La lettre juridique n°202 du 16 février 2006 : Contrôle fiscal

[Jurisprudence] La limitation de la durée des vérifications sur place

Réf. : Cass. com., 31 janvier 2006, n° 02-18.309, Ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie c/ Société Invest immo, FS-P+B+R (N° Lexbase : A6432DM8)

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par Daniel Faucher, Consultant au CRIDON de Paris

le 07 Octobre 2010

La demande par le service vérificateur, plus de trois mois après le début du contrôle, d'un élément d'information relatif au statut des baux consentis par l'entreprise vérifiée, concernant, donc, les impositions soumises à vérification, entraine la nullité de la procédure. Telle est la solution retenue par la Cour de cassation dans un arrêt en date du 31 janvier 2006. On sait qu'en vertu de l'article L. 52 du LPF (N° Lexbase : L3957AL7), la vérification sur place ne peut s'étendre sur une durée supérieure à trois mois pour les contribuables dont le chiffre d'affaires n'excède pas un certain seuil. Ces limites sont fixées à 763 000 euros pour les entreprises dont l'activité principale est la vente ou la fourniture de logement, 230 000 euros pour les prestataires de services et 350 000 euros pour les exploitants agricoles. L'inobservation de cette garantie entraine la nullité des impositions consécutives à une telle vérification. Le respect de cette garantie impose, donc, de déterminer précisément la date de début de la vérification, point de départ du délai, ainsi que la nature des interventions réalisées par le vérificateur. Par ailleurs, il est à remarquer qu'il existe des dérogations au principe de la limitation de la durée d'intervention sur place. 1. Date de début d'une vérification de comptabilité

Le délai de trois mois a pour point de départ le jour de la première intervention sur place de l'agent des impôts. Ce jour correspond, en principe, à celui indiqué sur l'avis de vérification adressé au contribuable. Lorsque cette date est modifiée, que ce soit à l'initiative du service ou sur demande préalable du contribuable, l'administration recommande à ses agents d'adresser, en recommandé avec accusé de réception, un courrier au contribuable confirmant la nouvelle date retenue (Doc. adm. 13 L 1314, 1er juillet 2002, n° 7). Cependant, le juge s'en tient, au-delà des mentions de l'avis, à l'examen des faits. La date de début de la vérification correspond à la date effective d'intervention sur place de l'agent des impôts (CE, 7° et 8° s-s., 15 novembre 1972, n° 83132, Sieur X c/ Ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie N° Lexbase : A0764B8S). Au cas particulier, les circonstances ne manquaient pas de piquant, puisque l'avis de vérification remis en mains propres au contribuable, le 22 décembre 1978, fixait la date de la première intervention au 21 décembre, soit la veille ! Sans s'arrêter à cette anomalie, le juge a cherché à déterminer la date à laquelle les opérations avaient effectivement commencées. Comme l'instruction révélait que ces opérations avaient débuté le 9 janvier suivant, la procédure a été jugée régulière.

2. Date d'achèvement de la vérification

Le délai de trois mois, indépendant du nombre d'interventions sur place du vérificateur et qui ne peut être ni suspendu ni prorogé (QE n° 29210 de M. Falco Hubert, JOANQ, 4 juin 1990, p. 2586, min. de l'Eco., réponse publ. 24 septembre 1990, p. 4480, 9ème législature [LXB=]), se calcule de quantième à quantième et le point d'arrivée se situe la veille du jour de la première intervention (CE, Contentieux, 23 juin 1993, n° 96477, Mme Bichet c/ Ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie N° Lexbase : A0139ANH). Au cas particulier, un contrôle sur place de comptabilité qui avait débuté le 16 octobre et s'était achevé le 16 janvier suivant excédait le délai de trois mois et était, ainsi, irrégulier. La détermination de la date à laquelle s'achève une vérification est, donc, essentielle. Selon le juge, cette date doit être fixée à celle de la dernière intervention sur place du vérificateur et non celle de la notification de redressements (CE, 3° et 8° s-s., 28 juillet 2004, n° 248542, M. Jean-Claude YX c/ Ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie N° Lexbase : A9094DD8). Cette date peut être délicate à déterminer lorsque l'agent des impôts, une fois l'examen des documents comptables effectués, entreprend certaines démarches qui peuvent se rattacher à la vérification. Ainsi, un relevé de prix effectué après l'expiration du délai de trois mois et avant que le vérificateur ait notifié les redressements correspondants ne peut qu'être considéré comme s'intégrant au contrôle de la comptabilité (TA Grenoble, 20 septembre 1996, n° 93-3219). De même, se rattache aux opérations de vérification une demande de documents comptables formulée après la dernière visite sur place et avant l'envoi de la notification de redressements (CE, Contentieux, 6 avril 2001, n° 205365, Ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie c/ M Bertrand N° Lexbase : A4649AYT). Dans l'affaire soumise récemment aux sages du Palais Royal, le litige portait, également, sur une demande de documents adressée par le service plus de trois mois après l'engagement des opérations de contrôle sur place. En l'espèce le vérificateur s'était fait communiquer des informations relatives au mode de location de l'immeuble appartenant à la société contrôlée. Jugeant que ces informations se rattachaient à la vérification, le Conseil d'Etat a annulé la procédure.

3. Dérogations au principe de limitation de la durée des vérifications

L'expiration du délai prévu à l'article L. 52 du LPF n'est pas opposable à l'administration, d'une part, en cas d'instruction suite à observations présentées par le contribuable, d'autre part, en cas d'examen de comptes financiers mixtes.

En effet, l'article L. 52, alinéa 4, du LPF précise que si le contribuable vérifié présente des observations à la suite de la réception de la notification, ou effectue une réclamation, l'administration peut, pour les besoins de leurs instructions et nonobstant l'expiration du délai de trois mois, procéder sur place à un nouvel examen de la comptabilité. Ce qui a été confirmé par le juge : la consultation de pièces justificatives, qui avait pour objectif de permettre l'étude des observations présentées par le contribuable contestant les redressements, ne constitue pas une prolongation de la vérification (CE Contentieux, 28 mars 1984, n° 38737, M. Guy Crouzier c/ Ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie N° Lexbase : A6440AL4).

La seconde dérogation vise l'examen des comptes bancaires mixtes ou utilisés pour l'exercice d'activités distinctes. Elle avait pour but de faire échec à la jurisprudence, selon laquelle, lorsque dans le cadre d'un examen de la situation fiscale personnelle réalisé en même temps qu'une vérification de comptabilité, le contrôle a porté sur des comptes mixtes, la durée de la vérification de comptabilité est censée avoir la même durée que l'examen de la situation personnelle. Ainsi, le délai de trois mois n'est pas opposable en cas d'examen de comptes mixtes ou utilisés pour l'exercice d'activités distinctes.

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