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N3591BG4
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par Daniel Faucher, Consultant au CRIDON de Paris
le 07 Octobre 2010
Partant du constat selon lequel la dépense fiscale se développe de manière inquiétante, portant ainsi atteinte à l'équité fiscale, la mission issue de la Commission propose d'instaurer des plafonds de déduction afin de maintenir la progressivité de l'impôt.
1. Maîtriser la dépense fiscale
En 2008, on ne dénombre pas moins de 486 dépenses fiscales, soit le double par rapport à l'Allemagne ou le Royaume Uni. On sait que le propre d'une dépense fiscale est de permettre au contribuable qui en bénéficie d'alléger la charge fiscale de ce dernier par rapport à ce qui aurait résulté d'une application mécanique du barème de l'impôt. Un certain nombre de ces dépenses répond au souci d'accroître l'équité de notre système fiscal (prime pour l'emploi, abattement en faveur des personnes âgées ou invalide de condition modeste..). Certaines autres, dont l'objectif est d'inciter le contribuable à investir, prennent la forme d'une exonération d'impôt ou d'une imposition réduite de certains revenus. D'autres, enfin, elles, permettent à un contribuable de réduire l'impôt au titre d'autres catégories de ses revenus (régime "Malraux", réduction d'impôt pour investissement productif outre-mer...). C'est cette dernière catégorie de dépenses fiscales que la mission propose de maîtriser après avoir constaté une utilisation massive par certains contribuables. En effet, il a été constaté une véritable "régressivité" de fait de l'impôt : plus un très gros contribuable a des revenus élevés, moins il paye en proportion d'impôt. Ainsi, par exemple, les 100 contribuables réduisant le plus leur impôt en valeur absolue le réduisent en moyenne de presque 1,2 million d'euros, soit 85 % de la cotisation d'impôt résultant du barème. Certains, même, ne payent aucun impôt ou obtiennent une restitution, ce qui constitue un impôt négatif. La mission a également constaté que, pour les 100 000 plus gros contribuables, plus de 80 % du montant total des réductions et crédits d'impôt résultent du recours à quatre dispositifs qui sont, dans l'ordre d'importance en volume, la réduction d'impôt pour investissement productif outre-mer, la réduction d'impôt pour emploi d'un salarié à domicile, le crédit d'impôt au titre des conventions internationales et la réduction pour investissement dans le logement outre-mer. Ainsi, les travaux de la mission mettent en évidence une véritable concentration au titre des investissements outre-mer. 10 % des utilisateurs bénéficient de 43 % de la dépense fiscale concernant le logement et 5 % bénéficient de près de 45 % de la dépense au titre de l'investissement productif. La mission propose donc un encadrement des dispositifs non encore plafonnés, ainsi que l'instauration d'un plafonnement global.
2. Encadrer les dépenses non encore plafonnées pour rétablir la progressivité de l'impôt
Pour restaurer l'équité de notre fiscalité, sans mettre en cause son efficacité, la mission s'est prononcée en faveur d'une réforme à deux niveaux, l'un concernant un encadrement des quatre dispositifs actuellement non plafonnés, l'autre, concernant l'instauration d'un plafonnement global.
a) Encadrer les dépenses non plafonnées
L'encadrement vise le régime "Malraux", le régime des monuments historiques, le régime des loueurs en meublé professionnels et le soutien à l'investissement outre-mer.
- réduisant le seuil d'agrément des investissements à 500 000 euros au lieu de 1 million d'euros pour les investissements réalisés directement par les entreprises et à 1 million d'euros au lieu de 4,6 millions d'euros pour les investissements locatifs ;
- recentrant la défiscalisation des investissements locatifs sur le logement social ;
- allongeant de cinq à huit ans le délai de détention et réduisant à 50 % le taux de la réduction d'impôt pour la défiscalisation dans l'hôtellerie et la plaisance ;
- excluant du bénéfice de la défiscalisation l'achat de véhicules particuliers ;
- plafonnant à 25 000 euros par contribuable et par exercice la réduction d'impôt pour les investissements locatifs.
b) Instauration d'un plafonnement global
La combinaison de plusieurs dispositifs, eux-mêmes plafonnés, permettant malgré tout à un contribuable d'échapper très largement, voire totalement à l'impôt (les dispositifs déjà plafonnés et ceux nouvellement plafonnés permettraient de réduire l'impôt de 167 000 euros environ), il est proposé un plafonnement global. Afin d'éviter la condamnation du dispositif jugé complexe que la loi de finances pour 2006 (loi n° 2005-1719 du 30 décembre 2005 N° Lexbase : L6429HET) avait tenté d'instaurer, la mesure proposée prendrait la forme d'un plafonnement en valeur absolue.
En conclusion, on remarquera que la mission a également orienté sa réflexion vers le concept d'impôt minimal, qui pourrait constituer, comme le précise Didier Migaud, son président, le "miroir" du bouclier fiscal.
L'apport de la nue-propriété d'un immeuble à une SCI permettant aux parents, donateur des parts de la société, de conserver un pouvoir de décision sur la gestion du bien, cette opération ne poursuit donc pas qu'une seule préoccupation fiscale.
1. La gestion du bien dans le cadre d'une SCI préserve les intérêts des apporteurs
La décision de la Cour était attendue. En effet, en vue de transmettre leur résidence principale à leur fils unique, des parents avaient apporté la nue-propriété à une société civile, avant de donner les parts à ce dernier. Saisie du litige, la cour d'appel de Bourges avait jugé que cette opération était la meilleure façon d'écarter les inconvénients d'une indivision successorale en cas de prédécès du donataire, à savoir la crainte de voir les héritiers du nu-propriétaire demander à mettre un terme à cette indivision (CA Bourges, 13 mai 2002, n° 01/00974, Direction des services fiscaux du Département du Cher c/ M. Guillaume Tabourdeau N° Lexbase : A5294DHK). Sur pourvoi de l'administration, la Haute juridiction avait censuré cette décision en relevant qu'aux termes de l'article 815-5 du Code civil (N° Lexbase : L9934HNA), le juge ne peut, à la demande du nu-propriétaire, ordonner la vente de la pleine propriété d'un bien grevé d'un usufruit contre la volonté de l'usufruitier (Cass. com., 16 novembre 2004, n° 02-17.147, F-D N° Lexbase : A9307DD3). Le motif relevé par la cour d'appel était donc impropre à écarter l'abus de droit. La Cour de cassation, après renvoi devant la cour d'appel de Riom, confirme l'absence d'abus de droit. En effet, l'opération, apport de la nue-propriété, puis donation des parts, est regardée comme ne poursuivant pas un seul but fiscal, celui de réduire l'assiette des droits de donation puisque la nue-propriété pouvait être évaluée sans être tenu par le barème de l'article 762 du CGI (N° Lexbase : L8123HLG), au motif qu'elle permettait aux parents donateurs de "conserver un véritable pouvoir de décision sur la gestion du bien transmis". Cette organisation laissait, notamment, aux parents la possibilité d'envisager plus facilement un changement de résidence que si la nue-propriété était détenue directement par leur fils ou, même, en cas de décès par leurs petits-enfants et leur bru. De surcroît, elle permettait de vaincre l'éventuel refus du nu-propriétaire d'assumer ses obligations légales, comme celles concernant les grosses réparations.
2. Une décision qui conforte un schéma de transmission fort utilisé
Cette décision apporte sa pierre à la justification par d'autres motifs que l'intérêt fiscal du recours à une SCI pour transmettre un patrimoine immobilier. Ainsi, outre la conservation d'un pouvoir de gestion, qui n'empêche pas de considérer que le donateur s'est définitivement dépouillé du bien, l'opération d'apport puis donation est déjà sécurisée lorsque la constitution de la société permet au donateur de maintenir la cohésion du patrimoine familial par la mutualisation des aléas locatifs et des différences de rendement pouvant apparaître entre les immeubles (Cass. com., 26 mars 2008, n° 06-21.944, FS-D N° Lexbase : A6041D7U, cf. Chronique de fiscalité du patrimoine, Lexbase Hebdo n° 302 du 24 avril 2008 - édition fiscale N° Lexbase : N7913BES). Le but poursuivi n'est pas uniquement fiscal lorsque le schéma permet de réaliser l'équilibre de la donation, puisqu'il aurait été compliqué de parvenir à cet objectif si la donation avait porté sur la nue-propriété de biens de nature différente, voire d'un bien unique (Cass. com., 3 octobre 2006, n° 04-14.272, F-D N° Lexbase : A7654DRW). Cependant, cette relative sécurité reste toujours menacée par l'absence de consistance. La société doit fonctionner et disposer de revenus. A défaut, le risque de fictivité réapparaît (Cass. com., 15 mai 2007, n° 06-14.262, F-P+B N° Lexbase : A7654DRW).
L'administration fait sienne l'analyse de la Cour de cassation qui avait décidé qu'une prestation compensatoire versée sous forme de rente, à la suite d'un divorce, ne devait pas être comprise dans l'assiette de l'impôt de solidarité sur la fortune. Cette doctrine mérite d'autant plus d'être relevée que la position de l'administration était, jusqu'à cette instruction récente, en sens inverse.
1. L'analyse de la Haute juridiction
S'appuyant sur l'analyse juridique de la prestation compensatoire, qui présente à la fois un caractère indemnitaire, lié à une responsabilité, et alimentaire, puisque son étendue est fixée par les besoins du créancier et les ressources du débiteur, la Cour décide qu'elle présente un caractère insaisissable (Cass. civ. 2, 27 juin 1985, n° 84-14.663, C. c/ Mme B. N° Lexbase : A4752AAA). Comme l'article 885 E du CGI (N° Lexbase : L8780HLR), qui précise que l'assiette de l'ISF est constituée par la valeur nette des biens droits et valeurs imposables appartenant à un contribuable, vise ainsi les biens ayant une valeur patrimoniale, la prestation compensatoire, insaisissable et incessible, du fait de son caractère alimentaire, ne peut entrer dans cette assiette (Cass. com., 19 avril 2005, n° 03-11.750, FS-P+B N° Lexbase : A9567DHS). Le sort de la prestation compensatoire se distingue de celui d'une rente constituée entre particuliers, comme par exemple, celle servie en rémunération de la vente d'un immeuble, qui, elle, étant cessible et saisissable, a une valeur patrimoniale (lire N° Lexbase : N4443AIE).
2. La position nouvelle de l'administration
Selon l'administration, les seules rentes exonérées étaient celles visées aux articles 885 J (N° Lexbase : L3801HWP) et 885 K (N° Lexbase : L8811HLW) du CGI, l'un concernant les rentes viagères constituées dans le cadre d'une activité professionnelle auprès d'organismes institutionnels, l'autre concernant les rentes et indemnités reçues en réparation de dommages corporels liés à un accident ou une maladie. L'administration considérait que la prestation compensatoire versée sous forme de rente, qui présentait le caractère d'une créance à terme dont l'échéance était mensuelle, constituait un droit patrimonial taxable et devait être prise en compte pour la détermination de l'assiette de l'impôt de solidarité sur la fortune (QE n° 66974, de C. Goasguen, réponse publiée au JOAN 24 décembre 2001, p. 7426 N° Lexbase : L9105H3M). En intégrant dans sa doctrine la décision rendue par la Cour en 2005, l'administration rapporte son analyse précédente (BOI 7 S-4-08, n° 1). De surcroît, l'instruction précise que l'impôt indûment acquitté sur les sommes déclarées à tort pourra faire l'objet d'une restitution dans la limite du délai de réclamation prévu à l'article R. 196-1, 1, b du LPF (N° Lexbase : L6486AEX). En pratique, cette réclamation concernera l'impôt acquitté au titre des années 2005 à 2007. Elle ne pourra viser, comme le précise l'instruction les années 2002 à 2004. En revanche, l'administration ne modifie pas sa doctrine autorisant le débiteur à déduire le montant de la prestation compensatoire de son actif taxable à l'ISF.
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