La lettre juridique n°314 du 24 juillet 2008 : Contrat de travail

[Jurisprudence] Le caractère impératif de la durée du préavis de démission

Réf. : Cass. soc., 1er juillet 2008, n° 07-40.109, M. Jean-François Burtschy c/ Société Terbois, FP-P+B (N° Lexbase : A4980D9C)

Lecture: 7 min

N6696BG4

Citer l'article

Créer un lien vers ce contenu

[Jurisprudence] Le caractère impératif de la durée du préavis de démission. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/article-juridique/3210452-jurisprudence-le-caractere-imperatif-de-la-duree-du-preavis-de-demission
Copier

par Gilles Auzero, Professeur à l'Université Montesquieu-Bordeaux IV

le 07 Octobre 2010



Alors même qu'une telle solution pouvait être critiquée, la Cour de cassation considérait, jusqu'à présent avec constance, que, lorsqu'un salarié démissionne en donnant un préavis plus long que le préavis conventionnel ou d'usage, l'employeur est tenu d'accepter l'exécution du contrat de travail jusqu'à la date de la rupture fixée par le salarié. L'arrêt rendu le 1er juillet 2008 met un terme à cette jurisprudence pour le moins contestable. Selon la Chambre sociale, "il résulte de l'article L. 122-5 du Code du travail (N° Lexbase : L5555ACQ, art. L. 1237-1, recod. N° Lexbase : L0022HX4), tel qu'alors applicable, que, dans le cas de résiliation du contrat de travail à l'initiative du salarié, aucune des deux parties n'est fondée à imposer à l'autre un délai-congé différent de celui prévu par la loi, le contrat, la convention collective ou les usages".
Résumé

Il résulte de l'article L. 122-5 du Code du travail, tel qu'alors applicable, que, dans le cas de résiliation du contrat de travail à l'initiative du salarié, aucune des deux parties n'est fondée à imposer à l'autre un délai congé différent de celui prévu par la loi, le contrat, la convention collective ou les usages.

Commentaire

I - Existence et durée du préavis

  • Principe

Lorsqu'un salarié démissionne, il n'est pas nécessairement tenu de respecter un préavis. Il n'en va ainsi que si cette obligation est prévue par la loi, la convention ou l'accord collectif de travail ou, à défaut, par les usages pratiqués dans la localité et dans la profession.

Ces prescriptions, qui figuraient à l'article L. 122-5 du Code du travail antérieurement à la recodification, se trouvent, aujourd'hui, énoncées, dans une formule similaire, quoiqu'un peu différente, à l'article L. 1237-1 (1).

  • Absences de dispositions légales

Le Code du travail ne contenant aucune disposition de portée générale imposant le respect d'un délai de préavis (2), il convient de se tourner, dans la grande majorité des cas, vers les normes conventionnelles applicables ou les usages. Ainsi que le laisse clairement entendre la loi, le recours à ces derniers a un caractère subsidiaire et ne peut intervenir que dans le silence de la convention ou de l'accord collectif.

Pour ce qui est du contrat de travail, il ne joue, en la matière, qu'un rôle résiduel. Tout d'abord, il est de jurisprudence constante que, en l'absence de dispositions conventionnelles ou d'usages relatifs au préavis de démission, l'existence et la durée d'un préavis de démission ne peuvent résulter du seul contrat de travail (3). Ensuite, lorsque la convention collective fixe un préavis de démission, le contrat de travail ne peut pas prévoir une durée plus longue (4).

II - Le caractère impératif de la durée du préavis

  • Les solutions antérieures

A l'évidence, un employeur ne saurait imposer, de manière unilatérale, un préavis plus long que celui prévu par les normes contraignantes, au salarié démissionnaire. En revanche, et jusqu'à l'arrêt commenté, la Cour de cassation admettait que le second puisse imposer au premier un préavis plus long. A plusieurs reprises, la Chambre sociale avait, en effet, décidé que, lorsqu'un salarié démissionnait en donnant un préavis plus long que le préavis conventionnel ou d'usage, l'employeur était tenu d'accepter l'exécution du contrat de travail jusqu'à la date de la rupture fixée par le salarié (5). Selon la Cour de cassation, l'employeur ne pouvait se plaindre de ce que son salarié lui ait donné un préavis plus long que la convention collective ne l'y obligeait.

Cet argument était précisément repris par le salarié à l'appui de son pourvoi dans l'affaire rapportée. En l'espèce, celui-ci avait démissionné le 28 mars 2003, en donnant à son employeur un délai-congé de 9 mois expirant le 9 janvier 2004. Par courrier du 4 avril suivant, la société employeur lui avait répondu qu'elle acceptait (sic !) sa démission, mais que le préavis prévu par la convention collective était de trois mois et se terminait le 27 juin 2003. Elle l'informait, en outre, qu'elle le dispensait de son exécution. Le salarié avait, alors, saisi la juridiction prud'homale pour obtenir, notamment, le paiement d'une indemnité compensatrice de préavis. Pour rejeter sa demande les juges d'appel avaient considéré que le salarié n'était pas fondé à réclamer le paiement d'une telle indemnité, au motif qu'il avait abusé du délai de prévenance.

Si cette décision est confirmée par la Cour de cassation, elle substitue, toutefois, un motif de pur droit à ceux critiqués. Selon la Chambre sociale, "il résulte de l'article L. 122-5 du Code du travail, tel qu'alors applicable, que, dans le cas de résiliation du contrat de travail à l'initiative du salarié, aucune des deux parties n'est fondée à imposer à l'autre un délai congé différent de celui prévu par la loi, le contrat ou la convention collective ou les usages". Par suite, l'arrêt qui, ayant constaté que le salarié entendait exécuter un préavis de 9 mois, alors que la lettre d'embauche et la convention collective en fixaient la durée à 3 mois, a rejeté les demandes d'indemnisation du salarié, se trouve légalement justifié.

  • Un revirement bienvenu

L'arrêt rapporté constitue, à n'en point douter, un revirement de jurisprudence. Désormais, le salarié n'est plus en mesure d'imposer un délai de préavis plus long que celui prévu par la loi, la convention collective, les usages ou le contrat de travail (6). Cette solution nous paraît bienvenue et, à tout le moins, préférable à celle qui était retenue antérieurement. Sans doute pouvait-il être argué, pour justifier la jurisprudence passée, que l'allongement du délai de préavis à l'initiative du salarié était plus favorable pour l'employeur qui disposait, ainsi, d'un délai plus long pour se mettre en quête d'un remplaçant. Mais cela revenait à admettre que le salarié était en mesure d'imposer unilatéralement une obligation à l'employeur dans la mesure où, faut-il le rappeler, l'obligation de préavis présente un caractère réciproque (7). Or, il n'est guère besoin de s'étendre sur le fait qu'une personne ne peut, par la seule manifestation de sa volonté, créer une obligation à la charge d'autrui (8). C'est, pourtant, à une telle issue qu'aboutissait, peu ou prou, la jurisprudence antérieure de la Cour de cassation.

Cela étant admis, il convient de remarquer que la solution retenue ne concerne pas uniquement l'hypothèse dans laquelle le salarié qui démissionne donne un préavis plus long. Ainsi que le souligne la Cour de cassation, "aucune des deux parties n'est fondée à imposer à l'autre un délai-congé différent de celui prévu par la loi, le contrat ou la convention collective ou les usages". Il faut donc comprendre que la durée du préavis de démission prévu par les normes applicables s'impose tant à l'employeur qu'au salarié, qui ne peuvent unilatéralement ni l'allonger, ni le raccourcir. Par suite, seul un accord de volonté paraît pouvoir autoriser un allongement ou une réduction du préavis de démission. En outre, l'employeur reste en mesure de dispenser le salarié de son préavis de manière unilatérale, à condition, bien entendu, de lui verser la rémunération correspondante (9).

En allant plus avant, on peut, également, considérer qu'il est une hypothèse dans laquelle le salarié pourra imposer un préavis de démission plus long que celui prévu par la loi ou la convention collective. Il s'agit du cas dans lequel son contrat de travail fixe un préavis d'une durée supérieure à celle prévue par la norme conventionnelle. Mais, il est vrai que, dans ce cas, l'allongement de la durée du préavis conventionnel serait le fruit d'un accord de volonté et non d'une décision unilatérale du salarié (10).

Il importe de souligner, pour conclure, que, bien que rendue sur le fondement de l'article L. 122-5 du Code du travail, la solution retenue dans l'arrêt sous examen devra, sans aucun doute, être également appliquée en vertu de l'article L. 1237-1 du même code, qui en a repris les termes.


(1) L'article L. 122-5, applicable aux faits de l'espèce, disposait que, "dans le cas de résiliation à l'initiative du salarié, l'existence et la durée du délai-congé résultent soit de la loi, soit de la convention ou accord collectif de travail. En l'absence de dispositions légales, de convention ou accord collectif de travail relatifs au délai-congé, cette existence et cette durée résultent des usages pratiqués dans la localité et la profession". Désormais, l'article L. 1237-1 précise que, "en cas de démission, l'existence et la durée du préavis sont fixées par la loi, ou par convention ou accord collectif de travail" (al. 1er). "En l'absence de dispositions légales, de convention ou accord collectif de travail relatifs au préavis, son existence et sa durée résultent des usages pratiqués dans la localité et dans la profession" (al. 2).
(2) On sait que la loi n'impose un préavis que pour certaines professions, telles les VRP ou les journalistes .
(3) Cass. soc., 3 février 1998, n° 94-44.503, Société Caesar Palace c/ Mlle Cabrol (N° Lexbase : A2342ACQ), Bull. civ. V, n° 59.
(4) Cass. soc., 19 juin 1996, n° 93-44.728, M. Philippe Gerber c/ Société Bartec, société à responsabilité limitée (N° Lexbase : A8617AGA). Conformément au principe de faveur, le contrat de travail ne peut donc prévoir qu'un préavis plus court que le préavis conventionnel.
(5) Cass. soc., 21 novembre 1984, n° 84-42.323, Monsieur Vanacker c/ SARL Zup Ambulances (N° Lexbase : A3258AAW), Bull. civ. V, n° 448 ; Cass. soc., 2 février 1993, n° 89-44.334, Société SMAC Aciéroid c/ Mercuri (N° Lexbase : A8631CKU) ; Cass. soc., 11 avril 1996, n° 93-40.789, Société Sofidex c/ M. Mongauze (N° Lexbase : A2374ABK), Bull. civ. V, n° 153. A défaut, l'employeur devait verser au salarié une indemnité compensatrice de préavis.
(6) Cette énumération nous paraît plus conforme à la loi que celle retenue par la Cour de cassation, qui fait figurer le contrat de travail entre la loi et la convention collective. Or, nous l'avons vu, le contrat individuel de travail joue, en la matière, un rôle résiduel, qui le situe dans la dépendance des deux autres normes et des usages.
(7) Caractère réciproque de l'obligation de préavis que la Cour de cassation a rappelé dans un arrêt récent, commenté dans ces mêmes colonnes : Cass. soc., 18 juin 2008, n° 07-42.161, Société Highlands hôtesses c/ Mme Andrée Cuadro, FS-P+B (N° Lexbase : A2312D9I) et nos obs., Le caractère réciproque de l'obligation de préavis, Lexbase Hebdo n° 311 du 2 juillet 2008 - édition sociale (N° Lexbase : N4902BGN).
(8) V., sur la question, F. Terré, Ph. Simler, Y. Lequette, Droit civil, Les obligations, Dalloz, 9ème éd., 2005, § 51.
(9) Dispense qui ne remet pas en cause le droit au préavis du salarié, seul le droit de travailler pendant celui-ci se trouvant écarté. Il reste que l'on peut se demander s'il ne serait pas plus conforme aux règles du droit commun des contrats de considérer que seul l'accord du salarié peut permettre à cette dispense de prendre effet.
(10) Partant, et à notre sens, l'employeur ne sera pas en mesure de s'opposer à ce qui n'est qu'une mise en oeuvre d'une stipulation contractuelle.

Décision

Cass. soc., 1er juillet 2008, n° 07-40.109, M. Jean-François Burtschy c/ Société Terbois, FP-P+B (N° Lexbase : A4980D9C)

Rejet, CA Colmar, ch. soc., sect. A, 9 novembre 2006

Texte concerné : C. trav., art. L. 122-5 (N° Lexbase : L5555ACQ, art. L. 1237-1, recod. N° Lexbase : L0022HX4)

Mots-clefs : démission ; préavis ; durée ; caractère impératif

Lien base :

newsid:326696