Lecture: 22 min
N7010BH4
Citer l'article
Créer un lien vers ce contenu
par Anne-Lise Lonné, Rédactrice en chef de Lexbase Hebdo - édition fiscale
le 07 Octobre 2010
La taxe professionnelle est due chaque année par les personnes physiques ou les personnes morales qui exercent en France, à titre habituel, une activité professionnelle non salariée. Deux arrêts rendus respectivement par la cour administrative d'appel de Versailles et par la cour administrative d'appel de Bordeaux apportent des précisions intéressantes afférentes au champ d'application de la taxe professionnelle, le premier à propos du non-assujettissement d'une société n'exerçant plus d'activité malgré l'absence de déclaration en ce sens, le second retenant la non-exonération des éditeurs de journaux gratuits.
1.1. Non-assujettissement d'une société n'exerçant plus d'activité malgré l'absence de déclaration en ce sens
Aux termes de l'article 1447 du CGI (N° Lexbase : L0048HMQ), "la taxe professionnelle est due chaque année par les personnes physiques ou morales qui exercent à titre habituel une activité professionnelle non salariée". Dans un arrêt rendu le 22 mai 2008, la cour administrative d'appel de Versailles retient l'absence d'assujettissement à la taxe professionnelle d'une société qui n'avait plus d'activité et ne disposait d'aucun local et d'aucun actif à l'adresse d'imposition mais seulement de l'usage d'une boîte aux lettres. En l'espèce, si la société était restée inscrite au registre du commerce et des sociétés et avait maintenu une adresse de domiciliation jusqu'à sa dissolution par transmission universelle de son patrimoine à une autre société et si ses comptes, déficitaires, de l'exercice clos le 30 septembre 2004 avaient été approuvés par l'assemblée générale des associés le 20 février 2005, ses déclarations fiscales ne faisaient état que d'un chiffre d'affaires négatif en 2004 et nul en 2005 et du paiement résiduel de quelques charges. Selon la cour, nonobstant l'absence de toute déclaration de mise en sommeil de la société, ces opérations ne pouvaient révéler la poursuite par l'entreprise d'une activité professionnelle à titre habituel au 1er janvier de chacune des années 2004 et 2005 en cause (CAA Versailles, 1ère ch., 22 mai 2008, n° 06VE00334, Compagnie Wape, venant aux droits et obligations de la société Seamontain N° Lexbase : A3225D9C).
1.2. La non-exonération des éditeurs de journaux gratuits
Aux termes de l'article 1458 du CGI (N° Lexbase : L4727HWY), les éditeurs de feuilles périodiques sont exonérés de la taxe professionnelle. Dans un arrêt rendu le 27 mars 2008, la cour administrative d'appel de Bordeaux précise que les journaux gratuits, qui sont exclusivement ou essentiellement consacrés à la publicité ou aux annonces et ne proposent aucun contenu éditorial ou un contenu éditorial de minime importance, ne constituent pas des feuilles périodiques au sens des dispositions précitées de l'article 1458 du CGI. Dès lors, en l'espèce, la société requérante, qui ne contestait pas la méthode de l'administration consistant à retenir le pourcentage du chiffre d'affaires des "journaux gratuits", pour déterminer la partie de son activité assujettie à la taxe professionnelle, n'était pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Pau avait rejeté sa demande tendant à la décharge de cotisations de taxe professionnelle (CAA Bordeaux, 4ème ch., 27 mars 2008, n° 06BX01403 N° Lexbase : A5287D9P).
2. Assiette de la taxe professionnelle
Depuis le 1er janvier 2003, la base d'imposition de la taxe professionnelle ne repose plus que sur la valeur locative des immeubles et des autres immobilisations corporelles dont a disposé le redevable pour sa profession, la base d'imposition relative aux salaires versés par l'entreprise ayant progressivement été supprimée entre 2000 et 2002. Pour certaines professions, libérales notamment, des règles spécifiques prévoient que la taxe professionnelle est assise sur les recettes de l'entreprise.
2.1. Immobilisations corporelles prises en compte : notion de disposition
Aux termes de l'article 1467-1° du CGI (N° Lexbase : L6788HWC), la base d'imposition à la taxe professionnelle est constituée par la valeur locative des immobilisations corporelles dont le redevable a disposé pour les besoins de son activité professionnelle pendant la période de référence, à l'exception de celles qui ont été détruites ou cédées au cours de la même période. La notion de "disposition" des immobilisations corporelles constitue certainement l'une des sources principales du contentieux en matière de taxe professionnelle. La jurisprudence rendue en 2008 vient compléter l'apport du juge administratif sur cette notion. Par souci de clarté, nous exposerons ces précisions jurisprudentielles en suivant les règles posées par l'article 1469 du CGI relatives à la détermination de la valeur locative.
- Aux termes de l'article 1469-1° du CGI (N° Lexbase : L4732HW8), relatif aux biens passibles d'une taxe foncière :
"La valeur locative est déterminée comme suit :
1° Pour les biens passibles d'une taxe foncière, elle est calculée suivant les règles fixées pour l'établissement de cette taxe ;
[...]
Les locaux donnés en location à des redevables de la taxe professionnelle sont imposés au nom du locataire ; toutefois, la valeur locative des entrepôts et magasins généraux n'est retenue que dans les bases d'imposition de l'exploitant de ces entrepôts ou magasins".
Si les locaux donnés en location à des redevables de la taxe professionnelle sont donc, en principe, imposés au nom du locataire, le Conseil d'Etat, dans un arrêt rendu le 26 mars 2008, après avoir précisé que ces dispositions doivent s'entendre comme visant le locataire qui a la jouissance effective des locaux, retient que le fait que le locataire des locaux ne soit pas redevable de la taxe professionnelle n'implique pas que les locaux en cause doivent être inclus dans l'assiette de la taxe professionnelle du propriétaire, dès lors qu'il n'en a pas la jouissance effective (CE 9° et 10° s-s-r., 26 mars 2008, n° 293537, Mentionné aux Tables du Recueil Lebon N° Lexbase : A5952D7L). En effet, il ressort des dispositions de l'article 1467-1° du CGI, que les immobilisations dont la valeur locative est intégrée dans l'assiette de la taxe professionnelle sont les biens placés sous le contrôle du redevable et que celui-ci utilise matériellement pour la réalisation des opérations qu'il effectue. Selon la Haute juridiction administrative, aucune disposition du 1° de l'article 1469 du CGI, non plus qu'aucune autre disposition législative, ne permet d'imposer les biens passibles d'une taxe foncière, lorsqu'ils sont donnés en location, au nom d'un autre redevable que le locataire final, même dans le cas où celui-ci n'est pas redevable de la taxe professionnelle.
Cet arrêt est à rapprocher d'une décision rendue le 16 septembre 1998 par le Haut conseil, dans laquelle ce dernier avait considéré que, lorsqu'ils sont donnés en location, les biens passibles d'une taxe foncière ne peuvent être imposés au nom du propriétaire, même dans le cas où le locataire est exonéré de la taxe professionnelle (CE Contentieux, 16 septembre 1998, n° 174795, M. Simoens N° Lexbase : A8206ASQ).
- Aux termes du 3° de l'article 1469 du CGI (N° Lexbase : L4732HW8) :
3° Pour les autres biens [équipements et biens mobiliers], lorsqu'ils appartiennent au redevable, lui sont concédés ou font l'objet d'un contrat de crédit-bail mobilier, la valeur locative est égale à 16 % du prix de revient ;
Lorsque ces biens sont pris en location, la valeur locative est égale au montant du loyer au cours de l'exercice sans pouvoir différer de plus de 20 % de celle résultant des règles fixées au premier alinéa ; les biens donnés en location sont imposés au nom du propriétaire lorsque la période de location est inférieure à six mois ; il en est de même si le locataire n'est pas passible de la taxe professionnelle ou n'a pas la disposition exclusive des biens loués ;
La valeur locative des biens pris en crédit-bail mobilier n'est pas modifiée lorsque, à l'expiration du contrat, les biens sont acquis par le locataire".
Dans le cas de mise à disposition de panneaux publicitaires, le Conseil d'Etat a rappelé, dans un arrêt rendu le 5 mai 2008, que les biens relevant des dispositions susvisées et qui sont donnés en location sont imposés au nom du propriétaire lorsque la période de location est inférieure à six mois. Et de préciser qu'il en est de même si le locataire n'est pas passible de la taxe professionnelle ou n'a pas la disposition exclusive des biens loués (CE 9° et 10° s-s-r., 5 mai 2008, n° 285174, Minefi c/ Société PML Affichage N° Lexbase : A4271D8P). Ainsi, la Haute juridiction administrative a retenu qu'une société mettant à disposition d'entreprises d'annonces publicitaires des panneaux destinés à recevoir les affiches des annonceurs, ne pouvait se prévaloir de ces dispositions dès lors que, si les contrats conclus avec les annonceurs avaient une durée supérieure à six mois, ces contrats n'avaient pas pour objet la location des panneaux publicitaires mais conféraient à ces annonceurs l'exclusivité des emplacements pour la réalisation de leurs opérations de publicité. Par suite, la durée de location était sans incidence sur la détermination du redevable de la taxe professionnelle au titre des panneaux publicitaires
- Aux termes de l'article 1469-3° bis du CGI, toujours relatif aux équipements et biens mobiliers :
"3° bis Les biens mentionnés aux 2° et 3°, utilisés par une personne passible de la taxe professionnelle qui n'en est ni propriétaire, ni locataire, ni sous-locataire et confiés en contrepartie de l'exécution d'un travail par leur propriétaire, leur locataire ou leur sous-locataire sont imposés au nom de la personne qui les a confiés, dans le cas où elle est passible de la taxe professionnelle".
Ces dispositions nourrissent un contentieux particulièrement abondant.
On relèvera que le Conseil d'Etat a précisé, dans un rendu le 23 avril 2008, que la valeur locative des équipements et biens mobiliers mis à la disposition d'un sous-traitant doit être incluse dans les bases de l'établissement donneur d'ordres auquel sont destinées les pièces produites au moyen de ces équipements (CE 9° et 10° s-s-r., 23 avril 2008, n° 300775, Minefi c/ Communauté d'agglomération du pays de Montbéliard, Mentionné aux Tables du Recueil Lebon N° Lexbase : A1722D8B). En l'espèce, une société constructeur automobiles avait mis gracieusement à la disposition d'entreprises sous-traitantes situées sur le territoire de la Communauté d'agglomération du pays de Montbéliard des outillages lui appartenant, notamment des moules de presse, pour la fabrication de pièces détachées destinées à des usines de son groupe situées dans le même ressort. La cour administrative d'appel avait relevé que les pièces détachées fabriquées au moyen des outillages mis à la disposition d'entreprises sous-traitantes étaient destinées à la production de véhicules par le constructeur automobiles dans ses établissements situés dans le ressort de la Communauté d'agglomération du pays de Montbéliard. Selon la Haute juridiction administrative, en déduisant de ces constatations, que ces outillages devaient être considérés comme étant rattachés à ces établissements au sens des dispositions précitées de l'article 1473 du CGI (N° Lexbase : L0224HMA), la cour n'a pas commis d'erreur de droit.
Par ailleurs, la Haute juridiction administrative, dans un arrêt du 26 mars 2008, rappelle qu'il résulte des dispositions susvisées que la base de la taxe peut inclure la valeur locative de biens dont le redevable n'a pas eu la disposition. Elle précise que les biens visés aux 2° et 3° de l'article 1469 du CGI, lesquels ont trait à la détermination de leur valeur locative, sont les équipements et biens mobiliers qui, utilisés pour les besoins d'une activité soumise à la taxe professionnelle, doivent, en vertu de l'article 1467-1°-a) du CGI (N° Lexbase : L6788HWC), entrer dans les bases de cette taxe à concurrence de ladite valeur. Selon la Haute juridiction administrative, les dispositions précitées du 3° bis de l'article 1469 ont pour objet d'instituer redevable des droits assis sur cet élément de base, dans le cas qu'elles définissent, et par exception à la règle découlant des termes du a. du 1° de l'article 1467, un contribuable autre que celui qui a disposé des biens pour effectuer les opérations que comporte son activité (CE 9° et 10° s-s-r., 26 mars 2008, n° 296625 N° Lexbase : A5959D7T). En l'espèce, une société, qui était passible de la taxe professionnelle, disposait, pour l'exercice de son activité de fabrication et de vente de matériels chirurgicaux et d'implants à usage chirurgical, de matériels spécifiques de mise en place de ces implants, dits matériels "ancillaires". Elle restait propriétaire de ces matériels visés au 3° de l'article 1469 du CGI, qu'elle mettait gratuitement à la disposition de chirurgiens qui n'en étaient ni locataires, ni sous-locataires. Dans ces conditions, la Haute juridiction administrative retient que la valeur locative de ces biens entrait dans la base de la taxe professionnelle à laquelle la société était assujettie.
- Enfin, aux termes de l'article 1469-3° quater du CGI :
"3° quater Le prix de revient d'un bien cédé n'est pas modifié lorsque ce bien est rattaché au même établissement avant et après la cession et lorsque, directement ou indirectement :
a. l'entreprise cessionnaire contrôle l'entreprise cédante ou est contrôlée par elle ;
b. ou ces deux entreprises sont contrôlées par la même entreprise".
Ces dispositions ont pour objet de limiter les effets des opérations de restructuration des entreprises qui pourraient entraîner une réévaluation à la baisse de la base imposable.
Un arrêt important rendu par la cour administrative d'appel de Douai, le 3 juin 2008, précise la notion de "cession" au sens de ces dispositions, excluant de leur champ le cas d'une transmission universelle de patrimoine (CAA Douai, 2ème ch., 3 juin 2008, n° 07DA01475, Mentionné aux Tables du Recueil Lebon N° Lexbase : A1775EBD). Selon la cour, les cessions de biens visées par les dispositions précitées du 3° quater de l'article 1469 du CGI s'entendent des seuls transferts de propriété consentis entre un cédant et un cessionnaire. Si, en vertu des dispositions de l'article 1844-5 du Code civil (N° Lexbase : L2025ABM), la dissolution sans liquidation d'une société dont toutes les parts ont été réunies en une seule main entraîne le transfert du patrimoine de la société dissoute à l'associé unique qui subsiste, cette mutation patrimoniale qui n'est pas une cession au regard du droit civil ou du droit des sociétés, ne rentre pas dans le champ d'application du 3° de l'article 1469 quater.
2.2. Détermination de la valeur locative des établissements industriels
Comme il a été vu précédemment, en vertu de l'article 1469-1° du CGI, la valeur locative des biens passibles d'une taxe foncière est calculée suivant les règles fixées pour l'établissement de cette taxe.
Les règles suivant lesquelles est déterminée la valeur locative des biens passibles de la TFPB sont différemment définies à l'article 1496 du CGI (N° Lexbase : L0262HMN) pour les locaux affectés à l'habitation ou servant à l'exercice d'une profession, à l'article 1498 (N° Lexbase : L0267HMT) pour tous les biens autres que les locaux d'habitation ou à usage professionnel visés au I de l'article 1496, enfin à l'article 1499 (N° Lexbase : L0268HMU) pour les "immobilisations industrielles". Revêtent un caractère industriel, au sens de ce dernier article, les établissements dont l'activité nécessite d'importants moyens techniques, non seulement lorsque cette activité consiste dans la fabrication ou la transformation de biens corporels mobiliers, mais aussi lorsque le rôle des installations techniques, matériels et outillages mis en oeuvre, fût-ce pour les besoins d'une autre activité, est prépondérant. Cette définition résulte de la jurisprudence "Société des Pétroles Miroline", par laquelle le Conseil d'Etat a posé le caractère alternatif des critères de définition d'un établissement industriel (CE section, 27 juillet 2005, n° 261899, Minefi c/ Société des Pétroles Miroline N° Lexbase : A1332DKK)
Par quatre arrêts rendus le 14 avril 2008, la Haute juridiction confirme l'application des critères alternatifs. Surtout, elle précise que la circonstance que le redevable soit ou non propriétaire des installations techniques, matériels et outillages est sans incidence sur l'appréciation de leur importance et de leur rôle (CE 3° et 8° s-s-r., 14 avril 2008, n° 307465, Mentionné aux Tables du Recueil Lebon N° Lexbase : A9547D7Q, n° 307466 N° Lexbase : A9548D7R, n° 307467 N° Lexbase : A9549D7S, n° 307468 N° Lexbase : A9550D7T). Ainsi, après avoir souverainement apprécié le caractère important des moyens techniques utilisés par la société en cause et l'absence de rôle prépondérant de la mise en oeuvre de ces matériels et outillages dans l'exploitation, la cour administrative d'appel avait pu, sans commettre d'erreur de droit ni d'erreur de qualification juridique sur la mise en oeuvre des règles rappelées ci-dessus, en déduire que l'établissement en cause ne revêtait pas un caractère industriel au sens et pour l'application des dispositions de l'article 1499 du CGI (pour plus de précisions sur ces arrêts, lire : Guy Quillévéré, Commissaire du Gouvernement près le tribunal administratif de Nantes, La difficile mise en oeuvre de la définition de l'établissement industriel au sens des dispositions de l'article 1499 du CGI, Lexbase Hebdo n° 307 du 5 Juin 2008 - édition fiscale N° Lexbase : N2243BG8).
Toujours en matière d'évaluation de la valeur locative d'établissements industriels, on relèvera un arrêt rendu par la cour administrative d'appel de Lyon, dans lequel les juges lyonnais ont statué sur les modalités d'appréciation du prix de revient (CAA Lyon, 2ème ch., 10 juillet 2008, n° 06LY01210, Mentionné aux Tables du Recueil Lebon N° Lexbase : A4353EAH).
Aux termes de l'article 324 AE de l'annexe III au CGI (N° Lexbase : L3151HMN), le prix de revient pour la détermination de la valeur locative des immobilisations industrielles passibles de la taxe foncière sur les propriétés bâties, s'entend de la valeur d'origine pour laquelle les immobilisations doivent être inscrites au bilan en conformité de l'article 38 quinquies de l'annexe III (N° Lexbase : L3750HZW), c'est-à-dire, pour les immobilisations acquises à titre onéreux, du coût d'acquisition et pour les immobilisations acquises à titre gratuit, de la valeur vénale. Après avoir rappelé qu'une transaction à titre onéreux suppose un accord des parties sur le prix et la chose, les juges retiennent qu'une cession à un prix symbolique ne peut être regardée comme réalisée à titre onéreux que si l'acquéreur est contraint à une contrepartie réelle et quantifiable à l'égard du cessionnaire. En l'espèce, s'il était probable que la ville ait consenti un prix symbolique en raison du développement économique induit par la construction industrielle envisagée sur ce terrain, l'acte de vente ne comportait aucun engagement de la société vis-à-vis de la ville. L'administration était donc fondée à considérer que cette opération ne constituait pas une acquisition à titre onéreux, mais entrait dans le champ des acquisitions à titre gratuit et que la valeur locative de cette immobilisation à retenir comme base de la taxe professionnelle était sa valeur vénale.
2.3. Valeur locative plancher en cas de cession d'établissement
Aux termes de l'article 1518 B du CGI (N° Lexbase : L2757HWZ), la valeur locative des immobilisations corporelles acquises à la suite d'apports, de scissions, de fusions de sociétés ou de cessions d'établissements ne peut être inférieure à une valeur locative plancher retenue antérieurement à l'opération. Modifié à plusieurs reprises, l'article 1518 B du CGI prévoit des valeurs locatives plancher différentes selon la date de l'opération d'apport, de scission, de fusion ou de cession.
Un arrêt rendu par le Conseil d'Etat le 3 septembre 2008 vient préciser la notion de "cession d'établissement" pour l'application de ces dispositions. Il en ressort qu'un établissement doit être regardé comme ayant fait l'objet d'une cession lorsque l'ensemble des éléments mobiliers et immobiliers, corporels et incorporels, qui sont nécessaires à l'activité exercée ont été acquis par un même redevable qui y poursuit une activité identique (CE 9° et 10° s-s-r., 3 septembre 2008, n° 295010, Minefi c/ SA Literie Duvivier, Mentionné aux Tables du Recueil Lebon N° Lexbase : A0994EA3).
Ainsi, en l'espèce, la cession de la totalité du matériel, mais d'une partie seulement des locaux ne pouvait être regardée comme emportant cession d'établissement, alors même qu'une activité identique y était effectivement poursuivie par le cessionnaire au moyen de ces immobilisations corporelles, louées par lui dans le cadre d'un contrat de crédit-bail à une société tierce, elle-même devenue propriétaire de ces immobilisations.
La Haute juridiction administrative, dans un arrêt rendu le mois suivant, retient la même définition de la cession d'établissement (CE 9° et 10° s-s-r., 29 octobre 2008, n° 300351 N° Lexbase : A1004EBS). Ainsi, la cession à une filiale des matériels, équipements et installations nécessaires au fonctionnement des restaurants, à l'exclusion des éléments immobiliers, corporels et incorporels, dont la jouissance des locaux, requis pour l'exercice de son activité de restauration, ne pouvait être regardée comme emportant cession d'établissement, alors même qu'une activité identique y était effectivement poursuivie par le cessionnaire au moyen de ces éléments immobiliers dont il disposait dans le cadre d'un contrat de location-gérance, lequel avait conféré à cette société la qualité de locataire pour l'application de l'article 1469 du CGI (N° Lexbase : L4732HW8). Ainsi, même si la filiale avait poursuivi une activité identique et avait pu disposer de l'ensemble des actifs, la seule combinaison de la mise à disposition de ces locaux et d'éléments d'actifs incorporels, réalisée sous forme de location-gérance, et de l'acquisition par ailleurs des autres actifs, ne pouvait suffire à qualifier l'opération de cession d'établissement au sens et pour l'application de l'article 1518 B.
2.4. L'assiette spécifique applicable aux activités d'intermédiaire de commerce
Pour les contribuables titulaires de BNC, les agents d'affaires ou les intermédiaires de commerce, soumis à l'IR et qui emploient moins de cinq salariés, la base d'imposition à la taxe professionnelle répond à des règles spécifiques posées par l'article 1467-2° du CGI (N° Lexbase : L6788HWC). La base d'imposition est ainsi constituée par une fraction de leurs recettes.
A cet égard, on relèvera un arrêt du 6 août 2008, par lequel le Conseil d'Etat a précisé qu'une société immatriculée au registre des commissionnaires de transport, exerçant une activité d'organisation et d'exécution de transport de marchandises sur l'ordre de ses clients en ayant exclusivement recours aux services de tiers transporteurs qui conservaient la disposition et la responsabilité de leur personnel et de leur matériel, exerce une activité d'intermédiaire de commerce. Les circonstances tenant à ce que la société ne rendait aucun compte à ses clients, notamment du prix auquel elle sous-traitait les transports et que sa rémunération ne prenait pas la forme d'une commission sont sans incidence sur la qualification apportée à cette activité quant au calcul de la taxe professionnelle selon les règles de l'article 1467-2° du CGI (CE 9° et 10° s-s-r., 6 août 2008, n° 291954, EURL Jacques Pajot N° Lexbase : A0711EAL).
3. Calcul de la taxe professionnelle
Parmi les mesures de dégrèvement applicables aux cotisations de taxe professionnelle, on compte, notamment, le plafonnement des cotisations en fonction de la valeur ajoutée, et le crédit d'impôt en faveur des entreprises industrielles ou réalisant certaines activités de service qui sont situées dans les zones d'emploi en grande difficulté. La jurisprudence rendue en 2008 apporte un certain nombre de précisions utiles.
3.1. Le plafonnement en fonction de la valeur ajoutée
Ce dispositif de plafonnement de la taxe professionnelle en fonction de la valeur ajoutée, prévu à l'article 1647 B sexies du CGI (N° Lexbase : L4745HWN), a été réformé par la loi de finances pour 2006 (loi n° 2005-1719 du 30 décembre 2005, de finances pour 2006 N° Lexbase : L6429HET), constituant la mesure essentielle du texte en direction des entreprises. Le Gouvernement a décidé de plafonner la cotisation de taxe professionnelle à un taux unique de 3,5 % de la valeur ajoutée pour toutes les entreprises (et non plus aux taux de 3,5 %, 3,8 % ou 4 % en fonction de leur chiffre d'affaires), à partir d'une nouvelle année de référence, l'année 2004 (et non plus 1995). Le renforcement du dispositif à travers l'élargissement de son applicabilité mérite, dès lors, une analyse attentive de la jurisprudence rendue à propos de la mise en oeuvre de ces dispositions, même dans leur rédaction antérieure à l'entrée en vigueur de la loi de finances pour 2006.
On relèvera, en premier lieu, une série d'arrêts rendus par le Conseil d'Etat à propos des éléments comptables devant être pris en compte dans le calcul de la valeur ajoutée en fonction de laquelle sont plafonnées les cotisations de taxe professionnelle, et plus précisément, des éléments inscrits à un compte "transfert de charges".
Les dispositions de l'article 1647 B du CGI fixent, en effet, la liste limitative des catégories d'éléments comptables qui doivent être pris en compte dans le calcul de la valeur ajoutée en fonction de laquelle sont plafonnées les cotisations de taxe professionnelle. Pour déterminer si une charge ou un produit se rattache à l'une de ces catégories, il y a lieu de se reporter aux dispositions du plan comptable général dans leur rédaction en vigueur lors de l'année d'imposition concernée. Aux termes de l'article 38 quater de l'annexe III au CGI (N° Lexbase : L6524HL9), "les entreprises doivent respecter les définitions édictées par le plan comptable général, sous réserve que celles-ci ne soient pas incompatibles avec les règles applicables pour l'assiette de l'impôt".
Dans deux arrêts rendus le 5 mai 2008, le Conseil d'Etat retient que, si les indemnités d'assurances perçues par une entreprise pour compenser un sinistre doivent être inscrites au crédit du compte 79 "transfert de charges" et si ce compte ne pouvait être rattaché à aucune des rubriques prévues pour le calcul de la valeur ajoutée par l'article 1647 B sexies avant sa modification par l'article 85 de la loi n° 2005-1719 du 30 décembre 2005 de finances pour 2006 (N° Lexbase : L6429HET), ces indemnités doivent, dans le cas et dans la mesure où elles compensent des charges qui ont été elles-mêmes déduites par cette entreprise pour la détermination de sa valeur ajoutée au titre des consommations de biens et services en provenance de tiers, être regardées, au sens et pour l'application des dispositions de cet article et en particulier du 1 de son II, comme une production de l'exercice au cours duquel elles ont été perçues par le redevable (CE 9° et 10° s-s-r., 5 mai 2008, n° 293913, Mentionné aux Tables du Recueil Lebon N° Lexbase : A4284D88 et n° 300774 N° Lexbase : A4297D8N).
Dans un arrêt rendu le 6 août 2008, le Conseil d'Etat retient la même solution, relevant que la seule circonstance que les sommes en cause aient été enregistrées dans un compte de transfert de charges ne fait pas obstacle à ce qu'elles soient prises en compte pour le calcul de la valeur ajoutée au sens de l'article 1647 B sexies du CGI (CE 9° et 10° s-s-r., 6 août 2008, n° 285719, Compagnie Nationale de Navigation N° Lexbase : A0679EAE). De même par deux arrêts rendus le 3 septembre 2008, la Haute juridiction administrative, après énonciation du même considérant, retient qu'une société qui inscrit au compte transfert de charges des sommes correspondant à des dépenses de personnel, de formation, de téléphone ou de transport, à des achats auprès de ses fournisseurs ainsi qu'à diverses fournitures qui ont été refacturées à des tiers, constituent des ventes et des prestations de services concourant à la détermination de la production des exercices et donc au calcul de la valeur. Constitue également une production, une somme correspondant au remboursement d'un sinistre alors même qu'elle a été inscrite au compte transfert de charges et que ce compte ne pouvait être rattaché à aucune des rubriques prévues par l'article 1647 B sexies. De même, une société devait comprendre dans le montant de la production les sommes inscrites au compte transfert de charges alors que ce compte avait été crédité, par le débit des comptes de tiers, des charges enregistrées sans qu'il soit nécessaire pour la cour d'appel de rechercher si ces charges avaient effectivement été refacturées à des tiers (CE 9° et 10° s-s-r., 3 septembre 2008, n° 283315 N° Lexbase : A0985EAQ et n° 287957 N° Lexbase : A0990EAW).
En second lieu, on retiendra une décision rendue par la cour administrative d'appel de Versailles le 7 juillet 2008, à propos du calcul de la valeur ajoutée dans le cadre des établissements de crédit. Selon la cour, il résulte des articles 1447 (N° Lexbase : L0048HMQ), 1647 E (N° Lexbase : L1653HM8), et 1647 B sexies (N° Lexbase : L4745HWN) du CGI, que, s'agissant des établissements de crédit, les produits d'exploitation bancaire et les produits accessoires, au nombre desquels figurent les produits des titres de placement et les produits des titres d'investissement en application des normes comptables, entrent dans la base de calcul de la valeur ajoutée, qu'ils soient ou non issus de la gestion des fonds propres de ces établissements. Selon la cour, le moyen tiré de la méconnaissance des articles 14 de la CESDH (N° Lexbase : L4747AQU) et 1er du Premier Protocole additionnel à cette Convention (N° Lexbase : L1625AZ9) est inopérant au regard de la différence de traitement entre les entreprises bancaires et les entreprises non bancaires. En effet, dès lors que les fonds propres des établissements de crédit sont soumis à une réglementation relative à leur masse et à leur utilisation afin d'assurer la sécurité des dépôts et placements de leurs clients, et que le placement des fonds relève de l'activité ordinaire d'une banque, les établissements de crédit se trouvent dans une situation objectivement différente de celle des autres entreprises pour lesquelles les dispositions législatives précitées des articles 1647 B et E n'ont pas prévu de base de calcul spécifique (CAA Versailles, 5ème ch., 7 juillet 2008, n° 07VE01983, Mentionné aux Tables du Recueil Lebon N° Lexbase : A9464D9E).
3.2. Le crédit d'impôt en faveur des entreprises industrielles ou réalisant certaines activités de service qui sont situées dans les zones d'emploi en grande difficulté
Aux termes de l'article 1647 C sexies du CGI (N° Lexbase : L3359IAN), l'entreprise exonérée de taxe professionnelle en application des articles 1464 B à 1464 F ou 1465 à 1466 E du CGI bénéficie d'un crédit d'impôt pour le maintien de l'emploi dans une zone d'emploi reconnue en grande difficulté au regard des délocalisations. Ce crédit d'impôt est égal à 1 000 euros par salarié employé depuis au moins un an au 1er janvier de l'année d'imposition dans un établissement affecté à une activité industrielle ou de recherche scientifique et technique.
Pour l'application de ces dispositions, il convient de relever un arrêt rendu par la cour administrative d'appel de Douai, en date du 20 mai 2008, dans lequel il est précisé qu'ont un caractère industriel, au sens des dispositions combinées des articles 1465 et 1647 C sexies du CGI, les entreprises exerçant une activité qui concourt directement à la fabrication ou la transformation de biens corporels mobiliers et pour laquelle le rôle des installations techniques, matériels et outillages mis en oeuvre est prépondérant. Dans cet arrêt, les juges rappellent le caractère cumulatif des critères énoncés. En estimant que le rôle des installations techniques d'une société suffisait à caractériser l'exercice d'une activité industrielle, le tribunal administratif a fait une inexacte application des dispositions précitées de l'article 1647 C sexies du CGI. Ainsi, quelle que soit l'importance des matériels mis en oeuvre par la société, la seule activité, qui consistait en le conditionnement de l'eau minérale, ne présentait pas le caractère d'une activité industrielle dès lors que la mise en bouteille n'entraîne aucune transformation de la denrée ainsi conditionnée (CAA Douai, 2ème ch., 20 mai 2008, n° 07DA01309, Ministre du Budget, des Comptes publics et de la Fonction publique c/ SAS Roxane Nord N° Lexbase : A5359D9D).
© Reproduction interdite, sauf autorisation écrite préalable
newsid:337010