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N3912BDA
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par Soliman Le Bigot et Peggy Grivel, avocats à la Cour
le 07 Octobre 2010
- des données permettant d'identifier son titulaire (nom, prénom, date de naissance, identifiant permettant l'ouverture et la tenue du DMP, identification du médecin traitant) ;
- des données générales (antécédents médicaux et chirurgicaux, historique des consultations médicales et chirurgicales, des vaccinations, des allergies, etc.) ;
- des données de soins (résultats d'analyses, comptes rendus médicaux, dispensations médicamenteuses, etc.) ;
- des données de prévention (facteurs de risques individuels, comptes rendus d'actes diagnostiques à visée préventive, calendrier des vaccinations et des actes de prévention, etc.) ;
- des données images (radios, scanners, IRM, échographies, etc.) ;
- un espace d'expression personnelle permettant de porter des informations personnelles à la connaissance des professionnels de santé (désignation de la personne de confiance, par ex.).
Les éléments du dossier pharmaceutique (DP) concernant les médicaments délivrés sont, également, mentionnés dans le DMP.
Les professionnels de santé ainsi que les assurés sociaux ont seuls accès au DMP.
Les professionnels de santé ont accès au DMP sous réserve que le patient en ait autorisé l'accès et uniquement à l'occasion des actes de diagnostic, de soins ou de prévention et des consultations qu'ils prodiguent.
Le niveau de prise en charge des actes et prestations de soins par l'assurance maladie sera alors subordonné à cette autorisation que donne le patient, à chaque consultation ou hospitalisation, aux professionnels de santé auxquels il a recours (1). Pas d'autorisation par le patient et le niveau de son remboursement sera moindre.
Par ailleurs, afin de prévenir toute dérive quant à l'accès au DMP, il a été expressément spécifié qu'il n'est pas accessible :
- lors de la conclusion d'un contrat relatif à une protection complémentaire en matière de couverture des frais de santé et à l'occasion de la conclusion de tout autre contrat exigeant l'évaluation de l'état de santé (2) ;
- dans le cadre de la médecine du travail (3), de sorte que le médecin du travail ne pourra pas, non plus, le compléter.
Le DPM n'est, en outre, pas cessible à titre onéreux (4).
Chaque patient maîtrise, également, l'accès de son DMP et en contrôle le contenu. Il possède un droit de masquage total des données le concernant. A ce jour, ce droit au masquage a été prévu par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2008 (5), il devra être intégré au Code de la Sécurité sociale et ses conditions d'application seront prises par décret. Ce droit au masquage de données médicales personnelles est un droit fondamental puisque les données médicales sont strictement personnelles et protégées. Néanmoins, ce droit ne risque-t-il pas de poser un réel problème dans le colloque singulier entre le médecin et son patient ? Où se trouverait l'intérêt du DMP s'il ne transmettait pas un état réel et exact des données de santé ? Quid de la responsabilité du médecin, dont le patient aurait retiré une donnée essentielle de son DMP ? Quid de la responsabilité du patient ayant retiré une information ? Ces responsabilités sont inédites et pourraient conduire à un risque sanitaire particulier.
Il faudra donc établir avec précision les responsabilités respectives de chaque intervenant sur le DMP c'est pourquoi chaque information reportée dans le DMP sera datée, signée et identifiée.
Le décret encadrant les conditions d'accès aux différentes catégories d'informations figurant au DMP (6) est, en conséquence, très attendu.
En tout état de cause, l'hébergeur du DMP n'a pas accès au contenu des DMP qu'il héberge.
Pour le patient, la clef d'accès du DMP se trouve sur sa carte Vitale (grâce au numéro identifiant national de santé - INS) et son authentification repose sur un code secret librement choisi par lui et sur un mot de passe temporaire généré automatiquement à chaque connexion et qui lui est envoyé par Short Message Service (SMS) ou courriel.
L'accès du DMP par le professionnel de santé se fait par la connexion au portail de l'internet DMP via son logiciel métier "DMP compatible". Il s'identifie grâce à sa carte de professionnel de santé (CPS) et à l'INS de son patient. Il ne peut accéder au DMP de son patient que si ce dernier lui en a autorisé l'accès, lors de la phase d'ouverture du DMP ou au cours d'une consultation, par une simple déclaration. Si le professionnel travaille en établissement, l'accès se fait via le système d'information de l'établissement.
Le DMP est constitué de données de santé à caractère personnel (7) dont seuls les professionnels de santé ou les établissements de santé ou la personne concernée peuvent disposer. Par ailleurs, l'hébergement de ces données ne peut avoir lieu qu'avec le consentement exprès de la personne concernée. En outre, les traitements des données de santé à caractère personnel que nécessite cet hébergement doivent être opérés dans le respect des dispositions de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978, relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés (N° Lexbase : L8794AGS).
Si le Conseil constitutionnel (8) a estimé que le DMP tel que décrit dans la loi, ne menaçait pas le secret médical, il est bien évident qu'aucun système informatique n'est infaillible, le patient pourrait donc voir ses données personnelles médicales divulguées sur l'internet. Or, si la plupart des informations (date de naissance, numéro de Sécurité sociale) ne constituent pas des données sensibles, d'autres sont en revanche théoriquement couvertes par le secret médical telle que l'indication d'une prise en charge à 100 % pour tout assuré soigné pour une affection de longue durée... Quid de la responsabilité du médecin, premier hébergeur de données, qui n'aurait pourtant pas révélé le secret médical mais dont les données de santé de ses patients se retrouveraient sur l'ensemble de l'internet ?
Dans le DMP, chaque professionnel de santé doit indiquer tous les éléments médicaux ou nécessaires aux soins ou à la prévention de la santé du patient, sous réserve de l'autorisation donnée par le patient d'y accéder et de le compléter. Le rôle du professionnel de santé s'en trouve modifié puisque lui revient un nouveau rôle de quasi-délateur de connivence avec les caisses d'assurance maladie. Un tel rôle ne risque-t-il pas de dénaturer ses relations avec son patient. Est-ce bien là le rôle du praticien ? Ne conviendrait-il pas mieux de responsabiliser les patients ?
Mais face à ce nouveau rôle, le professionnel de santé se trouve lui aussi dans l'obligation d'utiliser le DMP et de l'alimenter. A défaut, son entrée et son maintien dans le processus de conventionnement avec les organismes d'assurance maladie pourraient être remis en cause (9).
Du côté des professionnels de santé, le DMP permettra d'avoir accès aux informations médicales provenant d'autres professionnels de santé assurant, ainsi, une parfaite coordination professionnelle et un suivi optimal des patients.
En améliorant ainsi l'information des différents praticiens qui traitent un même patient, en favorisant une connaissance accrue entre les différents intervenants, un meilleur suivi de chaque patient et en responsabilisant ce dernier, le DMP permettra, à n'en pas douter, une amélioration de la qualité et de l'efficience des soins. En revanche, s'il devait permettre de lutter contre les interactions médicamenteuses qui provoquent chaque année 128 000 hospitalisations, les actes redondants qui coûtent chaque année 1,5 milliard d'euros par an... les "économies à attendre du DMP sont incertaines, et en tout cas lointaines" (10) et son gigantesque budget (1 milliard d'euros) reste loin d'être rentabilisé.
A ce jour, le DMP n'a pas respecté son calendrier du fait, notamment, des risques techniques et juridiques qui l'entourent (11). La phase d'expérimentation, clôturée à la fin 2006, "n'a pas permis de tirer les enseignements opérationnels attendus" et une nouvelle feuille de route devrait être mise en oeuvre de manière pragmatique après une phase de concertation associant les professionnels de santé, les représentants des patients et les industriels (12).
En agissant en concertation et sans urgence, le DMP, ce "Dossier Mal Programmé", devrait alors redevenir l'ambitieux projet de ses origines, pouvant résoudre, mais pas à lui seul, le déficit chronique de la Sécurité sociale et la coordination des soins.
De plus, le professionnel de santé refusant de reporter dans le DMP les éléments issus de chaque acte ou consultation pourra faire l'objet d'une pénalité prononcée par le directeur de l'organisme local d'assurance maladie (13). En revanche, l'organisme de Sécurité sociale ne peut concurremment recourir au dispositif de pénalité et aux procédures conventionnelles visant à sanctionner la même inobservation des règles par un professionnel de santé.
A terme, le DMP devrait permettre au patient de bénéficier d'un suivi coordonné et d'une sécurité diagnostique et thérapeutique renforcée. Il permettra, également, d'impliquer le patient dans la gestion de son parcours de soins coordonnés et de simplifier sa prise en charge dans le respect du secret médical et de la vie privée. C'est au patient et seulement à lui que revient le droit exclusif de donner, ou non, accès à son DMP aux professionnels de santé, conformément à la volonté établie par le législateur d'instaurer une véritable démocratie sanitaire prenant en compte le droit au secret du patient.
(1) CSS, art. L. 161-36-2 (N° Lexbase : L1358GUT).
(2) CSS, art. L. 161-36-3, al. 2 (N° Lexbase : L3335HWG).
(3) CSS, art. L. 161-36-3, al. 3.
(4) C. santé publ., art. L. 1111-8 (N° Lexbase : L6257HWN).
(5) Voir son article 36.
(6) CSS, art. L.161-36-4 (N° Lexbase : L6299HW9).
(7) C. santé publ., art. L. 1111-8.
(8) Cons. const., 12 août 2004, n° 2004-504 DC (N° Lexbase : A1527DDW).
(9) CSS, art. L. 161-36-2.
(10) Rapport sur le dossier médical personnel de l'IGAS-IGF-CGTI, 8 novembre 2007.
(11) Rapport précité.
(12) Remise au Gouvernement du rapport sur le DMP, 12 novembre 2007.
(13) CSS, art. L. 162-1-14 (N° Lexbase : L3343HWQ).
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