La lettre juridique n°285 du 13 décembre 2007 : Éditorial

S.A.S. ou le roman de la liberté statutaire

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N3981BDS

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par Fabien Girard de Barros, Directeur de la rédaction

le 27 Mars 2014


Qu'on se le dise, la société par actions simplifiée (SAS) a beau constituer, aux yeux des affairistes, le temple de la liberté contractuelle en matière de droit des sociétés, il n'en demeure pas moins qu'elle est soumise, pour bien des aspects, au droit commun, mais plus encore, aux droits fondamentaux. En rappelant que, si les statuts d'une société par actions simplifiée peuvent, dans les conditions qu'ils déterminent, prévoir qu'un associé peut être tenu de céder ses actions, l'article L. 227-16 du Code de commerce qui permet cette clause d'exclusion, n'autorise pas les statuts, lorsqu'ils subordonnent cette mesure à une décision collective des associés, à priver l'associé dont l'exclusion est proposée de son droit de participer à cette décision et de voter sur la proposition, la Cour de cassation ne vient-elle pas consacrer le droit de vote conféré à tout porteur de parts sociales, et par extension, le droit de propriété de tout ou partie du capital conféré à ce même porteur ?

Et Jean-Baptiste Lenhof, Maître de conférence à l'ENS de Cachan, de revenir, dans sa chronique publiée cette semaine, sur cette décision d'importance, rendue sous un visa des plus instructifs : l'article 1844, alinéa 1er, du Code civil, qui dispose que tout associé a le droit de participer aux décisions collectives et de voter, les statuts ne pouvant déroger à ces dispositions que dans les cas prévus par la loi. Ainsi, les statuts peuvent prévoir des catégories d'actions différentes, avec un ou plusieurs droits de vote, avec un dividende plus ou moins prioritaire, voire des titres alternatifs sous forme de certificat d'investissement, mais seulement dans des cas expressément limités, la suppression de tout droit vote. En effet, la propriété confère à son porteur, avec quelques aménagements possibles, un droit de vote, un droit au dividende et un droit à l'information sur la société : tels sont les fondamentaux de l'affectio societatis et de la vocation lucrative associés à la société commerciale. Un seul élément manque et c'est la nature même de la société, voire le statut même de "société", qui s'en trouvent profondément altérés.

Certes au travers de la SAS, un associé peut disposer de prérogatives indépendantes de sa part de capital. C'est la révolution opérée en 1994, par l'introduction de la SAS en France, en concurrence de la société anonyme, et consacrée en 1999, avec l'ouverture de la SAS aux personnes physiques. La responsabilité du pouvoir peut être limitée au management ; les statuts peuvent intégrer des clauses qui, jusqu'auparavant, relevaient des pactes d'actionnaires, mais sont, désormais, rédigées de manière beaucoup plus étendues ; enfin, le pouvoir peut être librement réparti, les décisions étant adoptées selon les règles contractuelles fixées par les statuts. Sur ce dernier point, la liberté contractuelle est telle, que les associés peuvent ainsi se délester de leurs propres pouvoirs, au travers des statuts, pour ne confier qu'à un seul l'essentiel du pouvoir, et pour ainsi convenir, à l'inverse d'une société anonyme au fonctionnement profondément "démocratique", à une véritable gouvernance "dictatoriale".

C'est contre la tendance de ces clauses d'exclusion comprenant bien souvent comme corollaire l'exclusion de l'associé concerné au vote de son exclusion capitalistique, que la Haute juridiction se lève, pour consacrer et protéger, contre la volonté des associés eux-mêmes, leurs droits de propriété. Car si Rousseau écrivait dans Du contrat social que "l'impulsion du seul appétit est esclavage, l'obéissance à la loi qu'on s'est prescrite est liberté", les clauses d'exclusion dans les SAS peuvent aisément aboutir à ce que "la loi qu'on s'est prescrite" devienne, en fait, l'esclavage tant honnie.

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