La lettre juridique n°311 du 3 juillet 2008 : Fonction publique

[Jurisprudence] Des difficultés liées à la coexistence statutaire de mesures de suspension à caractère conservatoire et à caractère disciplinaire

Réf. : CE 4° et 5° s-s-r., 16 avril 2008, n° 286585, M. Jehannin (N° Lexbase : A9482D7C)

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par Christophe De Bernardinis, Maître de conférences à l'Université de Metz

le 07 Octobre 2010

Dans l'hypothèse où un fonctionnaire s'est rendu coupable d'une faute grave et dans la mesure où la préservation de l'image et du fonctionnement du service exige une réaction immédiate de l'administration, il est, en général, indispensable de lui retirer son service avant même toute démonstration de culpabilité. C'est l'objet de la procédure de suspension. En conséquence, et afin de préserver la continuité satisfaisante du service, l'autorité disciplinaire peut, avant de déclencher les poursuites disciplinaires, prononcer contre le fonctionnaire une mesure de suspension. La suspension incite à penser, mais à tort, qu'elle augure d'une sanction disciplinaire quasi-inévitable et, elle est, à cet égard, souvent confondue avec une sanction disciplinaire. De plus, la suspension peut, dans certains cas, à la fois se présenter sous la forme d'une mesure administrative conservatoire et sous la forme d'une mesure disciplinaire, ce qui ajoute à la confusion quant au régime juridique applicable. Ce dernier pose parfois de réelles interrogations et conduit souvent à des problématiques fort différentes. En témoigne l'arrêt d'espèce du Conseil d'Etat en date du 16 avril 2008, rendu à propos d'un membre du personnel enseignant et hospitalier exerçant dans l'un des 27 centres hospitaliers universitaires (CHU) français. La caractéristique essentielle du statut de personnel enseignant et hospitalier est de reposer sur l'articulation entre les activités d'enseignement et de recherche et une activité professionnelle de soins, celle-ci ne pouvant s'exercer que dans le cadre hospitalier. Ainsi, l'article L. 952-21 du Code de l'éducation (N° Lexbase : L9945ARR) dispose que les membres du personnel enseignant et hospitalier des CHU "exercent conjointement les fonctions universitaire et hospitalière [...]. Ils consacrent à leurs fonctions hospitalières, à l'enseignement et à la recherche la totalité de leur activité professionnelle, sous réserve des dérogations qui peuvent être prévues par leur statut".

Il existe trois catégories de personnels assurant cette triple fonction de soins, d'enseignement et de recherche : les personnels titulaires groupés en quatre corps (celui des professeurs des universités - praticiens hospitaliers (PU-PH) et maîtres de conférences des universités - praticiens hospitaliers (MCU-PH), auxquels il faut rajouter les professeurs et maîtres de conférence des disciplines pharmaceutiques) ; les praticiens hospitaliers universitaires (PHU) qui exercent leurs fonctions à titre temporaire (1) ; les personnels non titulaires qui comprennent les chefs de clinique des universités - assistants des hôpitaux (CCA) et les assistants hospitaliers universitaires (AHU) dans les disciplines biologiques, mixtes et pharmaceutiques (2).

Leur double appartenance, hospitalière et universitaire, est une caractéristique commune qui a des conséquences sur leur statut, leur rémunération et leur protection sociale.

En conséquence, les personnels mentionnés constituent des corps distincts des autres corps enseignants des universités et des praticiens hospitaliers et sont, de ce fait, soumis à un statut et un régime juridique spécifique (décret n° 84-135 du 24 février 1984, portant statut des personnels enseignants et hospitaliers des centres hospitaliers et universitaires N° Lexbase : L3820HP8).

Les membres du personnel enseignant et hospitalier sont, par exemple, soumis, pour leur activité hospitalière comme pour leur activité universitaire, à une juridiction disciplinaire unique instituée sur le plan national. Cette juridiction est présidée soit par un conseiller d'Etat, soit par un professeur d'enseignement supérieur, désigné conjointement par les ministres chargés de l'Enseignement supérieur et de la Santé ; elle est composée de membres pour moitié élus par les personnels intéressés et pour moitié nommés à parts égales par les mêmes ministres (3).

Enfin, ils peuvent aussi faire l'objet, à cet égard, de deux types de mesures de suspension, respectivement à statut conservatoire mais aussi à statut disciplinaire (décret n° 84-135, art. 19 et 25)

La juridiction disciplinaire a prononcé, dans l'arrêt d'espèce et à l'encontre d'un professeur des universités -praticien hospitalier de chirurgie infantile, chef de service de chirurgie pédiatrique-, une sanction disciplinaire de suspension de ses fonctions, avec privation de la moitié de sa rémunération. Cette décision ne fixait pas de durée à la suspension prononcée. En 2005, l'intéressé a donc demandé aux ministres chargés de la Santé et de l'Enseignement supérieur de mettre un terme à la mesure de suspension prise à son encontre en 1999, et de le réintégrer dans ses fonctions hospitalières. Les ministres ont refusé de faire droit à sa demande tendant à ce que sa situation administrative soit réexaminée à la suite de la suspension dont il a fait l'objet. Ce sont ces décisions implicites des ministres qui sont attaqués par le requérant qui en a demandé l'annulation devant le tribunal administratif. Le président de ce dernier a transmis sans délai le dossier au Conseil d'Etat qui a poursuivi l'instruction de l'affaire, le dossier relevant de sa compétence.

Il ressort de la décision prise par la Haute autorité que la suspension des fonctions prévue par le statut spécial des personnels enseignants et hospitaliers (décret n° 84-135, art. 19) doit, par sa nature même, avoir un caractère temporaire. Ainsi, lorsque la juridiction disciplinaire a omis d'assortir sa décision de suspension d'un délai, il appartient, en conséquence, aux ministres chargés de la Santé et de l'Enseignement supérieur, soit de leur propre initiative, soit à la demande du praticien sanctionné, de saisir conjointement la juridiction disciplinaire pour qu'elle fixe un délai ou qu'elle se prononce sur la levée de la suspension. Par suite, l'agent est fondé à demander l'annulation des décisions implicites de rejet des ministres ayant refusé de faire droit à sa demande. En application des dispositions permettant à la juridiction administrative d'assortir sa décision d'une mesure d'injonction (CJA, art. L. 911-1 N° Lexbase : L3329ALU), le Conseil d'Etat a enjoint les ministres concernés de saisir dans un délai de deux mois la juridiction disciplinaire compétente afin que celle-ci fixe le délai de la suspension de l'agent dans ses fonctions hospitalo-universitaires et que les ministres concernés en tirent les conséquences sur sa situation administrative.

On peut dire, ainsi, que cette décision est surtout révélatrice des confusions qui peuvent parfois exister dans certains contentieux disciplinaires quant à la réelle valeur de la mesure de suspension. En effet, le régime et les conséquences juridiques ne sont pas les mêmes suivant que la mesure se définit comme une mesure conservatoire ou une mesure disciplinaire. Or, le statut particulier des personnels enseignants et universitaires amène à confondre les deux types de suspension dans la mesure où elles sont prévues respectivement à titre conservatoire et à titre disciplinaire (I). Il y a, immanquablement et par la suite, des confusions possibles quant au régime juridique applicable à la mesure prononcée (II).

I - Un statut particulier qui amène à confondre les notions de suspension conservatoire et de suspension disciplinaire

Le statut particulier des personnels enseignants et hospitaliers s'avère particulier au niveau du prononcé possible de la mesure de suspension, mesure qui peut être prise à titre disciplinaire comme à titre conservatoire. Dans ce cadre, un tel régime dépasse celui qui est fixé au niveau du statut général (A) et opère une confusion dangereuse entre les fonctions conservatoire et disciplinaire de la mesure (B).

A - Une fonction claire de la suspension préalable dans le régime général

Aucun texte ne définit positivement la suspension du fonctionnaire, le statut général et les statuts particuliers se contentant, en effet, de décrire les conditions dans lesquelles elle peut être prononcée. L'article 30 du statut général (4), qui constitue le droit commun de la suspension des fonctions, dispose : "En cas de faute grave commise par un fonctionnaire, qu'il s'agisse d'un manquement à ses obligations professionnelles ou d'une infraction de droit commun, l'auteur de cette faute peut être suspendu par l'autorité ayant pouvoir disciplinaire qui saisit, sans délai, le conseil de discipline". La doctrine définit la suspension comme "une mesure non pas disciplinaire, mais d'urgence (ou "conservatoire") destinée, dans l'intérêt du service, à interdire à titre provisoire l'exercice de ses fonctions à un agent public auquel une faute grave est reprochée, de façon à ce que sa présence ne risque pas de troubler le fonctionnement du service" (5).

La suspension est donc une mesure provisoire justifiée exclusivement par des présomptions de faute ou d'infraction pesant sur un agent, la suspension ne préjugeant en rien des suites disciplinaires ou pénales données aux faits qui lui sont reprochés. Son caractère provisoire implique que ses effets juridiques soient limités dans le temps, et postule le maintien du lien entre le fonctionnaire et son service.La suspension du fonctionnaire lui interdit temporairement d'exercer son exercice.

De manière constante, la jurisprudence rappelle que la suspension de fonctions est une mesure administrative, dépourvue de caractère disciplinaire. A ce titre, elle n'est pas entourée des garanties qu'offre la procédure disciplinaire et ne donne pas lieu à l'application du principe du respect du droit de la défense : droit à un défenseur de son choix, consultation de la commission consultative paritaire compétente ou consultation du dossier.

Le statut général prévoit aussi que la suspension est prononcée pour une durée maximale de quatre mois au terme de laquelle, si aucune décision n'est prise par l'autorité ayant pouvoir disciplinaire, l'agent est automatiquement rétabli dans ses fonctions. Les statuts autonomes prévoient un dispositif similaire, étant précisé que la durée maximale peut varier selon le statut de l'agent concerné. Le statut des personnels enseignants et hospitaliers prévoit, quant à lui, une durée de trois mois (décret n° 84-135, art. 25). L'arrêté de suspension n'a pas à indiquer formellement la durée de la mesure (6), contrairement donc à ce qui est prévu en matière disciplinaire. Par définition, la suspension conservatoire ne peut avoir de durée déterminée, ce qui la différencie de la suspension disciplinaire prise dans le cas d'espèce et justifie le caractère temporaire du prononcé d'une telle suspension.

Si aucune décision de prolongation n'intervient, la suspension prend automatiquement fin à l'expiration de la durée légale prévue par les textes applicables, sachant que l'autorité compétente peut mettre fin à la suspension à tout moment (7).

B - Une confusion dangereuse dans le statut particulier des personnels enseignants et hospitaliers

De manière générale déjà, la frontière entre suspension et sanction disciplinaire n'est pas toujours aisée à délimiter, tant dans l'opinion publique que dans la pratique administrative. En effet, le fonctionnaire peut d'abord être suspendu, puis faire l'objet d'une sanction disciplinaire, de sorte que sa suspension est vécue par ce dernier comme une pré-sanction.

Le décret n° 84-135 du 24 février 1984 portant statut du personnel enseignant et hospitalier prévoit, en son article 25, que "lorsque l'intérêt du service l'exige, la suspension d'un agent qui fait l'objet d'une procédure disciplinaire peut être prononcée par arrêté conjoint des ministres respectivement chargés des Universités et de la Santé". L'article 19 de ce même texte, dans le chapitre III consacré à la "discipline", énonce, quant à lui, que figure parmi les peines applicables aux personnels titulaires "la suspension avec privation totale ou partielle de la rémunération". Cette évocation de la mesure de suspension au titre de sanctions disciplinaires peut surprendre dans la mesure où elle est plus que rarement établie à ce titre.

On sait que, à l'inverse de ce qu'il en est pour les fautes disciplinaires, les sanctions pouvant être prononcées par l'autorité disciplinaire sont prédéterminées par les textes en application du principe consacré en matière répressive nulla poena sine lege. Il ne peut donc y avoir de sanction disciplinaire sans texte (8). S'agissant de la fonction publique hospitalière, l'article 81 du titre IV précise l'échelle des sanctions pouvant être infligées aux agents fautifs en les répartissant en 4 groupes selon leur degré de gravité :

- 1er groupe : l'avertissement, le blâme ;
- 2ème groupe : la radiation du tableau d'avancement, l'abaissement d'échelon, l'exclusion temporaire de fonctions pour une durée maximale de 15 jours ;
- 3ème groupe : la rétrogradation, l'exclusion temporaire de fonctions pour une durée de 3 mois à 2 ans ;
- 4ème groupe : la mise à la retraite d'office, la révocation.

Dans le 2ème et le 3ème groupe, il est parlé d'exclusion temporaire des fonctions respectivement pour une durée maximale de 15 jours ou pour une durée de 3 mois à 2 ans. C'est cette sanction-là qui correspond normalement, au titre des mesures disciplinaires, à la mesure de suspension prévue par le statut particulier des personnels enseignants et hospitaliers. La suspension conservatoire doit, en ce sens, ne pas être confondue avec cette exclusion temporaire des fonctions. Or cette confusion est faite, en l'espèce, par le pouvoir réglementaire ce qui se révèle préjudiciable, au final, quant à la détermination du régime juridique applicable.

II - Un statut particulier qui laisse subsister des conséquences juridiques difficilement déterminables quant aux deux types de suspension

Le statut des personnels enseignants et hospitaliers, en disposant de deux types de mesures de suspension, amène à certaines difficultés quant à l'identification réelle de la mesure en cause, mais aussi quant aux conséquences juridiques qui se rattachent aux différentes mesures. En l'occurrence, il existe des conséquences différentes attachées à la situation du fonctionnaire suspendu à titre conservatoire ou à titre disciplinaire (A), comme il existe certaines conséquences quant à l'exercice conjoint de la suspension à titre conservatoire et du contentieux disciplinaire pouvant découler de la prise de la première mesure (B).

A - Les conséquences attachées à la situation du fonctionnaire suspendu à titre conservatoire ou disciplinaire

Le statut général de la fonction publique et les statuts autonomes ne précisent pas la situation du fonctionnaire suspendu vis-à-vis de son service, mais la jurisprudence considère que le fonctionnaire suspendu doit être assimilé à un fonctionnaire en position d'activité (9). La suspension conservatoire ne rompt pas le lien unissant l'agent à son administration. Il est réputé poursuivre normalement sa carrière comme s'il exerçait effectivement ses fonctions. La période de suspension doit être prise en compte pour son avancement et pour le calcul de sa retraite et de ses droits à congé annuels (10).

Inversement, que ce soit pour la suspension disciplinaire ou l'exclusion temporaire des fonctions, elle emporte privation du traitement du fonctionnaire et les services non réalisés à raison de cette sanction disciplinaire ne sont pas pris en compte, ni pour son ancienneté, ni pour sa pension. L'agent suspendu au titre de la mesure conservatoire conserve sa rémunération par exception à la règle du service fait, ainsi que les prestations familiales obligatoires (11) et son traitement ne peut, en principe, faire l'objet d'une retenue alors que tel a été le cas en l'espèce dans la mesure où il s'agit d'une mesure disciplinaire. Il peut, cependant, exister une certaine confusion dans la mesure où le statut particulier du personnel enseignant et hospitalier prévoit que c'est la "décision prononçant la suspension qui précise si l'intéressé conserve, pendant le temps où il est suspendu, le bénéfice de son traitement universitaire et de ses émoluments hospitaliers ou détermine la quotité de la retenue qu'il subit" (12), étant précisé qu'en tout état de cause, l'agent "continue à percevoir la totalité des suppléments pour charge de famille".

Pour autant, le traitement de l'agent suspendu à titre conservatoire pourra, néanmoins, faire l'objet d'une retenue si la mesure de suspension est prolongée en raison des poursuites pénales dont il peut faire l'objet. Le statut général autorise le maintien de la suspension au-delà du délai de 4 mois lorsque le fonctionnaire est poursuivi pénalement, ainsi qu'une retenue de son traitement qui ne peut excéder la moitié de celui-ci. Le statut autonome du personnel enseignant et hospitalier prévoit, quant à lui, que : "lorsqu'aucune décision n'est intervenue dans le délai de 3 mois à compter de la suspension, l'intéressé reçoit de nouveau l'intégralité de son traitement universitaire et de ses émoluments hospitaliers sauf s'il est l'objet de poursuites pénales" (décret n° 84-135, art. 19, al. 3). De manière générale, l'autorité disciplinaire décide discrétionnairement de procéder ou non à une retenue sur traitement, mais elle doit respecter la quotité maximale légale (13).

Concernant le rappel de traitement en l'absence de sanction, il existe un principe général du droit au remboursement des retenues sur traitement en l'absence de condamnation pénale ou disciplinaire, qui est reconnu aux agents non titulaires par la jurisprudence, mais il bénéficie aussi aux fonctionnaires titulaires même si le statut général ne le prévoit pas expressément. Le statut autonome des personnels enseignants et hospitaliers prévoyant lui que "lorsque l'intéressé n'a subi aucune sanction ou n'a été l'objet que d'un avertissement ou d'un blâme ou si à l'expiration du délai prévu à l'alinéa précédent, il n'a pu être statué sur son cas, il a droit au remboursement des retenues opérées sur son traitement universitaire".

B - Les conséquences attachées à l'exercice conjoint de la suspension conservatoire et du contentieux disciplinaire

La suspension des fonctions n'étant pas un acte préparatoire à la sanction disciplinaire ou à la condamnation pénale, elle ne préjuge en rien de la sanction à venir. L'engagement de la procédure de suspension est indépendant de l'engagement de la procédure disciplinaire. L'article 30 du statut général prévoit lorsqu'une suspension intervient que "l'autorité ayant pouvoir disciplinaire saisit, sans délai, le conseil de discipline". Aucun texte n'enferme dans un délai déterminé l'exercice de l'action disciplinaire et ne fait obligation à l'autorité compétente d'engager cette procédure. La jurisprudence considère, en effet, de manière constante que le délai de 4 mois de la suspension de droit commun a seulement pour objet de limiter dans le temps les conséquences de cette mesure. Ce délai étant de 3 mois concernant la suspension touchant les personnels enseignants et hospitaliers. La saisine du conseil de discipline comme le prononcé d'une sanction disciplinaire peuvent, ainsi, intervenir après l'expiration du délai (14). L'administration n'a, d'ailleurs, pas l'obligation de saisir le conseil de discipline immédiatement après le prononcé de la mesure de suspension (15).

Il est, à cet égard, intéressant de faire un rapprochement entre la suspension des fonctions telle qu'elle existe dans le cas d'espèce avec le droit commun des salariés. En effet, le Code du travail prévoit une mesure de mise à pied conservatoire que l'employeur peut adopter lorsque l'agissement du salarié la rend indispensable (16). Comme pour la suspension du fonctionnaire, l'agissement du salarié doit présenter un caractère suffisant de gravité pour justifier sa mise à pied conservatoire à effet immédiat. Or cette mesure conservatoire peut être prononcée au préalable, tant d'un licenciement que d'une mise à pied disciplinaire (17), sa durée étant indéterminée et cessant avec le prononcé de la sanction.

On retrouve ici la coexistence entre une mesure à caractère conservatoire et une mesure à caractère disciplinaire, avec les mêmes dangers quant à la confusion des régimes juridiques. On retrouve aussi des problèmes identiques quant à l'incidence de la durée de la mise à pied dans la qualification de sanction disciplinaire. Un rapprochement peut être fait ici avec le cas d'espèce lié à la suspension disciplinaire. La Cour de cassation a ainsi décidé "qu'une mise à pied conservatoire qui ne peut être justifiée que par une faute grave est nécessairement à durée indéterminée quelle que soit la qualification que lui donne l'employeur" (18). Cette solution étant parfaitement logique puisque la mise à pied conservatoire a pour terme un événement indéterminé dans le temps consistant, soit dans la connaissance suffisante des circonstances des faits ayant conduit à la mise à pied, soit dans la réalisation de la procédure de licenciement. Il en résulte aussi qu'une mise à pied prononcée pour un temps déterminé présente nécessairement un caractère disciplinaire (19) de sorte qu'un salarié mis à pied pour 3 jours puis licencié pour le même motif que celui retenu pour la mise à pied a été sanctionné deux fois pour les mêmes faits en application de la règle non bis in idem (20).


(1) Praticiens hospitaliers détachés dans le corps des PHU pour une période n'excédant pas 8 ans y compris les années de clinicat.
(2) Ils sont nommés pour une période de deux ans avec la possibilité de deux renouvellements d'une année chacun.
(3) C. éduc., art. L. 952-22 (N° Lexbase : L9946ARS).
(4) Loi n° 83-634 du 13 juillet 1983, portant droits et obligations des fonctionnaires (N° Lexbase : L6938AG3), JO, 14 juillet 1983, p. 2174.
(5) R. Chapus, Droit Administratif, Montchrestien, 2001, t. II, n° 404.
(6) CAA Versailles, 16 décembre 2004, n° 02VE00330, M. K..
(7) CE, 13 novembre 1981, n° 27805, Commune de Houilles (N° Lexbase : A5926AKP), Rec. CE, p. 410.
(8) Cf. CE, Ass., 30 mars 1962, Bertaux, Rec. CE, p. 237.
(9) CE, sect., 8 avril 1994, n° 145780, Gabolde et ministre de l'Economie (N° Lexbase : A0673ASQ), RFDA, 1994, p. 465, concl. Fratacci.
(10) TA Lyon, 8 février 1990, n° 40462, Garrigues.
(11) L'article du statut général précité impose le maintien du traitement ainsi que de l'indemnité de résidence, du supplément familial de traitement et des prestations familiales obligatoires. Les statuts autonomes prévoient le maintien de la rémunération dans des conditions analogues.
(12) La quotité de la retenue ne peut être supérieure à la moitié du montant total du traitement universitaire et des émoluments hospitaliers (décret n° 84-135, art. 19, al. 2, préc.).
(13) CE, 22 novembre 1969, Commune de Canari, Rec. CE, p. 585.
(14) CE, 28 janvier 1998, n° 178823, Rougelet (N° Lexbase : A6138AS7).
(15) CE, 1er mars 2006, n° 275408, Ministre de l'Education nationale contre M. P. X. (N° Lexbase : A4007DNQ).
(16) C. trav., art. L. 122-41 (N° Lexbase : L5579ACM, art. L. 1332-2, recod. N° Lexbase : L0255HXQ).
(17) C. trav., art. L. 122-40 (N° Lexbase : L5578ACL, art. L. 1331-1, recod. N° Lexbase : L0252HXM).
(18) Cass. soc., 6 novembre 2001, n° 99-43.012, M. Daniel Larcher c/ Société Onet, F-P (N° Lexbase : A0675AXB), Bull. civ. IV, n° 338.
(19) Cass. soc., 12 février 2003, n° 00-46.433, Mme Sophie Bousquet c/ M. Yves Rodriguez, F-D (N° Lexbase : A0128A7U), JCP éd. G, 2003, II, 10153.
(20) Cass. soc., 13 novembre 2001, n° 99-42.709, Société Fabenrev c/ M. Bernard Dubois, FS-P (N° Lexbase : A0989AXW), JCP éd. G, 2001, IV, n° 3081.

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