La lettre juridique n°284 du 6 décembre 2007 : Famille et personnes

[Jurisprudence] La caducité de la prestation compensatoire en cas de remariage d'époux divorcés

Réf. : Cass. civ. 1, 17 octobre 2007, n° 06-20.451, M. Maurice Regen, FS-P+B (N° Lexbase : A8123DYI)

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N3603BDS

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par Nathalie Baillon-Wirtz, Maître de conférence à l'Université de Reims

le 07 Octobre 2010

Lorsque des époux divorcent une première fois puis se remarient ensemble avant de divorcer une seconde fois, la prestation compensatoire judiciairement fixée lors du premier jugement de divorce est rendue caduque par l'effet du second mariage. Tel est le principe dont la première chambre civile de la Cour de cassation fait application dans un arrêt rendu le 17 octobre 2007. Elle casse ainsi, au visa des articles 212 (N° Lexbase : L1362HIB) et 270, alinéa 1er, du Code civil (N° Lexbase : L2662AB9), ce dernier dans sa rédaction antérieure à la loi du 26 mai 2004 (loi n° 2004-439, relative au divorce N° Lexbase : L2150DYB), l'arrêt de la cour d'appel selon lequel les décisions judiciaires relatives au premier divorce étaient définitives et conservaient, malgré le remariage et le second divorce, leur force exécutoire. Selon les faits rapportés, un jugement du 28 juin 1989, confirmé par arrêt du 13 novembre 1990, a converti en divorce la séparation de corps aux torts du mari prononcée en 1983. Celui-ci est alors condamné à verser à son ex-épouse une rente mensuelle viagère de 9 000 francs (environ 1 372 euros) avec indexation, à titre de prestation compensatoire. Le couple se remarie en 1992, puis divorce à nouveau en 1999. La demande de prestation compensatoire de l'épouse est, cette fois, rejetée au motif que l'ex-mari étant toujours tenu au versement de la prestation compensatoire fixée lors du premier divorce, la rupture du second mariage ne créait pas au détriment de l'épouse une disparité dans les conditions de vie des époux. L'ex-épouse met alors en place une procédure de paiement direct pour obtenir le versement de la prestation compensatoire allouée par le premier jugement de divorce. De ce fait, l'ex-mari saisit le juge de l'exécution d'une demande tendant à voir déclarer caducs et privés de tout effet le jugement du 28 juin 1989 et l'arrêt du 13 novembre 1990 ayant fixé la prestation compensatoire à l'occasion du premier divorce.

La cour d'appel déboute l'ex-époux de sa demande au motif que les décisions précitées étaient définitives et avaient toujours force exécutoire en dépit du remariage et du second divorce. En d'autres termes, l'arrêt rendu lors du second divorce n'a pas remis en cause les effets de la première décision.

La Cour de cassation, dans l'arrêt ici commenté, censure cette analyse au visa de l'article 212 et de l'article 270, alinéa 1er, du Code civil dans sa rédaction antérieure à la loi du 26 mai 2004, portant réforme du divorce. Selon cette motivation, la prestation compensatoire allouée à l'ex-épouse par l'arrêt du 13 novembre 1990 est caduque à compter du remariage en 1992.

L'arrêt du 17 octobre 2007 apporte donc une réponse intéressante à la question délicate que pose le remariage des époux divorcés sur le sort des mesures accessoires au prononcé du divorce. Aucune disposition légale ne prévoit, en effet, la caducité du jugement se prononçant sur la prestation compensatoire, notamment, en cas de remariage des divorcés entre eux. Cette difficulté semble, toutefois, être plus théorique que pratique. L'on peut effectivement penser que, dans les faits, les époux se conformeront à leur nouveau statut matrimonial et "éluderont spontanément l'application des mesures de l'après divorce" (1) ; ceci d'autant plus que le devoir de secours que les époux se doivent mutuellement en application de l'article 212 du Code civil prend le relais de la prestation compensatoire.

Néanmoins, une nouvelle mésentente peut survenir et aboutir au prononcé d'un second divorce, ce qui était le cas en l'espèce. Le sort de la prestation devient alors une difficulté d'ordre pratique. Le créancier de la rente judiciairement fixée à l'occasion de la première séparation recouvre-t-il le droit de réclamer les termes échus et à échoir, d'autant plus que la prescription ne court pas entre époux et que la règle "les aliments ne s'arréragent pas" ne joue pas pour la prestation compensatoire (2) ? Selon la Cour de cassation, la réponse à cette question doit être négative. La prestation devient caduque à compter du jour de la seconde union. Cette analyse semble tout à fait logique. En effet, si les ex-époux se remarient ensemble, rien ne justifie que l'un d'entre eux continue à recevoir de l'autre la prestation compensatoire fixée à l'occasion du premier jugement de divorce. Etant caduque, la rente ne peut donc renaître au prononcé du second divorce.

Cependant, la portée de cette solution se limite à la seule hypothèse d'un remariage entre ex-époux. La situation est, en effet, différente lorsque les divorcés se remarient avec des tiers. Le caractère forfaitaire et intangible de la prestation compensatoire interdit en principe la révision, voire la suppression de la rente par suite de remariage ou de concubinage, sauf si conformément à l'actuel article 276-3 du Code civil (N° Lexbase : L2844DZD), la nouvelle union entraînerait un changement important dans les ressources de l'époux créancier (3). Notons à ce sujet la récente proposition de loi déposée à l'Assemblée nationale le 24 octobre 2007 et "tendant à modifier les conditions du maintien de la prestation compensatoire en cas de remariage du conjoint créancier" (4). Ce texte propose, ainsi, de rendre caduque la prestation, "après validation du juge sur saisine du débiteur ou toute personne ayant intérêt, dès lors que le créancier a contracté un nouveau contrat de mariage".

En définitive, la précision apportée par l'arrêt du 17 octobre 2007 au régime de la prestation compensatoire en cas de remariage d'époux divorcés est essentielle. Deux conséquences importantes découlent de son analyse. D'une part, les décisions judiciaires relatives au premier divorce perdent, du fait du remariage des ex-époux, leur caractère définitif et leur force exécutoire. D'autre part, si la première prestation compensatoire est caduque, rien n'interdit à l'ex-épouse de demander le versement d'une seconde prestation si la rupture du remariage créé à son détriment une disparité dans les conditions de vie des époux (C. civ., art. 270).


(1) V. Larribau-Terneyre, J.-Cl. Civil, art. 263 à 265-2, Fasc. 10, n° 47.
(2) V. Larribau-Terneyre, op. cit..
(3) A ainsi été cassé l'arrêt de la cour d'appel qui n'avait pas recherché si le fait que l'ex-épouse créancière ait un compagnon ne constituait pas un changement important dans sa situation : Cass. civ. 1, 25 avril 2006, n° 05-16.345, M. Philippe Willems c/ Mme Christine Herail, divorcée Willems, FS-P+B (N° Lexbase : A2171DP4), RTD. civ. 2006, p.545, obs. J. Hauser. La possibilité de révision de la prestation compensatoire vaut également en cas de remariage de l'époux débiteur. A ainsi été censurée la décision des juges du fond de rejeter une demande de révision de rente au motif qu'il n'y avait pas lieu de prendre en compte le remariage du débiteur et la naissance d'un nouvel enfant : Cass. civ. 1, 28 juin 2005, n° 02-16.556, M. Jean-Claude Guyot c/ Mme Anne Briant, FS-P+B (N° Lexbase : A8403DI3), Dr. fam. 2005, comm. n° 184, note V. Larribau-Terneyre.
(4) Proposition de loi AN n° 336 présentée par M. Roubaud.

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