Réf. : Cass. civ. 2, 5 juin 2008, n° 07-14.847, Urssaf de Loire-Atlantique c/ Société EXA, FS-P+B (N° Lexbase : A9331D84)
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par Stéphanie Martin-Cuenot, Ater à l'Université Montesquieu-Bordeaux IV
le 07 Octobre 2010
Résumé
La comptabilisation des salariés à temps partiel au prorata de leur temps de présence, c'est-à-dire pour une fraction d'unité, pour l'appréciation du dépassement du seuil entraînant l'assujettissement au versement de transport conduit à l'assujettissement des entreprises dont le nombre de salariés, ainsi calculé, s'avère supérieur à 9, sans que le fait qu'il puisse être inférieur à 10 soit de nature à les priver du bénéfice de la dispense et de la dégressivité du versement, dès lors que, dans cette hypothèse, l'effectif de 10 salariés employés sans distinction de durée du travail est nécessairement atteint. |
Commentaire
I - Régime du "versement transport"
Le versement transport a été mis en place en 1971. Il permet de faire participer les entreprises au financement des transports en commun. Depuis 2000, il concerne toutes les communes de plus de 10 000 habitants. Ce versement est dû par toute personne physique ou morale, publique ou privée, qui emploie plus de 9 salariés. Seules les fondations et associations reconnues d'utilité publique à but non lucratif et dont l'activité est à caractère social en sont dispensées.
L'assiette du versement est l'ensemble des rémunérations soumises à cotisations sociales, sans application du plafond. Le taux du versement est variable. L'Urssaf assure le recouvrement de ce versement. Dans certains cas, les entreprises assujetties peuvent demander le remboursement des sommes versées (CGCT, art. L. 2333-70 N° Lexbase : L8984AAY, L. 2531-6 N° Lexbase : L9200AAY, D. 2531-5 N° Lexbase : L2145ALZ et D. 2333-89 N° Lexbase : L1891ALM).
Selon l'article L. 2333-64 du Code général des collectivités territoriales (N° Lexbase : L7904HBD), les entreprises situées hors de l'Ile-de-France qui emploient plus de 9 salariés peuvent être assujetties au versement d'une somme destinée au financement des transports en commun.
Ce versement est limité aux entreprises atteignant le seuil de 9 salariés ayant leur siège dans une commune ou une communauté urbaine dont la population est supérieure à 10 000 habitants ou se situant dans le ressort d'un établissement public de coopération intercommunale compétent pour l'organisation des transports urbains, lorsque la population des communes membres de l'établissement atteint le seuil de 10 000 habitants.
Ce texte prévoit, dans son second alinéa, que les employeurs qui, en raison de l'accroissement de leur effectif, atteignent ou dépassent l'effectif de 10 salariés, sont dispensés pendant trois ans du paiement du versement. Il est, en outre, précisé que le montant du versement est réduit de 75 %, 50 %, 25 %, respectivement, chacune des trois années suivant la dernière année de dispense.
Par exception, la dispense de versement n'est pas applicable lorsque l'accroissement de l'effectif résulte de la reprise ou de l'absorption d'une entreprise ayant employé 10 salariés ou plus au cours de l'une des trois années précédentes. Dans ce cas, le versement est dû dans les conditions de droit commun dès l'année au cours de laquelle l'effectif de 10 salariés est atteint ou dépassé.
C'est de l'assujettissement de l'entreprise à ce versement et de sa dispense dont il était question dans la décision commentée.
A la suite d'un contrôle, l'Urssaf avait remis en cause la dispense de paiement du versement transport dont une société avait pensé être exempté, en application de l'alinéa 2 de l'article L. 2333-64 du Code général des collectivités territoriales. L'Urssaf considérait, en effet, qu'en 1997, l'effectif de la société ayant atteint 9,15 salariés (après prise en compte des salariés à temps partiel au prorata de leur durée de travail), elle s'était trouvée assujettie au versement de transport.
Pour la période litigieuse la société ne pouvait donc bénéficier que des réductions prévues pour les 5ème et 6ème année suivant celle de l'assujettissement.
La société avait contesté cette décision.
La cour d'appel avait annulé la décision de l'Urssaf. Elle avait, en effet, considéré que le seuil de 10 salariés constitue, à la fois, la condition d'assujettissement au versement transport et la condition pour bénéficier de la progressivité, la loi n'ayant pu envisager qu'un effectif puisse se situer entre 9 et 10 personnes, même s'il peut y avoir dans l'entreprise des salariés à temps partiel.
La deuxième chambre civile de la Cour de cassation ne voit pas les choses de la même manière. Elle considère, en effet, que la comptabilisation des salariés à temps partiel au prorata de leur temps de travail (c'est-à-dire par fraction d'unité), pour l'appréciation du dépassement du seuil entraînant l'assujettissement au versement transport, conduit à l'assujettissement des entreprises dont le nombre, ainsi, calculé s'avère supérieur à 9. La Haute juridiction poursuit en affirmant que le fait que l'effectif de l'entreprise soit inférieur à 10 n'est pas de nature à priver les entreprises du bénéfice de la dispense et de la dégressivité du versement, dès lors que, dans cette hypothèse, l'effectif de 10 salariés employés sans distinction de durée du travail est nécessairement atteint.
Dans l'espèce, l'effectif de 9,15 salariés ayant été atteint après prise en compte d'employés à temps partiel au prorata de leur durée du travail, l'entreprise se trouvait nécessairement soumise au versement de la contribution transport, contrairement à ce qu'avait affirmé la cour d'appel.
Bien que la décision aille de soi, le principe retenu reste difficile à comprendre. On ne peut que regretter le manque de clarté de la Haute juridiction.
II - Une décision peu claire
Pourquoi trouve-t-on deux seuils distincts dans une même disposition ? La question est d'autant plus pertinente que les deux seuils sont très proches : plus de 9 salariés pour être assujetti à l'obligation, 10 salariés et plus pour en être dispensé...
La détermination de l'effectif de l'entreprise est effectuée en application de l'article R. 243-6 du Code de la Sécurité sociale (N° Lexbase : L4910HZU). C'est ce principe dont fait application la Haute juridiction dans la décision commentée.
Ce texte a trait au recouvrement des cotisations sociales par les Urssaf. Il prévoit le principe du versement, les modalités de versement, ainsi que les règles permettant de déterminer l'effectif de l'entreprise.
Le dernier alinéa de l'article R. 243-6 du Code de la Sécurité sociale prévoit, ainsi, que "chaque salarié à temps partiel est pris en compte dans l'effectif du personnel au prorata du rapport entre la durée hebdomadaire de travail mentionnée dans son contrat et la durée légale du travail ou si elle est inférieure, la durée normale de travail accomplie dans l'entreprise ou l'établissement ou il est employés".
Ainsi, bien que toute personne assujettie au régime général des salariés soit incluse dans l'effectif de l'entreprise (CSS, art. L. 311-2 N° Lexbase : L5024ADG et L. 311-3 et s. N° Lexbase : L0590HWR), si cette personne est à temps partiel, sa prise en compte devra se faire au prorata. Le principe retenu par la Haute juridiction n'est donc pas nouveau.
Par conséquent, il est donc logique que, dans la mesure où le seuil de 9 salariés était dépassé, l'entreprise soit soumise au versement transport.
Quid de la dispense ? La prise en compte des salariés à temps partiel au prorata de leur temps de travail est-elle également prescrite ? Dans son attendu de principe, la Haute juridiction donne la solution.
La règle n'est pas exactement la même. La Haute juridiction, dans la décision commentée précise, en effet, que,"dès lors que dans cette hypothèse (celle du seuil supérieur à 9 avec décompte au prorata et inférieure à 10), l'effectif de 10 salarié employés sans distinction de durée est nécessairement atteint", le fait que l'effectif puisse être inférieur à 10 n'est pas de nature à priver les entreprises de la dispense et de la dégressivité.
Ainsi, pour apprécier le droit à dispense de l'entreprise, il convient de ne pas prendre en compte le salarié à temps partiel pour une fraction d'unité, mais de le décompter sans distinction de durée.
En application d'une telle règle, lorsque l'effectif de l'entreprise se situe entre 9 et 10 en raison de l'application du prorata, il atteint forcément 10 si l'on ne tient pas compte de la durée du travail du salarié. L'entreprise assujettie se trouve donc dispensée.
Cette solution, malgré son caractère favorable à l'entreprise, semble difficile à admettre. On ne voit pas exactement ce qui justifie cette particularité du décompte de l'effectif pour la détermination du seuil de 10 salariés.
Qu'il s'agisse du seuil supérieur à 9 salariés prescrit pour la mise en place de l'obligation ou du seuil de 10 salariés imposé pour la dispense, les travailleurs à temps partiel doivent être décomptés de la même manière et, singulièrement, compte tenu des règles posées par l'article R. 243-6 du Code de la Sécurité sociale.
Le texte est clair et ne contient aucune particularité. Au-delà de 9 salariés, l'entreprise doit contribuer, au-delà de 10 salariés, elle est temporairement exonérée. Entre les deux, elle contribue sans pouvoir bénéficier d'une quelconque dispense. C'est, sans doute, dans un souci d'équité que la Haute juridiction a retenu cette particularité pour déterminer le seuil de 10 salariés.
Décision
Cass. civ. 2, 5 juin 2008, n° 07-14.847, Urssaf de Loire-Atlantique c/ Société EXA, FS-P+B (N° Lexbase : A9331D84)
Cassation de CA Rennes (chambre sécurité sociale), 14 mars 2007
Mots clefs : versement transport ; seuil d'assujettissement ; atténuation des règles de seuil pour la dispense et la dégressivité du versement.
Lien Base : (N° Lexbase : E3879AU9) |
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