La lettre juridique n°285 du 13 décembre 2007 : Taxe sur la valeur ajoutée (TVA)

[Jurisprudence] La "Princesse", les ventes à consommer sur place, la TVA et l'établissement stable

Réf. : CAA Lyon, 12 juillet 2007, n° 04LY01394 et n° 04LY01544, Société Princesse de Provence CMBH and CO KG (N° Lexbase : A6179DYI)

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par Guy Quillévéré, commissaire du gouvernement près le tribunal administratif de Nantes

le 07 Octobre 2010

Par une décision du 12 juillet 2007 (CAA Lyon, 12 juillet 2007, n° 04LY01394 et n° 04LY01544, Société Princesse de Provence CMBH and CO KG, conclusions M. Pourny), la cour administrative d'appel de Lyon a jugé que des ventes à consommer sur place relevant du c du 4 de l'article 259 A du CGI (N° Lexbase : L5202HLA) sont des prestations de services supposant, pour être exécutées matériellement, l'existence d'un établissement stable de la société étrangère en France, les dispositions de l'article 259 A 4°) n'étant pas contraire aux dispositions de l'article 9 paragraphe I de la 6ème Directive-TVA (Directive 77/388/CEE du Conseil du 17 mai 1977 N° Lexbase : L9279AU9) et à la jurisprudence de la Cour de justice des Communautés européennes. Les faits sommairement résumés de l'espèce étaient les suivants : la société Princesse de Provence est une société de droit allemand qui commercialise, directement ou par l'intermédiaire d'agences de voyages, des croisières fluviales qu'elle organise sur le Rhône et la Saône, à destination d'une clientèle principalement allemande. Elle a fait l'objet de deux vérifications de comptabilité, à la suite desquelles elle a été déclarée redevable de rappels de TVA.

L'importance de l'arrêt réside dans la lecture qui est faite par la cour administrative d'appel de Lyon des dispositions de l'article 259 A 4°) s'agissant de ventes à consommer sur place, au regard des dispositions de l'article 9 paragraphe I de la 6ème Directive-TVA. L'article 259 A 4°) dispose, en effet, que par dérogation aux dispositions de l'article 259 du CGI (N° Lexbase : L5197HL3), "le lieu des prestations suivantes est réputé se situer en France [...] 4°) les prestations ci-après lorsqu'elles sont matériellement exécutées en France : [...] ventes à consommer sur place". Mais la cour juge que l'exécution matérielle suppose "concrètement l'existence d'un établissement stable de la société étrangère en France". La vente à consommer sur place est une prestation de service, et aux termes des dispositions de l'article 9 paragraphe 1 de la 6ème Directive-TVA : "le lieu d'une prestation de service est réputé se situer à l'endroit où le prestataire a établi le siège de son activité économique ou un établissement stable à partir duquel la prestation est rendue ou, à défaut d'un tel siège ou d'un tel établissement stable, au lieu de son domicile ou de sa résidence habituelle".

Cet arrêt précise les conditions de la localisation en France de prestations réputées s'y situer. Cette localisation suppose la possibilité d'une exécution matérielle et a, donc, pour conséquence que, alors même qu'une prestation est réputée imposable en France, si le prestataire n'y est pas établi, c'est le preneur qui est redevable de la TVA. La décision restreint, en interprétant la notion d'exécution matérielle, le champ de la dérogation aux dispositions de l'article 259 du CGI posée par l'article 259 A 4 c du même code. L'originalité de l'arrêt résidant, alors, dans l'appréciation des règles de taxation aux opérations de restauration sur des moyens de transport qui circulent entre des Etats membres ayant des réglementations nationales divergentes en ce qui concerne le lieu de l'opération imposable. La cour administrative d'appel de Lyon retient partiellement la solution de la CJCE du 2 mai 1996 (CJCE, 2 mai 1996, aff. C-231/94, Faaborg-Gelting Linien A/S c/ Finanzamt Flensburg N° Lexbase : A9401AUQ : RJF 10/96 n° 1256, Rec. I-2395), mais contrairement à la CJCE, la cour juge que, s'agissant d'un bateau de croisière fluviale naviguant dans les eaux françaises, il est plus rationnel, sur le plan fiscal, de rattacher les prestations effectuées à bord à l'établissement stable que constitue le navire plutôt qu'au siège. La CJCE avait affirmé, dans l'affaire "Linien", que le rattachement d'une prestation de service à un établissement autre que le siège "n'entre en ligne de compte que si cet établissement présente une consistance minimale, par la réunion permanente des moyens humains et techniques nécessaires à des prestations de services déterminées", mais concluait que ce n'était pas le cas pour des opérations de restauration sur un navire, surtout lorsque le siège permanent de l'exploitant du navire fournit un point de rattachement utile en vue de l'imposition.

1. L'exécution matérielle d'une vente à consommer sur place suppose concrètement l'existence d'un établissement stable au sens de l'article 9 de la 6ème Directive-TVA

L'article 259 A-4° c du CGI dispose qu'une vente à consommer sur place est réputée se situer en France, lorsque ces prestations sont matériellement exécutées en France. La cour administrative d'appel de Lyon juge, alors, que cette exécution matérielle requiert l'existence d'un établissement stable. Les dispositions de l'article 259 du CGI auxquelles dérogent les dispositions de l'article 259 A-4° c du même Code sont la transposition des dispositions de l'article 9 paragraphe 1 de la 6ème Directive-TVA du 17 mai 1977. Or, les dispositions de l'article 9 de la 6ème Directive, qui se borne à définir le siège de l'activité du prestataire de service comme un point de rattachement prioritaire, n'excluent pas le rattachement à un autre établissement lorsque le choix du siège ne conduit pas à une solution rationnelle du point de vue fiscal ou créé un conflit avec un autre Etat membre.

1.1. Une vente à consommer sur place est une prestation de service (CJCE, 2 mai 1996, aff. C-231/94, FG-Linien).

La décision de la cour administrative d'appel de Lyon est, non seulement compatible avec les dispositions de l'article 9 de la 6ème-Directive, mais n'est pas contraire à la jurisprudence communautaire. Elle reprend la qualification de la vente à consommer sur place retenue par la CJCE le 2 mai 1996 (CJCE, aff. C-231/94, FG-Linien, précité). La Cour avait, alors, jugé que les opérations de restauration sont des prestations de services, au sens de l'article 6 § 1 de la 6ème Directive-TVA. La cour administrative d'appel de Lyon regarde, donc, indirectement les dispositions de l'article 259 A 4° du CGI comme compatibles avec l'article 6 §1 de 6ème Directive-TVA.

La qualification à donner aux ventes à consommer sur place n'était pas nécessairement évidente. Dans sa décision "Linien", la CJCE s'était interrogée sur le point de savoir si les opérations de restauration constituent des livraisons de biens au sens de l'article 5 de la 6ème Directive, réputées avoir lieu à l'endroit où le bien se trouve au moment de la livraison, selon l'article 8 § 1 b), ou si elles constituent des prestations de services au sens de l'article 6 § 1, réputées avoir lieu à l'endroit où le prestataire a établi le siège de son activité, conformément à l'article 9 § 1, de la même Directive. Il avait été jugé par la CJCE que les opérations de restauration sont à considérer comme des prestations de services, au sens de l'article 6 § 1 de la 6ème Directive-TVA. Elles sont réputées avoir lieu à l'endroit où le prestataire a établi le siège de son activité économique, conformément à l'article 9 § 1 de la même Directive.

Appliquant la technique du faisceau d'indice, qui est aussi celle que retient le Conseil d'Etat, la cour soulignait la nécessité de prendre en considération toutes les circonstances dans lesquelles se déroule l'opération en question pour en rechercher les éléments caractéristiques. La cour administrative d'appel de Lyon, dans les motifs de l'arrêt, est d'un laconisme prudent sur la manière de réaliser la prestation mais affirme que la préparation des repas jusqu'au service à bord est exécutée sur le territoire français. La CJCE, dans la décision "Linien", avait précisé que la fourniture de mets préparés et de boissons prêts à la consommation immédiate est le résultat d'une série de services allant de la cuisson des mets jusqu'à leur délivrance matérielle sur un support et qu'elle s'accompagne de la mise à la disposition du client d'une infrastructure comportant aussi bien une salle de restauration avec dépendances (garde-robes, etc.) que le mobilier et la vaisselle. La cour administrative d'appel se montre, certes, plus laconique, mais procède de la même façon que le juge communautaire à une analyse des circonstances concrètes dans lesquelles se déroule l'opération.

Il apparaît, ainsi, que l'opération de restauration est caractérisée par un faisceau d'éléments et d'actes dont la livraison de nourriture n'est qu'une composante et au sein duquel les services prédominent largement. Elle doit, par conséquent, être considérée comme une prestation de services au sens de l'article 6 § 1 de la 6ème Directive-TVA. Il en va, en revanche, différemment lorsque l'opération porte sur les aliments "à emporter" et qu'elle ne s'accompagne pas de services destinés à agrémenter la consommation sur place dans un cadre adéquat. La décision de la cour administrative d'appel de Lyon ne devrait donc pas concerner les ventes à emporter mais seulement celles à consommer sur place.

Dès lors qu'il est établi que l'opération de restauration effectuée à bord du navire de croisière constitue une prestation de services, il y a lieu de déterminer sa localisation c'est-à-dire l'endroit où elle est réputée avoir été exécutée.

1.2. Une vente à consommer sur place, pour être matériellement exécutée, suppose un établissement stable

Les dispositions de l'article 259 A 4°) dérogent à celles de l'article 259 du CGI. La décision de la cour administrative d'appel de Lyon restreint cette dérogation, la présomption de localisation en France supposant, lorsque l'exécution matérielle de la prestation de service l'impose, un établissement stable. Nous sommes donc renvoyés, d'une certaine façon, sur le terrain de l'article 259 du CGI. L'article 259 prévoit que "les prestations de services sont imposables en France lorsque le prestataire a en France le siège de son activité ou un établissement stable". En l'espèce, le siège de la société n'est pas en France. L'article 259 A 4°) se réfère implicitement à la notion d'établissement stable en tant que l'exécution matérielle d'une vente à consommer sur place suppose un établissement stable de la société étrangère en France. Les dispositions de l'article 259 du CGI résultent de la transposition de celles de l'article 9 de la 6ème Directive-TVA, il se pourrait donc que les dispositions de l'article 259 A 4° qui y dérogent soient incompatibles avec celles de l'article 9. La cour administrative d'appel de Lyon répond négativement en analysant la compatibilité des dispositions de l'article 259 A 4°) du CGI avec l'article 9 de la 6ème Directive-TVA.

Il convient, donc, et s'agissant d'un bateau de croisière fluviale d'apprécier l'existence d'un établissement stable.

Le rattachement d'une prestation de services à un établissement autre que le siège n'entre en ligne de compte que si cet établissement présente, un degré suffisant de permanence et une structure apte, du point de vue de l'équipement humain et technique, à rendre possibles, de manière autonome, les prestations de services considérées (CJCE, 17 juillet 1997 aff. C-190/95, Aro Lease BV N° Lexbase : A9909AUK : RJF 10/97, n° 999 ; Recueil 1997-I p. 4383 ; CJCE, 7 mai 1998, aff. C-390/96, 5ème ch., Lease Plan Luxembourg SA N° Lexbase : A0444AWD). La notion d'établissement stable figurant au paragraphe 1 de l'article 9 de la 6ème Directive-TVA doit être interprétée en ce sens qu'une entreprise établie dans un Etat membre qui donne en location ou en leasing un certain nombre de véhicules à des clients qui sont établis dans un autre Etat membre, ne dispose pas, du fait même de cette mise en location, d'un établissement stable dans l'autre Etat membre (CJCE, 7 mai 1998, aff. C-390/96, 5ème ch., Lease Plan Luxembourg SA, précité : RJF 7/98 n° 892).

S'inspirant de la définition donnée par la CJCE, le Conseil d'Etat a défini l'établissement stable comme suit : un établissement stable est caractérisé par la disposition personnelle et permanente d'une installation comportant les moyens humains et techniques nécessaires à l'activité de l'assujetti (CE 31 janvier 1997, n° 170164, Hofman et Gebhartxi N° Lexbase : A8131ADI ; CE 31 janvier 1997 n° 150828-157689, Stark N° Lexbase : A7987AD8 ; CE 31 janvier 1997, 8° et 9° s-s-r., n° 170166, Schlosser N° Lexbase : A8132ADK : RJF 3/97 n° 217 ; CE 17 octobre 1997 8° s-s., n° 181412, Société Partenreederci Bossinger N° Lexbase : A4815AS7).

En l'espèce, la cour administrative d'appel de Lyon se place dans cette ligne jurisprudentielle en soulignant que le bateau sur lequel la société Ligabue exécute l'ensemble de ses prestations présente une consistance minimale par la réunion permanente de moyens humains et techniques nécessaires à la réalisation des prestations. Nous sommes, donc, en présence d'un établissement stable au sens de l'article 9 de la 6ème Directive-TVA transposé à l'article 259 du CGI. Toutefois, l'article 9, paragraphe 1, de la 6ème Directive a pu être interprété en ce sens qu'une installation destinée à une activité commerciale, comme l'exploitation de machines à sous, sur un bateau naviguant hors du territoire national en haute mer, ne saurait être qualifiée comme établissement stable au sens de la disposition citée que si, non seulement cet établissement comporte une réunion permanente de moyens humains et techniques nécessaires aux prestations de services en cause mais aussi si ces prestations ne peuvent pas être utilement rattachées au siège de l'activité économique du prestataire (CJCE, 4 juillet 1985, aff. C-168/84, Gunter Berkholz N° Lexbase : A8291AUM ; Recueil 1985-6 p. 2251).

Ainsi, les conditions d'existence d'un établissement stable sont satisfaites mais il peut paraître plus rationnel de rattacher, malgré tout, la prestation au siège. C'est ici que la décision de la cour de Lyon s'éloigne du précédent de la CJCE et qu'elle fait oeuvre de jurisprudence en se prononçant alors même que les conditions d'existence de l'établissement stables sont réunies sur le rattachement au lieu du siège, mais pour l'écarter.

2. Il est plus rationnel, sur le plan fiscal, de rattacher les prestations exécutées à bord d'un navire de croisière fluviale à l'établissement stable

Le lieu de rattachement des ventes à consommer sur place est le lieu où elle sont exécutées matériellement, nonobstant la circonstance que le lieu du siège soit un point de rattachement prioritaire. La notion de rattachement au siège figure dans l'arrêt de la CJCE en date du 2 mai 1996 (CJCE, aff. C-231/94, Faaborg-Gelting-Linien AS, précité : RJF 10/96 n° 1256, Rec. I-2395). La cour rappelle que le rattachement d'une prestation de service à un établissement autre que le siège "n'entre en ligne de compte que si cet établissement présente une consistance minimale, par la réunion permanente des moyens humains et techniques nécessaires à des prestations déterminées". La cour en conclut que ce n'est pas le cas pour des opérations de restauration sur un navire, surtout lorsque le siège permanent de l'exploitant du navire fournit un point de rattachement utile en vue de l'imposition. La décision de la cour administrative d'appel de Lyon ne retient pas une telle analyse.

2.1. Le rattachement de la prestation de service au siège est regardé par la CJCE comme un point de rattachement prioritaire

Le lieu du siège de l'activité du prestataire est un point de rattachement prioritaire : la prise en considération d'un autre établissement à partir duquel la prestation de services est rendue ne présente un intérêt que dans le cas où le rattachement au siège ne conduit pas à une solution rationnelle du point de vue fiscal ou crée un conflit avec un autre Etat membre (CJCE, 4 juillet 1985, aff. C-168/84, Berkholz, précité ; Recueil 1985-6 p. 2251 ; CJCE 2 mai 1996, aff. C-231/94, FG Linien, 6ème ch., précité : RJF 10/96 n° 1256 ; Recueil 1996-I p. 2395 ; CJCE, 20 février 1997, aff. C-260/95, DFDS N° Lexbase : A9911AUM : RJF 4/97 n° 406 ; Recueil 1997-I p. 1005).

L'arrêt "Gunter Berkholz" concernait l'exploitation d'automates de jeux à bord d'un navire. Le siège permanent de l'exploitant de ces automates fournissait un point de rattachement utile en vue de l'imposition. De même, à propos de la décision "Linien", l'Avocat général notait dans ses conclusions qu'admettre l'existence d'un établissement stable sur un ferry ne conduirait pas à une délimitation rationnelle du champ d'application des législations des Etats membres et que si l'existence d'un établissement stable sur un navire était admise, il faudrait que cet établissement soit rattaché à l'Etat membre avec lequel il présente des liens suffisamment étroits, c'est-à-dire avec l'Etat membre dans lequel le ferry est immatriculé et où se trouve le siège de la société exploitante.

Le Conseil d'Etat, dans le prolongement des décisions de la CJCE, avait évité de prendre en compte un critère complexe à l'application manifestement nuancée tiré de l'idée de solution rationnelle. Dans sa décision du 31 janvier 1997 (CE, 31 janvier 1997, n° 170164 Hofman et Gebbart N° Lexbase : A8131ADI) précisant la notion d'établissement stable, au sens de l'article 242 OM de l'annexe II au CGI, le Conseil d'Etat n'avait retenu des critères de la CJCE pour l'application de l'article 9 paragraphe 1 de la 6ème Directive-TVA que le critère tiré de la réunion permanente des moyens humains et techniques nécessaires aux prestations de service à l'exclusion de celui de l'impossibilité de rattacher les prestations au siège de l'activité économique du prestataire. Ainsi, ne constitue pas un établissement stable en France, pour les propriétaires d'un voilier établis en Allemagne, la société française à laquelle ils ont confié la garde et l'entretien du voilier dans un port français et donné mandat d'assurer la location du voilier pour leur compte (CE 31 janvier 1997, n° 170164, Hofman et Gebhart, précité ; CE, 31 janvier 1997, n° 170166, Schlosser, précité : RJF 3/97 n° 217).

Le critère du siège qui est, depuis une décision de la CJCE du 28 juin 2007 (CJCE, 28 juin 2007, aff. C-73/06 4ème ch., Planzen Luxembourg SARL N° Lexbase : A9310DWQ : RJF 11/07 n° 1367) définit comme le lieu où sont adoptées les décisions essentielles concernant la direction générale de cette société et où sont exercées les fonctions d'administration centrale de celle-ci, revêt une portée autonome de celle de l'établissement stable. Le caractère rationnel du rattachement des prestations à celui-ci avait conduit la CJCE à adopter la solution "Linien", la cour administrative d'appel de Lyon s'écarte de cette solution, elle retient pour l'analyser le critère du siège, mais l'écarte aussitôt en soulignant qu'il est plus rationnel sur le plan fiscal de rattacher les prestations à l'établissement stable.

2.2. En l'espèce, le rattachement au siège ne conduit pas à une solution rationnelle, le rattachement au siège est écarté

La décision de la cour administrative d'appel de Lyon ne retient pas l'analyse de la CJCE s'agissant du lieu de rattachement de la prestation pour une prestation de vente à consommer sur place sur un navire. La Cour de justice regarde le critère du siège comme prioritaire mais en ce sens que le critère de l'établissement stable ne présente d'intérêt que dans le cas où le rattachement au siège ne conduit pas à une solution rationnelle du point de vue fiscal ou crée un conflit avec un autre Etat membre. La Cour de justice, ce faisant, semble hiérarchiser les deux critères, encore qu'il s'agisse là, sans doute, d'une analyse d'espèce. Toutefois, le deuxième critère de l'établissement stable n'entre en ligne de compte que si cet établissement présente la réunion permanente des moyens humains et techniques nécessaires à des prestations de services déterminées. La cour administrative d'appel de Lyon juge, de son côté, qu'il est plus rationnel au plan fiscal de rattacher les prestations exécutées à bord de l'établissement stable que constitue le bateau de la requérante. La cour ne se borne pas à constater l'existence d'un établissement stable mais fait application du second critère, le siège, pour l'écarter et pour se prononcer.

Alors, peut-on dire que la décision de la cour administrative d'appel de Lyon est contraire à la jurisprudence de la CJCE ? Nous ne le croyons pas, car la CJCE indique, dans sa décision "DFDS A/S" du 20 février 1997 (aff. C-260/95) se référant à l'arrêt "Berkholz" du 4 juillet 1985 (aff. C-168/84), qu'il appartient aux autorités fiscales de chaque Etat membre de déterminer, dans le cadre des options offertes pour la 6ème Directive-TVA, quel est, pour une prestation de services déterminée, le point de rattachement le plus utile du point de vue fiscal.

En retenant, non seulement le critère, désormais classique, de la réunion des moyens, mais aussi en retenant celui tiré de la rationalité du rattachement, la cour administrative d'appel de Lyon fait prévaloir l'établissement stable sur le siège et fait oeuvre jurisprudentielle, nonobstant la circonstance que le bateau de croisière fluviale n'a pas, conformément à la jurisprudence des Communautés, un statut indépendant par rapport à la société du siège (CJCE, 20 février 1997, aff. C-260/95, DFDS précité : RJF 4/97 n° 406). Il est donc intéressant de savoir ce que seront les suites données à la décision des juges de Lyon.

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