Réf. : Ass. plén., 24 octobre 2008, n° 07-42.799, Syndicat Syser CFDT de l'Hérault c/ Syndicat mixte pour le traitement de l'information et les nouvelles technologies Cogitis, P+B+R+I (N° Lexbase : A9271EAM)
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par Stéphanie Martin-Cuenot, Ater à l'Université Montesquieu-Bordeaux IV
le 07 Octobre 2010
Résumé
En cas de concours d'instruments conventionnels collectifs, les avantages ayant le même objet ou la même cause ne peuvent, sauf stipulations contraires, se cumuler, le plus favorable d'entre eux pouvant seul être accordé. Les jours de récupération, qui sont acquis par le salarié au titre d'un accord d'aménagement et de réduction du temps de travail, n'ont ni la même cause, ni le même objet que les congés payés d'ancienneté auxquels il a droit, en sus de ses congés annuels, ils doivent donc simultanément être appliqués. |
Commentaire
I - Rappel de l'objet du principe de faveur
Le droit du travail trouve son originalité dans l'existence d'un ordre public social. En vertu de cet ordre public spécial, les normes de rang inférieur peuvent déroger aux normes de rang supérieur dans un sens plus favorable aux salariés (C. trav., art. L. 2251-1 N° Lexbase : L2406H9Y, art. L. 2254-1 N° Lexbase : L2417H9E, art. L. 2252-1 N° Lexbase : L2407H9Z et art. L. 2253-1 N° Lexbase : L2409H94). Cet ordre public social est une source de conflits puisque, au lieu et place du principe hiérarchique, qui aboutit à faire prévaloir la norme de rang supérieur par préférence à toutes les autres, plusieurs normes ont vocation à régler une seule et même situation.
En autorisant, en effet, les partenaires sociaux à venir réglementer dans le champ de la loi, les parties au contrat de travail à intervenir dans le champ des normes légales ou conventionnelles de rang supérieur, ou les partenaires sociaux de l'entreprise à intervenir dans le champ des accords de branche ou des accords interprofessionnels, le législateur crée une situation de concours.
Force est de constater que ce concours ne trouve pas sa résolution dans le Code du travail. Celui-ci ne contient, en effet, aucun principe permettant d'indiquer l'issue qu'il convient de donner au concours de normes ainsi créé.
C'est donc la jurisprudence qui a dégagé un principe général de règlement des conflits de normes, corollaire du caractère d'ordre public social des normes en droit du travail. Ce principe est le principe de faveur.
Le principe de faveur est un principe général de règlement des conflits de normes en droit du travail en vertu duquel, en cas de conflit de normes portant sur la même cause et/ou le même objet, seules les dispositions les plus favorables trouvent à s'appliquer (Ass. plén., 18 mars 1988, n° 84-40.083, Mme Chevallier N° Lexbase : A8500AA3, D., 1989, 221, note Chauchard). L'application de ce principe se fait indépendamment de la place de la norme appliquée dans la hiérarchie des normes ou de sa date d'entrée en vigueur.
Ce qui détermine l'application de l'une des normes en concours est, à titre exclusif, son caractère plus avantageux pour le ou les salariés.
Pour que le principe de règlement des conflits de normes trouve à s'appliquer, encore faut-il qu'il y ait concours de normes.
Dans le cas contraire, il devra être fait une application cumulative des dispositions en présence, comme l'affirme l'Assemblée plénière de la Cour de cassation dans la décision commentée.
Dans cette espèce, deux accords d'entreprise avaient été conclus. Le premier prévoyait une réduction du temps de travail de 39 heures à 33 heures et l'attribution de journées de récupération, le second fixait le nombre de jours de congés payés annuels à 25 jours ouvrés par an.
Le syndicat commerce et services de l'Hérault CFDT prétendait que l'augmentation du congé annuel légal en fonction de l'ancienneté du salarié prévu par l'article 23 de la Convention collective Syntec était plus favorable que ces jours de récupération et avait demandé à ce que l'employeur en fasse application dans l'entreprise.
La cour d'appel avait rejeté la demande du syndicat. Elle avait, en effet, cru pouvoir faire application, dans cette hypothèse, du principe de faveur. Les juges du second degré avaient, ainsi, considéré que les jours de récupération attribués en contrepartie de la réduction de la durée du travail et les jours de congés supplémentaires avaient le même objet et procédaient de la même cause, ce qui leurs avait permis de faire prévaloir les dispositions conventionnelles relatives aux jours de récupération, ces dernières étant, même pour les salariés les plus anciens, plus favorables, le temps rémunéré non ouvré étant plus important pour tous les salariés.
Cette décision est cassée par l'Assemblée plénière. Elle considère que les jours de récupération acquis par le salarié au titre d'un accord de réduction du temps de travail n'ont ni la même cause, ni le même objet que les congés payés d'ancienneté auxquels le salarié a droit en plus de ses congés annuels et qu'en conséquence, le principe ne peut s'appliquer.
Cette solution rendue par l'Assemblée plénière ne doit pas surprendre et doit, en tous points, être approuvée.
II - Confirmation du champ limité du principe de faveur
Le principe du non-cumul des avantages en concours et d'application du plus favorable sont d'interprétation stricte.
Dans la mesure où l'application du principe fait échec au cumul des avantages, il convient d'en circonscrire le champ aux seules dispositions portant sur la même cause ou le même objet.
La mise en oeuvre par les juges de la règle de conflit de normes confirme cette application.
La jurisprudence met, en effet, en concours des avantages généralement strictement identiques, à l'exclusion de ceux qui ont un objet ou une cause simplement similaire (Cass. soc., 7 octobre 1997, RJS, 1997, 781, n° 1266 ; Cass. soc., 24 avril 2001, n° 99-40.142 Société Institut français du pétrole c/ M. Jean-Claude Miléo N° Lexbase : A2855ATW).
Dans la plupart des décisions, l'objet des avantages en concours est strictement identique. Tel sera, par exemple, le cas lorsque plusieurs normes réglementent le montant de l'indemnité de licenciement (Cass. soc., 7 mai 2002, n° 99-44.161, FS-P N° Lexbase : A6226AYA), son mode de calcul (Cass. soc., 20 février 1996, n° 92-45.024, Mme Cepero c/ Société Procam N° Lexbase : A2022AA7) ou, encore, s'intéressent à l'indemnisation des congés annuels payés (Cass. soc., 7 mai 2003, n° 01-41.313, F-D N° Lexbase : A7940BSU).
La situation est plus complexe lorsque la comparaison doit reposer, non pas sur des avantages portant strictement sur le même objet, mais globalement sur un groupe d'avantages indivisiblement liés entre eux.
Dans ce cas, il ne convient pas d'apprécier chaque avantage portant sur le même objet et de faire une application distributive des avantages contenus dans l'une et l'autre des normes en concours, ce qui aurait pour conséquence de dénaturer la volonté des rédacteurs, mais de rechercher globalement quel est l'ensemble de dispositions se rapportant à la même cause qui est plus favorable aux salariés et qui peut, pour cette raison, trouver à s'appliquer.
Un exemple peut être trouvé dans une espèce dans laquelle des dispositions statutaires fixant de manière général le régime des congés payés se trouvaient confrontées aux dispositions légales se rapportant à la même cause (Cass. soc., 7 mai 2003, n° 01-41.311, F-D N° Lexbase : A7938BSS), à savoir les congés annuels payés.
La situation était totalement différente dans la décision commentée. Aucun concours ne pouvait, en effet, être relevé. Parmi les avantages en présence, une disposition fixait la durée du congé annuel accordé à tout salarié et prévoyait le remplacement de la diminution de la durée du travail par des jours de récupération et une autre accordait une majoration de congés annuels payés pour ancienneté (l'article 23 de la convention collective applicable à l'entreprise).
Les dispositions n'avaient ni la même cause, ni le même objet. Les jours de récupération trouvent leur cause dans la réduction et l'aménagement du temps de travail, les congés payés bonifiés pour ancienneté constituent un avantage se rattachant aux congés annuels payés.
Tout concours est, dans ce cas, exclu ce qui rend donc impossible l'application du principe de faveur. Le cumul s'impose (Cass. soc., 24 juin 1992, n° 90-42.432, SA Poclain c/ Addirai et autres N° Lexbase : A8430AGC ; Cass. soc., 17 mars 1982, n° 80-40.306, SA Laboratoire cinématographique Daems c/ Dame Jacquot, Dame Girard, Dame Altounian, Dame Oger N° Lexbase : A7525AGS ; Cass. soc., 2 décembre 2003, n° 01-46.235, Compagnie générale de géophysique marine (CGGM) c/ M. Patrice Lambolez, FS-D N° Lexbase : A3668DA4).
Le principe général de règlement des conflits de normes étant, en outre, d'ordre public les partenaires sociaux ne peuvent en aucun cas en disposer et, partant, décider qu'il devra être appliqué alors qu'aucun conflit ne peut, effectivement, relevé.
La définition, l'appréciation et l'application du principe de faveur sont donc uniques et unifiées (Cass. soc., 24 juin 1992, n° 90-42.432, préc. ; Cass. soc., 17 mars 1982, n° 80-40.306, préc. ; Cass. soc., 2 décembre 2003, n° 01-46.235, préc.). La décision rendue par l'Assemblée plénière ne fait que le confirmer.
Décision
Ass. plén., 24 octobre 2008, n° 07-42.799, Syndicat Syser CFDT de l'Hérault, venant aux droits du Syndicat commerce et services CFDT de l'Hérault c/ Syndicat mixte pour le traitement de l'information et les nouvelles technologies Cogitis, P+B+R+I (N° Lexbase : A9271EAM) Cassation de CA Nimes, 1ère ch. civ., sect. A, 6 février 2007 Mots clefs : dispositions conventionnelles ; avantages en présence ; défaut d'identité de cause ou d'objet des avantages en concours ; impossibilité de faire application du principe de faveur ; cumul des avantages ne portant pas sur la même cause et ou le même objet. Lien base : |
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