Réf. : Loi n° 2006-387 du 31 mars 2006, relative aux offres publiques d'acquisition (N° Lexbase : L9533HHK)
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le 07 Octobre 2010
Antérieurement à la réforme sous examen, l'alinéa 4 de l'article L. 432-1 du Code du travail (N° Lexbase : L8852G7Y) disposait qu'"en cas de dépôt d'une offre publique d'achat ou d'une offre publique d'échange portant sur une entreprise, le chef de cette entreprise réunit immédiatement le comité pour l'en informer [...]" (2).
Désormais, et c'est la première modification apportée par la loi du 31 mars 2006, cette même procédure devra également être respectée par le chef de l'entreprise qui est l'auteur de l'offre (3). Toutefois, et ainsi que le précise ensuite le texte, "le chef de l'entreprise auteur de l'offre réunit le comité d'entreprise dans les conditions prévues à l'article L. 432-1 ter du présent code" (N° Lexbase : L8854G73). Issu de la loi "Borloo" du 18 janvier 2005 (loi n° 2005-32 de programmation de la cohésion sociale), cet article dispose que, par dérogation à l'article L. 431-5 (N° Lexbase : L8867G7K), le chef d'entreprise n'est pas tenu de consulter le comité d'entreprise avant le lancement d'une OPA (4) sur le capital d'une entreprise. En revanche, il doit réunir le comité dans les 2 jours ouvrables suivant la publication de l'offre, en vue de lui transmettre des informations écrites et précises sur le contenu de l'offre et sur les conséquences en matière d'emploi qu'elle est susceptible d'entraîner.
La confrontation des articles L. 432-1, alinéa 4, nouveau (N° Lexbase : L0041HDU), et L. 432-1 ter, suscite des interrogations relativement à l'intervention du comité de l'entreprise auteur de l'offre. Remarquons que le premier de ces textes vise l'information du comité, tandis que le second a trait à sa consultation. On ne peut que regretter cette incohérence (5), dans la mesure où il y a là deux prérogatives différentes, qui n'emportent pas les mêmes obligations pour le chef de l'entreprise auteur de l'offre. Le législateur crée ainsi une difficulté qui ne se posait pas avant la réforme.
Antérieurement, en effet, il ne faisait guère de doute que le chef de l'entreprise auteur de l'offre était tenu de consulter son comité d'entreprise en application des dispositions générales des alinéas 1 et 3 de l'article L. 432-1 (6). Or, désormais, certains pourraient être tentés de se fonder sur la nouvelle rédaction de l'alinéa 4 de ce même texte et sur l'adage specialia generalibus derogant pour se limiter à une simple information du comité dans les conditions de l'article L. 432-1 ter. Il nous semble, toutefois, que c'est bien la consultation du comité d'entreprise qui devra être toujours menée dans une telle hypothèse, ne serait-ce que par prudence.
Notons que, pour ce qui est de la société cible, c'est bien une simple information du comité d'entreprise que se doit de respecter le chef d'entreprise. Il est vrai qu'une consultation n'aurait guère, ici, de sens dans la mesure où, par définition, celui-ci n'est pas à l'origine de l'offre (7).
Dans les entreprises de plus de 50 salariés dépourvues de comité, ce sont les délégués du personnel qui "exercent collectivement les attributions économiques des comités d'entreprise qui sont définies aux articles L. 432-1 à L. 432-5 [du Code du travail]". Par conséquent, dans ces entreprises, les délégués du personnel seront informés et/ou consultés en cas d'OPA, qu'il s'agisse des délégués du personnel de la société cible ou de ceux de la société auteur de l'offre. En revanche, dans les entreprises de moins de 50 salariés, aucune information ou consultation du personnel n'était organisée lors d'une telle opération. La loi du 31 mars 2006 apporte, ici, un changement important.
Désormais, en effet, et en application de l'article L. 432-1, alinéa 5, nouveau, "si l'offre est déposée par une entreprise dépourvue de comité d'entreprise, et sans préjudice de l'article L. 422-3 du présent code (N° Lexbase : L6358ACH), le chef de cette entreprise en informe directement les membres du personnel. De même, à défaut de comité d'entreprise dans l'entreprise qui a fait l'objet de l'offre et sans préjudice de l'article L. 422-3 précité, le chef de cette entreprise en informe directement les membres du personnel".
Deux remarques peuvent être faites. Tout d'abord, et ainsi que nous l'avons déjà souligné, l'extension du dispositif d'information ne concerne que les entreprises de moins de 50 salariés (8). Il est vrai que l'on peut rester dubitatif quant au nombre d'entreprises de cette taille susceptibles d'être concernées par une OPA, même si beaucoup de holdings emploient moins de 50 salariés (9). Ensuite, il ressort clairement du texte que le personnel n'a le droit que d'être informé de l'offre, non celui d'être consulté.
2. Modalités de l'information du personnel en cas d'OPA
La loi du 31 mars 2006 vient préciser quelque peu la procédure d'information du comité de l'entreprise qui fait l'objet de l'offre. Comme antérieurement, lors de la réunion au cours de laquelle il est informé de l'OPA, le comité décide s'il souhaite entendre l'auteur de l'offre (10) et peut se prononcer sur le caractère amical ou hostile de l'offre (11). La réforme apporte deux modifications à la procédure d'audition de l'auteur de l'offre (12). Tout d'abord, il est précisé que le comité d'entreprise doit être réuni pour procéder à l'examen de l'offre et, le cas échéant, à l'audition précitée "avant la date de convocation de l'assemblée générale réunie en application de l'article L. 233-32 du Code de commerce" (13).
Ensuite, et surtout, il est désormais fait obligation à l'auteur de l'offre de présenter au comité, lors de la réunion au cours de laquelle il est auditionné, "sa politique industrielle et financière, ses plans stratégiques pour la société visée et les répercussions de la mise en oeuvre de l'offre sur l'ensemble des intérêts, l'emploi, les sites d'activité et la localisation des centres de décision de ladite société" (14).
Cette nouvelle formulation tranche singulièrement avec la précédente qui se bornait à préciser que l'auteur de l'offre "prend connaissance des observations éventuellement formulées par le comité d'entreprise". Outre que l'auteur de l'offre aura tout intérêt à respecter ces prescriptions nouvelles sous peine d'encourir une condamnation pour délit d'entrave (15), il lui appartiendra de se montrer particulièrement prudent lors de la formulation des informations en cause. En effet, il n'est pas du tout à exclure que le juge puisse déceler dans ces déclarations quelques engagements unilatéraux...
S'agissant de l'information du personnel dans les entreprises qui font l'objet d'une OPA et qui comptent moins de 50 salariés, la loi du 31 mars 2006 prévoit que, "dans les trois jours suivant la note d'information mentionnée au IX de l'article L. 621-8 du Code monétaire et financier (N° Lexbase : L8005HB4), l'auteur de l'offre la transmet au chef de l'entreprise faisant l'objet de l'offre qui la transmet lui-même au personnel sans délai".
Faute de précisions apportées par la loi, on peut avancer que le chef de l'entreprise cible pourrait se contenter d'une information collective, que ce soit en affichant la note d'information en cause ou en la faisant figurer sur l'intranet de l'entreprise. On ne saurait, toutefois, trop recommander à ce dernier de procéder à une information individuelle des salariés concernés. En outre, il est douteux que la seule transmission de ce document suffise à épuiser l'obligation d'information pesant sur le chef d'entreprise.
On pourra, enfin, regretter et trouver curieux que le législateur n'ait pas offert au personnel de l'entreprise la possibilité d'auditionner l'auteur de l'offre.
Gilles Auzero
Professeur à l'Université Montesquieu-Bordeaux IV
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