La lettre juridique n°291 du 7 février 2008 : Rel. individuelles de travail

[Le point sur...] La rupture du contrat de travail pendant la période d'essai

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N8819BDY

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par Charlotte Figerou, Juriste en droit social

le 07 Octobre 2010

Très récemment, la durée de la période d'essai a donné lieu à de vifs débats chez les partenaires sociaux, qui ont finalement décidé, dans le fameux Accord national interprofessionnel (Ani) visant à moderniser le marché du travail, de la prolonger (sur ce point, lire les obs. de Sébasien Tournaux, Commentaire des articles 4, 5 et 6 de l'accord sur la modernisation du marché du travail : période d'essai, accès à certains droits et développement des compétences des salariés, Lexbase Hebdo n° 289 du 24 janvier 2008 - édition sociale N° Lexbase : N8239BDI). Rappelons, pour mémoire, qu'aux termes de cet Ani, qui a vocation, très prochainement, à être transformé en projet de loi, la nouvelle période d'essai "interprofessionnelle" sera comprise, pour les ouvriers et les employés, entre 1 et 2 mois maximum ; pour les agents de maîtrise et les techniciens, entre 2 et 3 mois maximum ; et, enfin, pour les cadres, entre 3 et 4 mois maximum. A noter, également, que l'Ani permet à un accord de branche de renouveler une fois cette durée, sans que l'essai ne puisse respectivement dépasser 4, 6 et 8 mois. Or, comme tout un chacun le sait, la période d'essai permet aux parties à la relation de travail de jauger leur capacité à travailler ensemble : d'une part, l'employeur peut apprécier la valeur professionnelle du salarié et, d'autre part, le salarié peut vérifier qu'il est bien fait pour l'entreprise et l'employeur. Les parties sont donc, en principe, libres, pendant ce laps de temps, de mettre fin à la relation de travail, sans avoir à justifier d'un motif et sans indemnité ni préavis. Pourtant, derrière cette simplicité apparente, on retrouve tout un ensemble de règles, posées au fil des années par la Cour de cassation, qui limite grandement la liberté de l'employeur de rompre la période d'essai. A l'heure où la durée de la période d'essai est en passe d'être allongée, la prudence reste donc de mise... 1. La notion d'essai

Avant toute chose, il convient de bien comprendre ce qu'est une période d'essai et, notamment, de ne pas la confondre avec la période probatoire, qui est une notion très proche de l'essai. Une période probatoire peut, en effet, se substituer à une période d'essai. Contrairement à la période d'essai qui intervient nécessairement au début de la relation de travail, la période probatoire est instituée en présence de deux contrats de travail successifs conclus entre les mêmes parties, ou en présence d'un avenant au premier contrat. Ainsi, en présence de deux contrats de travail successifs entre les mêmes parties, la période d'essai stipulée dans le second contrat conclu à l'occasion d'un changement de fonction du salarié ne peut être qu'une période probatoire, ainsi que l'a rappelé la Cour suprême dans un arrêt rendu en 2005 (Cass. soc., 30 mars 2005, n° 02-46.338, Société Cabinet de recouvrement Vosges Meurthe-et-Moselle (RVM) c/ M. Claude Denisot, FS-P+B+R+I N° Lexbase : A4305DHW ; lire les obs. de N. Mingant, Définition et régime juridique de la période probatoire, Lexbase Hebdo n° 163 du 14 avril 2005 - édition sociale N° Lexbase : N3108AIX). Alors que la rupture de la période d'essai met définitivement fin à la relation de travail, la rupture de la période probatoire a, seulement, pour effet de replacer le salarié dans ses fonctions antérieures.

Outre la confusion classique entre l'essai et la période probatoire, il convient, également, de bien distinguer l'essai du test professionnel. Alors que la période d'essai se situe au commencement de l'exécution du contrat de travail, lors d'un test professionnel, le contrat de travail n'est pas encore formé. De plus, la période d'essai est rémunérée, mais ce n'est pas nécessairement le cas du test professionnel d'embauche. Enfin, le salarié est placé dans des conditions normales d'emploi lors de la période d'essai, contrairement à l'hypothèse du test professionnel.

2. La liberté réduite des parties de rompre la période d'essai

Malgré le principe selon lequel la période d'essai peut être librement rompue sans motif, préavis, ni indemnité, force est de constater, à la lecture des arrêts de la Cour de cassation, que cette liberté se réduit comme peau de chagrin. Plusieurs catégories de salariés font l'objet d'une protection particulière, y compris pendant la période d'essai. Quant aux autres, ils sont toujours à même d'invoquer un abus de droit ou une rupture discriminatoire, par essence interdits.

  • L'abus de droit

Si les parties sont, en principe, libres de rompre le contrat de travail pendant la période d'essai, la jurisprudence a, toutefois, appliqué la théorie de l'abus de droit pour sanctionner les comportements les plus déloyaux (par ex., Cass. soc., 9 octobre 1996, n° 93-45.668, Société Sopromo c/ M. Jardin N° Lexbase : A2096AAU). Au fil des arrêts, la Cour de cassation a affiné la notion d'abus de droit de rompre l'essai. En pratique, il est assez rare que des salariés soient condamnés (toutefois, voir Cass. soc., 9 mai 1979, n° 78-40.704, Bellanger c/ Société Comex N° Lexbase : A3439AGH). Ainsi, seront sanctionnées les ruptures de l'essai causées par une intention malicieuse ou une faute délictuelle de l'employeur, qu'il s'agisse de violences (Cass. soc., 28 avril 1994, n° 90-45.472, M. Goblet c/ M. Creveau, publié N° Lexbase : A0457ABK ; Dr. soc. 1994, p. 798, apprenti maltraité par son maître d'apprentissage), ou de manquements caractérisés aux plus élémentaires règles du savoir-vivre (CA Paris, 24 février 1994, RJS 1994, n° 1082, 15 000 francs [environ 2 286 euros] de dommages et intérêts).

Sera, en outre, qualifiée d'abusive :

- la rupture précipitée n'ayant pas permis au salarié de faire ses preuves (Cass. soc., 2 février 1994, n° 90-43.836, SA Craeye c/ Foucault N° Lexbase : A1764AAL) ;

- la rupture qui a pour origine une lettre du salarié qui demande des informations supplémentaires concernant le contrat de travail, ou qui émet des critiques (Cass. soc., 7 janvier 1988, n° 85-41.822, Groupement d'intérêt économique pour la direction, l'administration c/ M. Legros N° Lexbase : A6745AA3 ; Cass. soc., 20 avril 1989, n° 86-42.652, Académie des hôtesses c/ Mlle Sanchez N° Lexbase : A8758AAM) ;

- la rupture reposant sur des motifs connus de l'employeur avant le début de la période d'essai (Cass. soc., 6 décembre 1995, n° 92-41.398, Mme Roche c/ Société Educational Business Services N° Lexbase : A1066AB4) ;

- la rupture de l'essai intervenant alors que l'employeur a réembauché dans les mêmes fonctions un salarié ayant travaillé 15 ans dans l'entreprise après l'avoir licencié pour motif économique (Cass. soc., 9 octobre 1996, n° 93-45.668, Société Sopromo c/ M. Jardin N° Lexbase : A2096AAU) ;

- la rupture lorsque la période d'essai avait pour véritable objet, non pas de tester les aptitudes du salarié, mais d'assurer le remplacement d'un salarié, ou de limiter le contrat à la durée de l'essai, dès l'origine (Cass. soc., 5 octobre 1993, n° 90-43.780, Office public d'aménagements et de constructions du Pas-de-Calais c/ M. Sadoun N° Lexbase : A1110AAD).

En revanche, le fait que la rupture soit intervenue rapidement ne permet pas de caractériser l'abus, dès lors que la présence du salarié durant une semaine pouvait permettre d'estimer, notamment, son incapacité à s'adapter aux exigences de l'entreprise (CA Paris, 22ème ch., sect. C, 11 janvier 2007, n° 05/04694, M. Olivier Fourdrinoy c/ SA Cadic N° Lexbase : A1581DU4).

Par ailleurs, récemment, un arrêt de la Cour suprême a décidé que la période d'essai étant destinée à permettre à l'employeur d'apprécier la valeur professionnelle du salarié, est abusive la résiliation du contrat de travail intervenue au cours de la période d'essai pour un motif non inhérent à la personne du salarié (Cass. soc., 20 novembre 2007, n° 06-41.212, FP-P+B+R N° Lexbase : A7171DZM ; lire les obs. de Ch. Radé, Rupture du contrat de travail en période d'essai : l'étau se resserre, Lexbase Hebdo n° 283 du 29 novembre 2007 - édition sociale N° Lexbase : N2219BDK). Cette prise de position témoigne de la tendance de la Cour de cassation à limiter la liberté de l'employeur de rompre l'essai, ce que certains auteurs contestent (voir, par exemple, la position de Ch. Radé). A contrario, la solution retenue par la Haute juridiction signifie, également, que l'essai pourrait valablement être rompu pour tout motif inhérent à la personne du salarié. Ainsi, seraient visés les motifs disciplinaires et l'insuffisance professionnelle.

  • La rupture de l'essai reposant sur un motif discriminatoire

Depuis un arrêt du 16 février 2005, la Cour de cassation prohibe toute rupture de l'essai qui reposerait sur un motif discriminatoire (Cass. soc., 16 février 2005, n° 02-43.402, FS-P+B N° Lexbase : A7344DG4 ; et les obs. de G. Auzero, La rupture du contrat de travail pendant la période d'essai ne peut être fondée sur un motif discriminatoire !, Lexbase Hebdo n° 157 du 3 mars 2005 - édition sociale N° Lexbase : N4803ABI). Est nulle la rupture du contrat de travail pendant la période d'essai pour un motif discriminatoire lié à l'état de santé du salarié, en violation de l'article L. 122-45 du Code du travail (N° Lexbase : L3114HI8). Ainsi, si la rupture décidée par l'employeur pendant la période d'essai n'est pas assujettie aux règles du licenciement, en application de l'article L. 122-4 du Code du travail (N° Lexbase : L5554ACP), elle ne saurait, pour autant, échapper aux prescriptions de l'article L. 122-45 du même code.

En cas de litige, le salarié concerné doit présenter des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte. Il appartient, alors, à l'employeur de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination. Or, pour reprendre les arguments développés par le Professeur Auzero, "pour être logique, l'application de ces dispositions va, cependant, entraîner une conséquence relativement curieuse, puisque l'employeur sera tenu de justifier la rupture de l'essai alors que, précisément et ainsi qu'il a été vu, celle-ci n'a en principe pas à être motivée. Il conviendra, à tout le moins, que les juges se montrent relativement exigeants quant à l'établissement par le salarié des éléments laissant supposer l'existence d'une discrimination, sous peine d'enlever une grande partie de son intérêt et de sa raison d'être à la période d'essai".

Rappelons, pour conclure, que la sanction prévue par l'article L. 122-45 étant la nullité, en l'occurrence, sera nulle la rupture de la période d'essai prononcée pour un motif discriminatoire. En toute logique, le salarié doit pouvoir demander sa réintégration dans l'entreprise ou bien des dommages-intérêts réparant le préjudice subi.

  • L'accident du travail ou la maladie professionnelle

Le législateur protège plus spécifiquement certains salariés d'une rupture de leur contrat de travail pendant la période d'essai. Sont visés par cette protection exorbitante les victimes d'accidents du travail et de maladies professionnelles. Ainsi, il est prévu qu'en dehors de l'hypothèse d'une faute grave ou d'une impossibilité de maintenir le contrat de travail, la rupture au cours de la période d'essai, pendant la période de suspension résultant d'un accident du travail, est nulle (Cass. soc., 5 juin 1990, n° 85-44.522, M. Subra c/ Société Saint-Jeannet Lasserre N° Lexbase : A4213ACZ). La Cour de cassation a, ainsi, retenu que la résiliation du contrat de travail pendant la période de suspension provoquée par un accident du travail est nulle, même si elle intervient pendant la période d'essai, et l'impossibilité de maintenir le contrat pendant cette même période ne peut résulter que de circonstances indépendantes du comportement du salarié (Cass. soc., 12 mai 2004, n° 02-44.325, F-P+B N° Lexbase : A1687DCH). Cette solution est, selon le Professeur Radé, parfaitement justifiée. En effet, l'exclusion des règles du licenciement constitue une exception qui doit logiquement être interprétée restrictivement. Dans ces conditions, l'inapplication des statuts particuliers doit être cantonnée, autant que faire se peut, ce que fait la Cour de cassation.

  • L'état de grossesse

S'agissant de la rupture de la période d'essai d'une salariée en état de grossesse, un arrêt rendu en 2006 a confirmé la position classique de la Cour de cassation, position selon laquelle les règles protectrices pendant la période d'essai demeurent inapplicables à la salariée enceinte (Cass. soc., 21 décembre 2006, n° 05-44.806, FP-P+B+R+I N° Lexbase : A3625DTG ; lire les obs. de C. Radé, Maternité et période d'essai, Lexbase Hebdo n° 244 du 18 janvier 2007 - édition sociale N° Lexbase : N7497A9K). Ainsi, pour reprendre les termes employés par la Haute juridiction, "les dispositions de l'article L. 122-25-2 du Code du travail (N° Lexbase : L5495ACI) relatives à l'annulation du licenciement d'une salariée en état de grossesse en cas de connaissance postérieure par l'employeur de cet état ne sont pas applicables à la rupture en période d'essai".

Dans cette affaire, l'employeur avait notifié à la salariée la rupture de son contrat de travail en période d'essai. Cette dernière lui avait, alors, adressé un certificat médical l'informant de sa grossesse, dans les conditions déterminées par l'article L. 122-25-2, alinéa 2, du Code du travail. La cour d'appel avait considéré le licenciement comme nul, après avoir affirmé que les dispositions de l'article L. 122-30 du même code (N° Lexbase : L3138HI3) étaient, ici, applicables pendant la période d'essai. Tel n'est pas l'avis de la Cour de cassation. Cette solution est, ainsi que l'énonce le Professeur Radé, parfaitement justifiée sur un plan juridique. En effet, le législateur a bien distingué la résiliation du contrat de travail en période d'essai (C. trav., art. L. 122-25 N° Lexbase : L5491ACD), du licenciement (C. trav., art. L. 122-25-2) et a bien pris soin de viser le "licenciement" lorsqu'il envisage la nullité de la mesure. Mais, sur un plan plus général, on peut regretter une telle solution, qui "détonne" au regard des multiples restrictions aujourd'hui apportées à la liberté de rompre l'essai.

Cela étant, la salariée enceinte n'est pas, pour autant, totalement démunie, puisqu'elle pourra toujours avoir recours à l'article L. 122-45 du Code du travail, dont on sait qu'il interdit toute forme de discrimination, y compris pendant la période d'essai (Cass. soc., 16 février 2005, n° 02-43.402, FS-P+B N° Lexbase : A7344DG4). La salariée est, en effet, toujours à même de bénéficier des dispositions de l'article L. 122-45, alinéa 4, qui favorise la preuve des discriminations, à condition de rapporter l'existence d'éléments laissant supposer pareille discrimination, notamment que son employeur avait eu connaissance de sa grossesse avant que celle-ci ne lui fasse parvenir officiellement le certificat médical.

  • Le salarié malade

Le doute est permis s'agissant de la maladie d'origine non professionnelle. Dans son arrêt du 20 novembre 2007 (Cass. soc., 20 novembre 2007, n° 06-41.212, FP-P+B+R, préc.), où elle décide qu'est abusive la résiliation du contrat de travail intervenue au cours de la période d'essai pour un motif non inhérent à la personne du salarié, la Cour suprême a suggéré, a contrario, que l'essai pourrait valablement être rompu pour tout motif inhérent à la personne du salarié.

Or, ainsi que le souligne le Professeur Radé, il semblerait que la maladie d'origine non professionnelle ne soit pas inhérente à la personne du salarié, puisque, par hypothèse, ce sont les contraintes de la gestion du personnel qui conduiraient l'employeur à rompre l'essai (désorganisation de l'entreprise conduisant au remplacement définitif du salarié).

  • Le représentant du personnel

Deux arrêts du 26 octobre 2005 ont tranché en faveur de l'application de la protection exorbitante des représentants du personnel dès la période d'essai (Cass. soc., 26 octobre 2005, n° 03-44.751, FP-P+B+R+I N° Lexbase : A1388DLY ; Cass. soc., 26 octobre 2005, n° 03-44.585, FP-P+B+R+I N° Lexbase : A1387DLX ; lire les obs. de Ch. Radé, La rupture du contrat de travail du salarié protégé pendant la période d'essai soumise à l'autorisation préalable de l'inspection du travail, Lexbase Hebdo n° 188 du 3 novembre 2005 - édition sociale N° Lexbase : N0314AKT).

De facto, cette situation concerne peu de salariés protégés car il est rare que des salariés occupent des fonctions de représentant du personnel dès le début des relations de travail. Cela étant, une telle situation peut concerner les conseillers du salarié ou les conseillers prud'homaux qui ont débuté leurs mandats avant leur date d'embauche.

Dans ces deux arrêts de principe, qui s'inscrivent dans la ligne droite de la jurisprudence "Perrier" (Cass. mixte, 21 juin 1974, n° 71-91.225, Castagne, Clavel, Daumas, Delon, Dame Grasset, Martinez, Dame Maurin c/ Epry, publié N° Lexbase : A6851AGT), la Cour de cassation énonce que la rupture de la période d'essai de salariés bénéficiant d'une protection est nulle à défaut d'autorisation. Cette solution soulève un certain nombre d'interrogations, s'agissant des mandats extérieurs à l'entreprise et dont celle-ci n'a pas forcément connaissance, malgré leur publication. En effet, l'employeur n'a pas, en pratique, connaissance du mandat d'élu prud'homal du salarié qu'il vient de recruter. Même si ces mandats sont publiés, rien n'impose à l'employeur de s'informer. On se trouve donc ici sur un terrain délicat et les questions posées n'ont pas toutes, à ce jour, une solution.

3. Les formalités de rupture de la période d'essai

En principe, la rupture de la période d'essai n'est soumise à aucune formalité. Cela signifie donc que la rupture ne doit pas nécessairement faire l'objet d'une lettre recommandée avec avis de réception, à l'instar du licenciement, une telle lettre ne pouvant constituer qu'un moyen de preuve (Cass. soc., 22 juin 1988, n° 85-46.123, Mlle Rabusseau c/ Agereso N° Lexbase : A1830ABE). La rupture de l'essai peut valablement être verbale (Cass. soc., 25 mai 1989, n° 85-43.903, Société Doumerc pneus c/ M. Joly N° Lexbase : A3884AGX). Une limite doit, cependant, être posée : la décision de mettre fin à l'essai ne peut pas revêtir la forme d'une déclaration orale en présence du personnel de l'entreprise (Cass. soc., 7 février 2001, n° 99-42.041, Société Diese informatique c/ Mme Stéphanie Loquet N° Lexbase : A5563AG7).

En pratique, la notification de la rupture intervient fréquemment par lettre recommandée. La jurisprudence a dû prendre position sur la date de la rupture notifiée par lettre recommandée. En effet, l'employeur étant en droit de s'affranchir du respect des règles relatives au licenciement en rompant le contrat de travail pendant la période d'essai, la question de la date de la rupture prend, alors, une importance toute particulière, dès lors que toute rupture survenant postérieurement à l'échéance de la période d'essai s'analysera en un licenciement.

Jusqu'à une décision rendue en 2005 (Cass. soc., 11 mai 2005, n° 03-40.650, F-P+B+R+I N° Lexbase : A2303DI7 ; lire les obs. de G. Auzero, Revirement quant à la date de la rupture du contrat de travail en période d'essai, Lexbase Hebdo n° 169 du 26 mai 2005 - édition sociale N° Lexbase : N4538AIW), la Cour de cassation considérait, avec constance, que la volonté de rupture de l'employeur ne pouvait produire effet qu'à partir du moment où elle avait été portée à la connaissance du salarié.

Or, depuis ce revirement de jurisprudence, la solution retenue est tout autre puisque, désormais, la rupture d'un contrat de travail se situe à la date où l'employeur a manifesté sa volonté d'y mettre fin, c'est-à-dire au jour de l'envoi de la lettre recommandée avec demande d'avis de réception notifiant la rupture.

4. La rupture pour un motif disciplinaire

S'il invoque un motif disciplinaire, ce qui est tout à fait envisageable, l'employeur doit, alors, respecter la procédure disciplinaire, ainsi que l'a décidé la Cour suprême dans une espèce rendue en 2004 (Cass. soc., 10 mars 2004, n° 01-44.750, FS-P+B N° Lexbase : A4834DBN ; lire les obs. de C. Alour, L'application de la procédure disciplinaire pendant la période d'essai, Lexbase Hebdo n° 113 du 25 mars 2004 - édition sociale N° Lexbase : N0975ABQ).

Concrètement, cela signifie que l'employeur doit convoquer le salarié à un entretien préalable, conformément aux exigences de l'article L. 122-41 du Code du travail (N° Lexbase : L5579ACM), aux termes duquel "lorsque l'employeur envisage de prendre une sanction, il doit convoquer le salarié en lui indiquant l'objet de la convocation, sauf si la sanction envisagée est un avertissement ou une sanction de même nature qui n'a pas d'incidence, immédiate ou non, sur la présence dans l'entreprise, la fonction, la carrière ou la rémunération du salarié".

Au final, le plus simple pour l'employeur est de taire le motif de rupture de l'essai. En effet, dès lors qu'il avance la raison de la fin de l'essai, il se trouve contraint de respecter certaines obligations.

5. Les effets de la rupture de la période d'essai

Lorsque le contrat de travail est rompu pendant la période d'essai, le salarié n'a, en principe et sauf exceptions, pas droit à un préavis, ni à des indemnités de rupture (N° Lexbase : L5554ACP). En outre, la rupture au cours de la période d'essai n'ouvre pas droit à prise en charge au titre de l'assurance groupe (Cass. civ. 2, 26 octobre 2006, n° 05-19.009, FS-P+B N° Lexbase : A0417DSA ; Cass. civ. 2, 26 octobre 2006, n° 05-13.637, FS-P+B N° Lexbase : A0336DSA ; lire les obs. Ch. Willmann, Assurance groupe : conditions de l'exclusion d'une garantie perte d'emploi, Lexbase Hebdo n° 236 du 15 novembre 2006 - édition sociale N° Lexbase : N4878ALA).

Le cas échéant, la convention ou le contrat de travail peut prévoir le respect d'un délai de préavis, y compris pendant la période d'essai. Si un tel délai de préavis est prévu à la fois par le contrat de travail et la convention collective, rappelons que le contrat individuel de travail ne peut comporter de clause moins favorable aux salariés que les dispositions de la convention collective applicable. En outre, l'employeur qui ne respecterait pas ce préavis s'expose à devoir verser des dommages-intérêts au salarié (Cass. soc., 15 mars 1995, n° 91-43.642, Caisse régionale de Crédit agricole mutuel de Saône-et-Loire c/ Mme Genin N° Lexbase : A0911ABD).

Par ailleurs, s'il s'avère que la rupture de l'essai est abusive, le salarié pourra, alors, prétendre au paiement de dommages-intérêts (Cass. soc., 23 avril 1997, n° 90-45.757, M. Moczadlo c/ Mlle Lorne N° Lexbase : A1454ACT). Il a, également, été jugé que le salarié, dont le contrat a été rompu au cours de la période d'essai, peut réclamer des indemnités au titre du préjudice subi qui peut résulter d'une exigence exorbitante de la société qui a demandé au salarié de déménager (Cass. soc., 9 mars 1988, n° 85-43.900, SA Avo-France c/ Faudot N° Lexbase : A1736AGE). Les dommages-intérêts qui sont alloués au salarié pour le préjudice causé par la rupture du contrat au cours de la période d'essai doivent être garantis par l'AGS (Cass. soc., 24 octobre 2000, n° 98-41.225, M. Rémy Bouvier c/ M. Pellegrini et autres N° Lexbase : A9396AT8).

En outre, si le contrat comporte une clause de non-concurrence, celle-ci devra s'appliquer, quand bien même la rupture se produirait pendant l'essai (par ex., Cass. soc., 22 juin 1994, n° 91-41.773, Société à responsabilité limitée Gaillard et Girard ingénierie c/ M Philippe Alison N° Lexbase : A2321AG3). Le salarié devra donc, en toute logique, percevoir le paiement de la contrepartie financière (CA Paris, 22ème ch., sect. C, 16 décembre 2004, n° 03/36208, SA Amonit c/ M. Christian Fabre N° Lexbase : A9357DEB).

Précisons, pour conclure sur ce point, que la démission du salarié intervenue en cours de période d'essai ne prive pas l'employeur de son droit au dédit-formation (Cass. soc., 5 juin 2002, n° 00-44.327, F-P N° Lexbase : A8603AYB).

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