Réf. : Cass. soc., 28 mai 2008, n° 06-40.629, Société Verreries du Courval, F-D (N° Lexbase : A7813D8U)
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N2492BGE
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par Gwenaëlle Marie, Secrétaire générale de rédaction - Droit social
le 07 Octobre 2010
Résumé
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Commentaire
I La possible incidence de l'ancienneté et du fait unique sur la qualification de la faute grave
Il convient de rappeler que la faute grave résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise pendant la durée du préavis (3). La faute grave fait perdre au salarié l'indemnité de préavis et celle de licenciement (C. trav., art. L. 122-6 N° Lexbase : L5556ACR, art. L. 1234-1, recod. N° Lexbase : L9977HWG ; art. L. 122-8 N° Lexbase : L5558ACT, art. L. 1234-4 et s., recod. N° Lexbase : L9980HWK et art. L. 122-9 N° Lexbase : L5559ACU, art. L. 1234-9, recod. N° Lexbase : L9985HWQ).
En l'espèce, un salarié de la société Verreries du Courval qui l'employait en qualité d'emballeur au décor, a été licencié pour faute grave, le 13 novembre 2003, au motif que, malgré des consignes précises de sécurité qui lui avaient été personnellement données, il a circulé assis sur un chariot électrique de manutention dans une usine exploitant du verre, ce qui constituait un danger pour lui-même et les autres salariés.
La cour d'appel de Rouen, dans un arrêt prononcé le 13 décembre 2005, ne retient ni la faute grave du salarié, ni même que les faits sont susceptibles de justifier un licenciement pour cause réelle et sérieuse, car elle prend en compte deux éléments qui, classiquement, influencent la qualification de la faute grave, à savoir, d'une part, l'ancienneté du salarié et, d'autre part, le fait unique (4).
Il apparaît, dans de très nombreuses décisions, que l'ancienneté du salarié dans l'entreprise peut avoir comme conséquence d'atténuer la gravité de la faute (5). Ainsi, le refus d'exécuter les travaux d'entretien ne constitue pas une faute grave du salarié, dès lors que, âgé de 58 ans, il avait plus de 24 ans d'ancienneté sans jamais avoir fait l'objet de reproches (6). De même, ne commet pas une faute grave un salarié qui, comptant une ancienneté de 22 ans, refuse de porter un équipement de protection deux jours de suite, d'autant moins qu'il finit par se conformer aux directives de l'employeur (7). Dans le même sens, le refus par le salarié, qui a bénéficié pendant 21 ans d'un horaire réduit, de revenir à l'horaire initial, n'est pas de nature à rendre impossible son maintien dans l'entreprise pendant la durée du préavis et ne constitue pas une faute grave (8).
Le fait que le salarié commette une faute pour la première fois est, également, régulièrement pris en compte par la Haute juridiction. Ainsi, par exemple, elle a considéré que ne constitue pas une faute grave, la faible valeur des remises de prix que le salarié s'est irrégulièrement octroyées sur deux articles, car l'intéressé n'avait fait l'objet d'aucune sanction avant le licenciement (9). Un visiteur médical qui présente à son employeur une fausse facture en vue de se faire rembourser des frais de repas qu'il n'avait pas engagés dans l'intérêt du laboratoire et persiste dans ses dénégations lors de l'entretien préalable mettant, ainsi, en cause la probité des médecins contactés, ne commet pas, non plus, une faute grave, car le fait occasionnel reproché au salarié, qui n'avait jamais fait l'objet de reproches pour des faits similaires, et la modicité du préjudice causé au laboratoire ne caractérisent pas un comportement rendant impossible le maintien du salarié dans l'entreprise pendant la durée du préavis (10).
L'arrêt de la cour d'appel de Rouen est cassé par la Chambre sociale de la Cour de cassation qui affirme, au contraire, que le licenciement est fondé sur une faute grave pour manquement aux règles de sécurité.
II Le licenciement pour manquement aux règles de sécurité
Rendue, notamment, au visa de l'article L. 230-3 du Code du travail (art. L. 4122-1, recod.), issu de la loi du 31 décembre 1991 (N° Lexbase : L8301AIB), qui transpose dans notre législation la Directive 89/391 du 12 juin 1989, concernant la mise en oeuvre de mesures visant à promouvoir l'amélioration de la sécurité et de la santé des travailleurs au travail (N° Lexbase : L9900AU9), cette décision doit être approuvée.
En effet, selon l'article précité, conformément aux instructions qui lui sont données par l'employeur ou le chef d'établissement (et dans les conditions prévues par le règlement intérieur pour les entreprises qui y sont assujetties), il incombe à chaque travailleur de prendre soin, en fonction de sa formation et selon ses possibilités, de sa sécurité et de sa santé ainsi que de celles des autres personnes concernées du fait de ses actes ou de ses omissions au travail. Par conséquent, l'article L. 230-3 du Code du travail (art. L. 4122-1, recod.) contient, à la fois pour les salariés, une obligation de respecter les instructions de l'employeur, ce que, en l'espèce, le salarié avait enfreint, se moquant "des consignes précises de sécurité qui lui avaient été personnellement données" et une obligation de vigilance à l'égard de sa sécurité et de celle de ses collègues, ce que le salarié n'avait pas non plus pris en compte.
Une jurisprudence abondante et constante nous invite, d'ailleurs, à considérer que constitue une faute disciplinaire grave, tout manquement à une obligation d'hygiène (11) ou de sécurité. La Haute juridiction décide, par exemple, qu'un salarié qui s'endort sur son lieu de travail alors qu'il est gardien de nuit, compte tenu de la nature de son travail, viole les consignes de sécurité et commet, dans ce cas, une faute grave (12). De même, le chauffeur qui dépasse la vitesse autorisée ou ne respecte pas les temps de pauses obligatoires commet une faute disciplinaire (13). Plus récemment, la Cour a pu décider que le salarié qui refuse de présenter son sac ouvert et de décliner son identité, alors que la mesure est justifiée par des circonstances de sécurité commet une faute qui peut être sanctionnée (14) ou, encore, qu'un chef de chantier est tenu de porter son casque de sécurité obligatoire (15).
Ainsi, la décision commentée se situe dans le droit fil de la jurisprudence de la Cour suprême qui condamne la désobéissance du salarié en matière de sécurité.
Décision
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