisables par l'Etat, correspondent à la différence entre le nombre d'heures normalement travaillées sur le mois et le nombre d'heures réellement travaillées au cours de ce même mois. Le nombre d'heures habituellement travaillées au cours du mois dans l'établissement ne peut excéder la durée légale de travail ou la durée collective de travail si elle est inférieure à la durée légale ou la durée fixée au contrat pour les salariés non soumis à la durée collective (8).

L'abaissement de la durée légale hebdomadaire du temps de travail a entraîné des effets mécaniques quant aux conditions d'attribution de l'allocation spécifique de chômage partiel et donc de l'allocation complémentaire versée au titre d'une convention de chômage partiel. S'agissant des conditions de prise en charge de l'allocation complémentaire au titre d'une convention de chômage partiel, la carence de la prise en charge applicable aux heures comprises entre la 36ème et la 39ème heure a été supprimée pour prendre en compte les effets mécaniques de l'abaissement de la durée légale du travail (C. trav., art. D. 5122-36 N° Lexbase : L2792IAN).

La durée légale du travail a été réduite à 35 heures par semaine, à compter du 1er janvier 2000 pour les entreprises de plus de 20 salariés et à compter du 1er janvier 2002 pour les entreprises de 20 salariés et moins. Cette baisse de la durée légale du travail a entraîné une modification du régime réglementaire : le décret du 28 juin 2001 a recentré le chômage partiel sur son rôle premier de maintien en emploi des salariés. Pour les statisticiens, la réduction du temps de travail a donc contribué à recentrer le chômage partiel sur sa fonction initiale de protection de l'emploi, de prévention des licenciements, au détriment du volet "flexibilité" (9).

II - Régime du chômage partiel dans les entreprises qui pratiquent un accord de modulation

A - Régime antérieur à la loi du 20 août 2008

Le pouvoir réglementaire avait prévu que les entreprises appliquant un accord de modulation du temps de travail peuvent bénéficier des allocations de chômage partiel pour chaque heure perdue en deçà de la durée du travail prévue dans le programme indicatif des salariés concernés sur la période considérée dans les limites de la durée légale ou de la durée hebdomadaire moyenne sur l'année si elle est inférieure (C. trav., art. R. 5122-26). Les conventions et accords portant sur le chômage partiel doivent fixer le programme indicatif de la répartition de la durée du travail, les modalités de recours au travail temporaire, les conditions de recours au chômage partiel pour les heures qui ne sont pas prises en compte dans la modulation, ainsi que le droit à rémunération et à repos compensateur des salariés n'ayant pas travaillé pendant la totalité de la période de modulation de la durée du travail et des salariés dont le contrat de travail a été rompu au cours de cette même période (C. trav., art. L. 3122-11).

Les conditions de mise en oeuvre du chômage partiel, lorsque l'entreprise applique un accord de modulation, sont spécifiques (C. trav., art. R. 5122-26). Ces conditions respectent, tout à la fois, les règles relatives à la modulation du temps de travail et celles relatives au chômage partiel (circ. DGEFP n° 2001-21 du 18 juillet 2001, préc., fiche 5). L'employeur appliquant un accord de modulation du temps de travail et qui envisage la mise au chômage partiel de ses salariés doit adresser en temps réel une demande d'indemnisation, c'est-à-dire dès qu'il pressent qu'il ne pourra pas respecter le programme indicatif de la modulation (C. trav., art. R. 5122-27 N° Lexbase : L2816IAK). Lorsque la cause du chômage partiel réside dans une suspension d'activité due à un sinistre ou à des intempéries de caractère exceptionnel, l'employeur peut adresser sa demande dans un délai de trente jours à compter du premier jour de mise en oeuvre du chômage partiel. L'absence de programme indicatif ne permet pas d'attribuer l'allocation spécifique faute de décompte possible du nombre d'heures réellement chômées par les salariés (circ. DGEFP n° 2001-21 du 18 juillet 2001, préc., fiche 5).

Le nombre d'heures indemnisables au titre du chômage partiel correspond aux heures perdues par rapport au planning indicatif de la modulation. Les heures indemnisables sont calculées dans la limite de la durée légale du travail ou de la durée conventionnelle hebdomadaire en moyenne sur l'année si elle est inférieure à la durée légale. Les heures perdues comprises entre la durée légale, ou conventionnelle si inférieure, et le plafond de la modulation fixé par l'accord ou par la convention ne peuvent, en aucun cas, être indemnisées au titre du chômage partiel et doivent donc être normalement rémunérées par l'employeur.

Les clauses de l'accord sur la base duquel la modulation du temps de travail est appliquée prévoyant des dispositions relatives au recours au chômage partiel plus favorables au salarié doivent être respectées. Ainsi, si la convention ou l'accord prévoit explicitement qu'il ne sera recouru au chômage partiel que lorsque la réduction d'horaire se situe en deçà d'un horaire déterminé dans l'accord, stipulation plus favorable au salarié, celle-ci devra être appliquée par l'employeur. Ainsi, dans un tel cas, toute indemnisation au titre du chômage partiel ne peut être octroyée que lorsque la réduction d'activité porte l'horaire de travail en deçà de la durée fixée par l'accord. Il en ira différemment si l'accord prévoit que seules les heures perdues en deçà d'un horaire hebdomadaire fixé par celui-ci donneront lieu à une indemnisation au titre de la mesure. Ainsi, en dehors des stipulations de l'accord explicitement définies sur ce point, toute référence à une durée minimale de travail n'a donc pas à être retenue pour décompter le nombre d'heures indemnisables (circ. DGEFP n° 2001-21 du 18 juillet 2001, préc., fiche 5).

  • Conventions de forfait sur une base hebdomadaire ou mensuelle

Lorsque la durée du travail est fixée sur une base hebdomadaire ou mensuelle, en application des dispositions de l'article L. 3121-38 du Code du travail (N° Lexbase : L3861IBM), le nombre d'heures indemnisées dans le cadre de ces conventions correspond à la durée légale du travail diminuée de la différence entre la durée du travail mentionnée dans la convention de forfait et le nombre d'heures chômées en deçà de la durée légale (C. trav., art. R. 5122-20 N° Lexbase : L2834IA9). Ainsi, compte tenu du fait que ces conventions de forfait intègrent un nombre d'heures supplémentaires qui ne peuvent être indemnisées au titre de la mesure du chômage partiel, les modalités prévues dans le décret du 28 juin 2001 aboutissent à appliquer une compensation de fait entre les heures supplémentaires prédéterminées et les heures chômées (circ. DGEFP n° 2001-21 du 18 juillet 2001, préc., fiche 7).

  • Convention de forfait sur une base annuelle

Sont exclus du champ de l'indemnisation au titre du chômage partiel les salariés bénéficiant d'une convention de forfait sur une base annuelle, qu'elle soit définie sur une base horaire ou journalière, en cas de réduction de l'horaire de travail normalement pratiqué dans l'établissement qui emploie ces salariés (C. trav., art. R. 5122-9 N° Lexbase : L2865IAD). En effet, les règles spécifiques en matière de durée du travail liées à ce type de conventions de forfait ne permettant pas de connaître l'horaire habituellement pratiqué par le salarié tel que mentionné à l'article L. 5122-1, il n'est donc pas possible de décompter le nombre d'heures réellement chômées en cas de réduction d'horaire. Les règles encadrant ces conventions de forfait empêchent donc l'application de l'article L. 5122-1 du Code du travail en cas de réduction de l'horaire de travail.

En revanche, la rédaction de l'article L. 5122-1 rend nécessaire une indemnisation de ces salariés en cas de fermeture temporaire de l'établissement qui les emploie, qu'il s'agisse des cadres ou des itinérants. Dans ce cas, l'allocation spécifique de chômage partiel ne peut donc pas être attribuée pour une durée excédant 4 semaines consécutives, soit 28 journées équivalant, au plus au 1er janvier 2002, à 140 heures indemnisables consécutives, compte tenu de la durée légale applicable (soit 35 heures hebdomadaires x 4 semaines). En application de l'article L. 5122-1, le chômage partiel peut exceptionnellement être mobilisé pour des salariés employés dans le cadre de ce type de conventions en cas de fermeture temporaire de l'établissement qui les emploie (circ. DGEFP n° 2001-21 du 18 juillet 2001, préc., fiche 7).

Les modalités de décompte du nombre d'heures indemnisables concernant un salarié employé sous convention de forfait en heures sur l'année et qui se trouve placé en situation de chômage partiel, du fait de la suspension temporaire d'activité de l'établissement qui l'emploie, sont fixées par l'article R. 5122-11 du Code du travail. Le nombre d'heures indemnisables est déterminé en deçà de la durée hebdomadaire légale applicable ou en deçà de la durée collective de travail si elle est inférieure. Seules les heures indemnisables au titre du chômage partiel, c'est-à-dire celles pouvant donner lieu au versement de l'allocation spécifique permettent à l'employeur d'indemniser le salarié en lui versant l'allocation conventionnelle en lieu et place du salaire. L'heure indemnisable au titre du dispositif permet, également, à l'employeur d'être exonéré de cotisations patronales de sécurité sociale (circ. DGEFP n° 2001-21 du 18 juillet 2001, préc., fiche 7).

Compte tenu du fait que la durée du travail de ces cadres ne peut être décomptée en heures, seules des journées de travail perdues, et non les réductions de l'horaire de travail, peuvent être indemnisées au titre de la mesure. Le remboursement par l'Etat prend la forme d'une allocation journalière. Le nombre de journées indemnisables est obtenu en multipliant le rapport entre le nombre de jours de fermeture de l'établissement et le nombre de jours du mois par le nombre moyen mensuel de jours fixés dans la convention de forfait (C. trav., art. R. 5122-21 ; circ. DGEFP n° 2001-21 du 18 juillet 2001, préc., fiche 7).

  • Equivalences

Lorsque le salarié est occupé, en application de l'article L. 3121-1 du Code du travail, selon une durée équivalente à la durée légale, l'allocation accordée par heure de travail perdue est égale à l'indemnité horaire multipliée par le quotient de la durée légale par le nombre d'heures équivalant à cette durée. Le nombre d'heures perdues pouvant justifier des allocations publiques de chômage partiel (C. trav., art. L. 5122-1) correspond, dans ce cas, à la différence entre la durée équivalente à la durée légale (ou, lorsqu'elle est inférieure, à la durée collective du travail) et le nombre d'heures réellement travaillées sur la période considérée (C. trav., art. R. 5122-18).

Le nombre d'heures perdues peut être exceptionnellement décompté au-delà de la durée légale du travail, c'est-à-dire jusqu'à la durée équivalente à la durée légale du travail, seuil au-delà duquel se déclenchent les heures supplémentaires (sauf si cette durée est inférieure à la durée équivalente du fait par exemple d'une réduction importante du temps de travail). Le taux de l'allocation spécifique est dans ce cas minoré par le rapport entre la durée légale et le nombre d'heures équivalant à cette durée. Ces modalités ont, ainsi, pour effet de ne pas pénaliser les entreprises appliquant ce mode de décompte spécifique de la durée du travail effectif tout en prenant en compte les périodes d'inaction qu'il comporte (circ. DGEFP n° 2001-21 du 18 juillet 2001, préc., fiche 8).

B - Questions ouvertes par la loi du 20 août 2008

La loi du 20 août 2008 (art. 19) modifie profondément le régime des conventions de forfait (10) (C. trav., art. L. 3121-38 N° Lexbase : L3861IBM) : dorénavant, la durée du travail de tout salarié peut être fixée par une convention individuelle de forfait en heures sur la semaine ou sur le mois. La loi intègre donc au Code du travail la faculté de conclure une convention individuelle de forfait avec tout salarié, sans qu'il soit nécessaire qu'un accord collectif préalable en prévoit la possibilité. Seuls des forfaits sur la semaine ou sur le mois pourront être mis en place, les forfaits à l'année demeurant réservés aux cadres et aux salariés disposant d'une autonomie particulière. L'article 19 de la loi du 20 août 2008 introduit une seconde sous-section dans la section 4 intitulée "Conventions de forfait sur l'année".

Le nouvel article L. 3121-42 du Code du travail (N° Lexbase : L3963IBE) régit les forfaits sur l'année en heures. Dans la limite de la durée annuelle de travail, peuvent conclure ce type de forfait les cadres dont la nature des fonctions ne les conduit pas à suivre l'horaire collectif applicable au sein de l'atelier, du service ou de l'équipe auquel ils sont intégrés, ainsi que les salariés qui disposent d'une réelle autonomie dans l'organisation de leur emploi du temps. Les critères d'application du forfait en heures sur l'année pour les non-cadres sont modifiés.

L'article 19 modifie les articles L. 3121-43 et suivants du Code du travail (N° Lexbase : L3869IBW), relatifs aux forfaits en jours à l'année. Ce forfait ne pourra pas concerner tous les cadres. Le texte reprend la condition posée pour l'application d'un forfait en heures, mais ajoute la condition que le salarié dispose d'une autonomie dans l'organisation de son emploi du temps. La loi reprend les anciennes conditions prévues par le Code du travail, c'est-à-dire un critère cumulatif d'impossibilité de prédétermination du temps de travail et de réelle autonomie dans l'organisation de l'emploi du temps du salarié.

La loi du 20 août 2008 détermine, également, un nombre de jours maximal qui ne peut être dépassé par les accords collectifs déterminant la durée annuelle pour les forfaits-jours. L'article L. 3121-44 du Code du travail (N° Lexbase : L3857IBH) impose un plafond de 218 jours aux partenaires sociaux, soit le nombre de jours calendaires d'une année auxquels sont soustraits les congés payés, les samedis et dimanches, les jours fériés et, enfin, une dizaine de jours de récupération. L'article L. 3121-45 du Code du travail (N° Lexbase : L3952IBY) prévoit que les salariés, en accord avec leur employeur, peuvent renoncer à leurs jours de repos, dans la limite fixée par l'accord collectif. La rémunération des heures ainsi effectuées doit être majorée d'au moins 10 %, ce taux pouvant être accru par un avenant à la convention de forfait. A défaut d'accord, ce nombre maximal est de deux cent trente-cinq jours. Dans cette hypothèse, les jours fériés et la dizaine de jours de repos sont exclus du calcul. Comme dans l'ancien système, les salariés au forfait-jours ne sont pas soumis aux durées maximales hebdomadaires ou quotidiennes des articles L. 3121-24 et suivants du Code du travail (N° Lexbase : L3735IBX).

Il appartient, désormais, au pouvoir réglementaire de prendre les dispositions utiles pour que le régime de décompte des heures indemnisables au titre du chômage partiel soit adapté au nouveau régime des conventions de forfait.


(1) V. notre numéro spécial Lexbase Hebdo - édition sociale n° 318 du 18 septembre 2008, not., les obs. de F. Lalanne, Réforme du temps de travail : les grands principes (N° Lexbase : N1861BHE) ; Ch. Radé, Commentaire de la décision n° 2008-568 DC du 7 août 2008, loi portant rénovation de la démocratie sociale et réforme du temps de travail : dispositions relatives à la durée du travail (N° Lexbase : N1815BHP) ; S. Tournaux, Articles 18 et 19 de la loi n° 2008-789 du 20 août 2008, portant rénovation de la démocratie sociale et réforme du temps de travail : les heures supplémentaires et les conventions de forfait (N° Lexbase : N1808BHG) ; S. Martin-Cuenot, Articles 20, 21 et 22 de la loi n° 2008-789 du 20 août 2008, portant rénovation de la démocratie sociale et réforme du temps de travail : répartition des horaires de travail, congés payés et autres (N° Lexbase : N1825BH3).
(2) M. C., employé par la société MGB en qualité d'agent de maîtrise de 1985 à 2003, avait saisi la juridiction prud'homale d'une demande en paiement d'un rappel de salaires, exposant avoir subi une mesure de chômage technique entre le 1er octobre 2001 et le 31 décembre 2002, période durant laquelle il avait été indemnisé par la société sur la base de l'horaire légal de travail soit 35 heures, et non sur celle de l'horaire collectif de travail, soit 39 heures depuis le 1er janvier 2000, date d'entrée en vigueur de la réduction de la durée légale de travail dans l'entreprise. Pour accueillir sa demande, les juges du fond (CA Chambéry, ch. soc., 19 décembre 2006) ont retenu que la durée hebdomadaire de travail dans l'entreprise, fixée à 39 heures, avait été contractualisée : dès lors, c'est sur la base de 39 heures hebdomadaires que le salarié aurait dû être indemnisé au titre du chômage partiel. Statuant sur le pourvoi formé par la société MGB, la Cour de cassation se prononce dans le sens contraire : la durée légale du travail applicable dans cette entreprise était de 35 heures durant la période considérée ; les heures supplémentaires, soit les heures supérieures à la durée légale, ne donnent pas lieu à indemnisation au titre du chômage partiel.
(3) Bibliographie générale : O. Calavrezo, R. Duhautois et E. Walkowlak, Le recours au chômage partiel entre 1995 et 2005, Ministère de l'emploi, DARES, coll. Documents d'études n° 135, février 2008 ; B. Silhol, Le chômage partiel, LGDJ, 1998, préf. A. Coeuret ; M. Bunel, L'utilisation des modes de flexibilité par les établissements français, Travail et Emploi, 2006, n° 106, p. 7 ; Aides incitatives et déterminants des embauches des établissements passés aux 35 heures, Economie et Statistique, 2004, n° 376-377, p. 91 ; Les pratiques de flexibilité en 1999 : davantage complémentaires que substituables, Premières informations, Premières Synthèses, n° 33.1, août 2004.
(4) O. Calavrezo, R. Duhautois et E. Walkowlak, Forte baisse des autorisations de chômage partiel entre 1995 et 2005, Ministère de l'emploi, DARES, Premières informations, Premières synthèses, octobre 2008, n° 40.2.
(5) L. Doisneau, Les conventions de réduction du temps de travail de 1998 à 2000 : embaucher, maintenir les rémunérations, se réorganiser, Premières informations, Premières Synthèses, n° 45, novembre 2000 ; P. Askenazy, C. Bloch-London, M. Roger, La réduction du temps de travail 1997-2003 : dynamique de construction des lois "Aubry" et premières évaluations, Economie et Statistique, 2004, n° 376-377, p. 153.- P. Askenazy, La dynamique de l'organisation du travail lors de la réduction du temps de travail, Economie et Prévision, 2003, n° 158, p. 27 ; V. Le Corre, Les heures supplémentaires, le chômage partiel et la modulation du temps de travail Trois modes d'ajustement au volume d'activité des entreprises, Premières informations, Premières Synthèses, Dares, n° 30.2, 1998.
(6) CAA Douai, 2 mars 2006, n° 05DA00555, M. Claude Lapeyre (N° Lexbase : A0823DP8).
(7) O. Calavrezo, R. Duhautois et E. Walkowlak, Le recours au chômage partiel entre 1995 et 2005, DARES, Documents d'études n° 135, février 2008, préc..
(8) Circ. DGEFP n° 2001-21 du 18 juillet 2001, fiche 2, préc..
(9) O. Calavrezo, R. Duhautois et E. Walkowlak, Forte baisse des autorisations de chômage partiel entre 1995 et 2005, ministère de l'Emploi, DARES, Premières informations, Premières synthèses, octobre 2008, n° 40.2, préc..
(10) S. Tournaux, Articles 18 et 19 de la loi n° 2008-789 du 20 août 2008, portant rénovation de la démocratie sociale et réforme du temps de travail : les heures supplémentaires et les conventions de forfait, préc..


Décision

Cass. soc., 28 octobre 2008, n° 07-40.865, Société MGB, FS-P+B (N° Lexbase : A0679EBR)

Cassation, CA Chambéry, ch. soc., 19 décembre 2006

Textes visés : C. trav., art. R. 351-53-I (N° Lexbase : L0303ADL, art. R. 5122-11, recod. N° Lexbase : L2860IA8) ; accord national interprofessionnel du 21 février 1968, art. 2

Mots-clefs : chômage partiel ; heures indemnisables ; calcul.

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