La lettre juridique n°272 du 13 septembre 2007 : Sociétés

[Textes] L'encadrement des "parachutes dorés" par la loi en faveur du travail de l'emploi et du pouvoir d'achat

Réf. : Loi n° 2007-1223 du 21 août 2007, en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat, art. 17 (N° Lexbase : L2417HY8)

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par Vincent Téchené, SGR - Droit des affaires

le 07 Octobre 2010

Faisant suite aux engagements pris par le Président de la République, le Gouvernement a déposé, le 27 juin 2007, un projet de loi ayant pour principal objectif "la relance de l'économie par la réhabilitation du travail comme valeur, comme outil d'amélioration du pouvoir d'achat et comme instrument de lutte contre le chômage" (1). L'urgence ayant été déclarée sur ce texte, le 29 juin, le projet a abouti à l'adoption, le 21 août dernier, de la loi dite "Tepa". Ce texte intéresse, pour l'essentiel, le droit fiscal et le droit social (2). Il comporte, néanmoins, des dispositions relatives au droit des sociétés, au premier rang desquelles figure l'encadrement des rémunérations différées, afin de répondre à l'attente des français à la suite de révélations, dans la presse, de certains "parachutes dorés", versés à des dirigeants dont les sociétés ont enregistré de mauvais résultats. L'objectif de leur encadrement n'était pas, pour autant, d'interdire cette pratique, mais plutôt de faire respecter un principe de proportionnalité entre la rémunération des dirigeants sociaux et les performances de la société qu'ils dirigent, afin de la moraliser. A cette fin, l'article 17 de loi du 21 août 2007 modifie les conditions d'octroi des rémunérations différées. Le dispositif mis en place repose, d'une part, sur la soumission de l'octroi de ces rémunérations à des conditions de performance des bénéficiaires et, d'autre part, sur un renforcement de la transparence de ces rémunérations.

I - La subordination de la validité de l'octroi des "parachutes dorés" à des conditions de performances des dirigeants bénéficiaires

  • Régime antérieur à la loi du 21 août 2007, applicable aux rémunérations différées

S'agissant du régime antérieur à la loi du 21 août 2007, l'article 8 de la loi "Breton" (loi n° 2005-842 du 26 juillet 2005, pour la confiance et la modernisation de l'économie N° Lexbase : L5001HGC), a inséré dans le Code de commerce les articles L. 225-42-1 (N° Lexbase : L4054HBR) (pour les sociétés anonymes à conseil d'administration) et L. 225-90-1 (N° Lexbase : L3739HB4) (pour les sociétés anonymes à directoire et conseil de surveillance). Ces textes soumettent au régime des conventions réglementées l'ensemble des rémunérations différées qui bénéficient aux dirigeants des sociétés cotées.

En effet, ils prévoient que "dans les sociétés dont les titres sont admis aux négociations sur un marché réglementé, les engagements pris au bénéfice de leurs présidents, directeurs généraux ou directeurs généraux délégués [ou membres du directoire, le cas échéant], par la société elle-même ou par toute société contrôlée ou qui la contrôle au sens des II et III de l'article L. 233-16 ([LXB=L5841AI8 ]), et correspondant à des éléments de rémunération, des indemnités ou des avantages dus ou susceptibles d'être dus à raison de la cessation ou du changement de ces fonctions, ou postérieurement à celles-ci, sont soumis aux dispositions des articles L. 225-38 (N° Lexbase : L5909AIP) et L. 225-40 (N° Lexbase : L5911AIR) à L. 225-42 [L. 225-86 N° Lexbase : L5957AIH) et L. 225-88 (N° Lexbase : L5959AIK) à L. 225-90, pour les SA de type dualiste]".

Cette soumission au régime des conventions réglementées est applicable aux conventions conclues à compter du 1er mai 2005.

Ces rémunérations doivent donc recevoir l'autorisation préalable du conseil d'administration ou du conseil de surveillance (C. com., art. L. 225-38 et L. 225-86), faire l'objet d'un rapport spécial des commissaires aux comptes, et être soumises à l'approbation de l'assemblée générale des actionnaires, laquelle statue sur le rapport précité des commissaires aux comptes (C. com., art. L. 225-40, al. 2 et 3 et L. 225-88, al. 2 et 3).

Les conventions conclues sans autorisation préalable du conseil d'administration ou du conseil de surveillance peuvent être annulées si elles ont eu des conséquences dommageables pour la société, la nullité pouvant être couverte par un vote de l'assemblée générale intervenant sur rapport spécial des commissaires aux comptes exposant les circonstances en raison desquelles la procédure d'autorisation n'a pas été suivie (C. com., art. L. 225-42 N° Lexbase : L5913AIT et L. 225-90 N° Lexbase : L5961AIM). En outre, par application des articles L. 225-41 (N° Lexbase : L5912AIS) et L. 225-89 (N° Lexbase : L5960AIL) du même code, les décisions de rémunération différée, approuvées ou non par l'assemblée générale, produisent leurs effets à l'égard des tiers, sauf  lorsqu'elles sont annulées dans le cas de fraude.

  • Modifications apportées par l'article 17  de la loi du 21 août 2007

La loi "Tepa" ne modifie pas le premier alinéa des articles L. 225-42-1 et L. 225-90-1 du Code de commerce, posant le principe de la soumission des rémunérations différées à la procédure des conventions réglementées. L'article 17 de la loi ajoute, notamment, un alinéa 2 à ces articles, prévoyant une interdiction des rémunérations différées, en faveur des mandataires sociaux des sociétés dont les titres sont admis aux négociations sur un marché réglementé, "dont le bénéfice n'est pas subordonné au respect de conditions liées aux performances du bénéficiaire, appréciées au regard de celles de la société dont il préside le conseil d'administration ou exerce la direction générale ou la direction générale déléguée, [ou dont il est membre du directoire]".

Rémunérations visées par le texte

Reprenant le formule introduite par la loi sur la confiance et la modernisation de l'économie dans l'alinéa précédent (cf. supra), toutes les rémunérations différées sont concernées (indemnités forfaitaires, levées d'options de souscription d'actions, avantages matériels ou en nature,...).

Toutefois, le nouvel alinéa 6 des articles L. 225-42-1et L. 225-90-1 du Code de commerce exclue du dispositif conditionnant l'octroi des rémunérations différées aux performances des bénéficiaires :

- d'une part, les engagements correspondant à des indemnités en contrepartie d'une clause de non-concurrence ;

- d'autre part, les engagements de retraite à prestations définies répondant aux caractéristiques des régimes mentionnés à l'article L. 137-11 du Code de la sécurité sociale (N° Lexbase : L3315HWP), c'est-à-dire les "retraites chapeau", ainsi que des engagements répondant aux caractéristiques des régimes collectifs et obligatoires de retraite et de prévoyance visés à l'article L. 242-1 du même code (N° Lexbase : L3404HWY).

Si elles ne sont pas soumises à la condition de performances, ces indemnités restent, bien sûr, soumises à la procédure des conventions réglementées.

Dirigeants visés par le texte :

Ne sont concernées par les nouvelles dispositions, que les rémunérations différées allouées à leurs présidents des conseils d'administrations, directeurs généraux, directeurs généraux délégués et membres des directoires par les sociétés dont les titres sont admis aux négociations sur un marché réglementé ou par toute société contrôlée ou qui la contrôle au sens des II et III de l'article L. 233-16.

En sont, par conséquent, exclus les administrateurs et membres des conseils de surveillance des sociétés cotées, ainsi que tous les dirigeants des sociétés non-cotées. 

La notion de performance

Le nouveau texte ne définit pas la notion de "performances". Il prévoit, seulement, que les performances de l'intéressé sont appréciées au regard de celles de la société. Cette précision n'était pas dans le projet initial du Gouvernement, mais est issue de deux amendements coordonnés. "En toute rigueur intellectuelle, la réussite du dirigeant, comme son échec, ne peut évidemment être appréciée qu'à l'aune des succès, ou des revers, rencontrés par l'entreprise" (3).

De plus, les articles L. 225-42-1, alinéa 5, et L. 225-90-1, alinéa 5, du Code de commerce énoncent qu'"aucun versement, de quelque nature que ce soit, ne peut intervenir avant que le conseil d'administration [ou le conseil de surveillance] ne constate, lors ou après la cessation ou le changement effectif des fonctions, le respect des conditions prévues".

Le conseil d'administration ou le conseil de surveillance est, par conséquent, chargé de vérifier que les conditions posées lors de la décision de la rémunération différée ont été remplies, ou pas, par le bénéficiaire. Seule la constatation par ces organes que le dirigeant a bien rempli les conditions de performances, telles qu'elles ont été posées a priori, ouvrira le droit au versement des rémunérations différées.

Par ailleurs, cette décision est rendue publique, selon des modalités et dans des délais fixés par décret en Conseil d'Etat.

La troisième phrase du même alinéa garantit le respect de la règle en prévoyant que "tout versement effectué en méconnaissance de ces dispositions serait nul de plein droit".

II - Une transparence accrue

L'article 17 de la loi "Tepa" a complété le dispositif issue de la loi "Breton" (cf. supra) en soumettant les rémunérations différées à un régime spécial de conventions réglementées, dont l'objectif majeur est d'assurer une plus grande transparence de leur octroi. Ces nouvelles dispositions modifient, toujours en des termes identiques, les articles L. 225-42-1 et L. 225-90-1, en ajoutant aux deux textes les alinéas 3 et 4.

Ainsi, "l'autorisation donnée par le conseil d'administration en application de l'article L. 225-38 [ou le conseil de surveillance en application de l'article L. 225-88] est rendue publique selon des modalités et dans des délais fixés par décret en Conseil d'Etat".

On relèvera, à l'instar du sénateur Marini (4), que l'application de cette disposition permettra aux actionnaires d'être informés en amont des décisions prises, et aux marchés financiers d'en avoir connaissance. L'exigence d'une résolution individualisée pour chaque mandataire social concerné est donc de nature à accroître sensiblement la marge de manoeuvre des assemblées générales.

Le quatrième alinéa de chacun des articles impose que l'assemblée générale des actionnaires se prononce par "une résolution spécifique pour chaque bénéficiaire" sur les rémunérations différées des mandataires sociaux, telles que le conseil d'administration ou de surveillance les a fixées et les lui soumet pour approbation, en application de l'article L. 225-40 ou de l'article L. 225-88 du Code de commerce.
Cette disposition tend à éviter les pratiques de quasi "vote bloqué", auxquelles sont soumises les assemblées générales.

La deuxième phrase précise que l'approbation de l'assemblée générale, s'agissant des rémunérations différées, est requise à chaque renouvellement du mandat des intéressés.

En plus de la mise en place d'une procédure particulière pour les rémunérations différées, et comme nous l'avons vu dans la première partie, la décision du conseil d'administration ou du conseil de surveillance, par laquelle il vérifie lors ou après la cessation ou le changement effectif des fonctions, que des conditions prévues sont respectées, est rendue publique selon des modalités et dans des délais fixés par décret en Conseil d'Etat.

Là encore, les engagements correspondant à des indemnités en contrepartie d'une clause de non-concurrence, ainsi que les engagements de retraite chapeau et les engagements répondant aux caractéristiques des régimes collectifs et obligatoires de retraite et de prévoyance visés à l'article L. 242-1 du Code de la Sécurité sociale ne sont pas soumis à la procédure spécifique.

Enfin, le V de l'article 17 de la loi "Tepa" complète l'article L. 823-10 du Code de commerce (N° Lexbase : L3059HCB) par la phrase suivante : "[les commissaires aux comptes] attestent spécialement l'exactitude et la sincérité des informations relatives aux rémunérations et aux avantages de toute nature versés à chaque mandataire social".
Cette obligation avait été introduite par la loi pour la confiance et la modernisation de l'économie dans l'article L. 225-235 du Code de commerce (N° Lexbase : L3895HBU). Mais, cette disposition n'avait pas été reprise par l'ordonnance du 8 septembre 2005 (ordonnance n° 2005-1126, relative au commissariat aux comptes N° Lexbase : L9911HBP, lire J.-P. Dom, Le contrôle des rémunérations, entre le dédale et l'impasse..., Lexbase Hebdo n° 187 du 27 octobre 2005 - édition affaires N° Lexbase : N9830AIW). En effet, son article 20 III a, notamment, abrogé, probablement accidentellement, les alinéas 1 à 4 de l'article L. 225-235 du Code de commerce. Cette erreur est donc réparée par la loi du 21 août 2007.

III - Applicabilité des dispositions relatives aux parachutes dorés

Ce nouveau dispositif s'applique aux rémunérations différées décidées à compter de la publication de la loi en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat, c'est-à-dire à compte du 22 août 2007. Mais, le texte prévoit, également, que les rémunérations différées déjà fixées au moment de la publication de la loi devront être mises en conformité avec les nouvelles règles, dans une période d'adaptation de dix-huit mois à compter du 22 août 2007, soit le 22 février 2009.

A défaut de mise en conformité au terme du délai de dix-huit mois, les engagements concernés pourront être annulés s'ils ont eu des conséquences dommageables pour la société. Précision étant faite, ici, que le délai de prescription, en principe de trois ans, des actions en nullité ouvertes à l'encontre des conventions réglementées conclues sans l'autorisation préalable du conseil d'administration ou du conseil de surveillance, est calculé, "à compter de l'expiration du délai de dix-huit mois" accordé pour la mise en conformité requise.

Néanmoins, l'assemblée générale des actionnaires peut couvrir la nullité encourue par la convention, conformément aux article L. 225-42, alinéa 3, et L. 225-90, alinéa 3, du Code de commerce. A cet effet, le VI de l'article 17 de la loi prévoit que le rapport spécial des commissaires aux comptes, sur lequel l'assemblée générale doit se prononcer en vue de couvrir d'éventuels manquements aux règles afférentes aux conventions réglementées, "expose les circonstances en raison desquelles la mise en conformité n'a pas été faite".


(1) Projet de loi en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat, exposé des motifs. 
(2) V., notamment, sur le revenu de solidarité active, introduit par la loi "Tepa", Ch. Willmann, Revenu de solidarité active : le législateur consacre le rapport "Hirsch", mais à titre expérimental, Lexbase Hebdo n° 271 du 6 septembre 2007 - édition sociale (N° Lexbase : N2559BCR) ; et sur la réforme des heures supplémentaires, Ch. Willmann, Nouveau régime des heures supplémentaires et réduction "Fillon", Lexbase Hebdo n° 272 du 13 septembre 2007 - édition sociale (N° Lexbase : N2907BCN).
(3) Rapport n° 404 (2006-2007) de M. Philippe Marini, fait au nom de la commission des finances, déposé le 19 juillet 2007.
(4) Rapport, préc..

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