La lettre juridique n°190 du 17 novembre 2005 : Marchés publics

[Jurisprudence] La qualification des contrats de mobilier urbain

Réf. : CE Contentieux, 4 novembre 2005, n° 247298 (N° Lexbase : A2732DLR) et n° 247299 (N° Lexbase : A4760DLU), Société Jean-Claude Decaux

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par Frédéric Dieu, Commissaire du Gouvernement près le tribunal administratif de Nice (1ère ch.)

le 07 Octobre 2010

Alors que le Conseil d'Etat, saisi d'un pourvoi en cassation formé par la société Decaux contre un arrêt de la cour administrative d'appel de Paris du 26 mars 2002, vient de se prononcer sur la qualification des contrats de mobilier urbain, il y a lieu de rappeler les termes du débat juridique qui s'est cristallisé ces dernières années autour de cette question et qui a mis en lumière la spécificité de ces contrats. I. La tendance dominante de la jurisprudence récente était de qualifier de marchés publics les contrats de mobilier urbain

1) Dans la ligne d'un avis du Conseil d'Etat en date du 14 octobre 1980 (avis CE, 14 octobre 1980, n° 327449 N° Lexbase : X4356ADP EDCE 80-81, n° 32, p. 196), la tendance dominante de la jurisprudence actuelle est de qualifier ces contrats de marchés publics de prestations de service assortis d'une occupation du domaine public et soumis en tant que tels au Code des marchés publics.

Ainsi en ont jugé plusieurs tribunaux administratifs : tribunal administratif de Montpellier (TA Montpellier, 9 novembre 2000, Préfet de la région Languedoc Roussillon, Préfet de l'Hérault, n° 003828 et 003829), tribunal administratif de Cergy (TA Cergy, 5 décembre 2000, Préfet Seine-Saint-Denis, n° 999693, BJCP n° 17 p. 354).

Ainsi en a jugé également la cour administrative d'appel de Paris dans son arrêt du 26 mars 2002 (CAA Paris, 26 mars 2002, n° 97PA0373 N° Lexbase : A3825AZP et n° 01PA00232 N° Lexbase : A4143AZH, Société JC Decaux).

2) Dans ce dernier arrêt rendu en formation plénière, la cour a d'abord écarté la qualification de concession domaniale, à la fois par défaut et par excès, en jugeant, d'une part, que la condition de précarité n'était pas remplie et, d'autre part, que l'exercice par le cocontractant de missions d'intérêt général excédait l'objet de ce type de concession. La cour a ensuite écarté la qualification de délégation de service public, du fait de l'absence de versement de redevances par les usagers de la voirie publique et de prise en charge directe de l'exploitation d'un service public.

Surtout, la cour s'est démarquée de la qualification par défaut donnée à ces contrats par le Conseil d'Etat dans son avis de 1980 et a considéré que les contrats de mobilier urbain étaient des marchés publics en ce qu'ils comportaient le paiement d'un prix, constitué des avantages consentis par la commune "du fait, d'une part, de l'autorisation donnée à cette entreprise d'exploiter, à titre exclusif, une partie des surfaces offertes par le mobilier urbain à des fins publicitaires et, d'autre part, de l'exonération de tout versement de redevance pour occupation du domaine public".

Ce faisant, la cour a confirmé la solution retenue par le tribunal administratif de Cergy-Pontoise le 5 décembre 2000 et l'analyse adoptée par le tribunal administratif de Nice dans un jugement du 2 juin 1992 (TA Nice, 2 juin 1992, n° 9103580 et 9103283). Ajoutons que cette solution, non encore confirmée par le Conseil d'Etat, a été également adoptée, de manière implicite, par un arrêt de la cour administratif d'appel de Nantes en date du 30 juillet 2003, également rendu en formation plénière (CAA Nantes, 30 juillet 2003, n° 02NT01384 et n° 02NT01590, Ville de Rennes N° Lexbase : A1895DAG). Enfin, dans un arrêt du 26 octobre 2004, la cour administrative d'appel de Bordeaux a jugé que la fourniture, à titre gratuit, d'agendas comportant des informations pratiques sur la commune, présentait un caractère onéreux et constituait ainsi un marché public au sens de l'article 2 de la loi du 11 décembre 2001 (N° Lexbase : L0256AWE) (CAA Bordeaux, 26 octobre 2004, n° 01BX00342, Commune de Saint-Joseph N° Lexbase : A8312DEL, Contrats et Marchés Publics, février 2005, comm. 32, p. 25).

3) Encore plus récemment, par une ordonnance en date du 25 juillet 2005, le juge des référés du tribunal administratif de Paris a annulé la procédure de passation du marché de la convention d'occupation domaniale des espaces publics parisiens et enjoint à la ville de Paris de reprendre la procédure en se conformant aux dispositions des articles 39 et suivants du Code des marchés publics (N° Lexbase : L8744GYI).

Enfin, dans le cadre du pourvoi en cassation formé par la société Decaux contre l'arrêt précité de la cour administrative d'appel de Paris du 26 mars 2002, le commissaire du Gouvernement D. Casas a conclu à deux reprises, la première fois, le 8 juillet 2005, devant les 7ème et 2ème sous-sections réunies, et la seconde, il y a quelques jours, devant l'Assemblée du contentieux, à la qualification de marchés publics des contrats en cause.

II. Un courant jurisprudentiel et doctrinal minoritaire qualifiait cependant les contrats de mobilier urbain de contrats d'occupation du domaine public

1) Nous avons, cependant, parlé d'une tendance dominante de la jurisprudence actuelle : il faut en effet relever que, par deux jugements en date des 15 décembre 2000 et 7 novembre 2002, le tribunal administratif de Grenoble a jugé que les contrats de mobilier urbain constituaient des conventions d'occupation du domaine public et non des marchés publics, en l'absence d'un véritable prix payé par la commune, les recettes publicitaires étant en particulier perçues sur des tiers au contrat (TA Grenoble, 15 décembre 2000, n° 9802905 et 9804057, M. Avrillier c./ commune de Grenoble, BJDCP 2001, n° 17, p. 353 ; TA Grenoble, 7 novembre 2002, n° 0204092, Société Clear Channel France).

Par ailleurs, l'arrêt précité de la cour administrative d'appel de Paris a été rendu contrairement aux conclusions du commissaire du Gouvernement, V. Haïm, qui proposait également de qualifier de conventions d'occupation du domaine public les contrats de mobilier urbain pour deux raisons :

a/ l'absence de l'équivalent d'un prix, le renoncement à la perception de redevances ne se traduisant pas par une recette positive supplémentaire pour la commune, mais par une simple diminution des charges d'exploitation et le renoncement aux recettes publicitaires ne pouvant, en aucun cas, être pris en compte, dans la mesure où les communes ne peuvent légalement percevoir de telles recettes ;

b/ la marge pour risques et bénéfices relève des seules diligences de l'entreprise, la commune abandonnant ainsi non seulement des recettes mais également des charges et des risques puisque la société assure sa rémunération par les seuls résultats de l'exploitation.

2) Outre ce courant jurisprudentiel, un courant doctrinal notable s'est prononcé contre la qualification de marchés publics (Pr. de Laubadère, Traité des contrats administratifs, 1983, n° 194, p. 252 ; C. Maugüe, CJEG, avril 1997, p. 135 ; F. Lichère, RDP 1997, n° 6, p. 1765) et, de manière plus positive, pour la qualification de conventions d'occupation du domaine public : citons à cet égard le Pr. Jean-Bernard Auby (Gazette des communes du 7 avril 1997), le commissaire du Gouvernement G. Le Chatelier (Le Moniteur, 30 juin 2000), et... le Conseil d'Etat, lui -même, dans son rapport public de l'année 2002.

Dans ce rapport, le Conseil d'Etat considère que le raisonnement consistant à assimiler à un prix payé par la commune, les recettes publicitaires dont elle se prive, "paraît méconnaître le service fourni par l'entreprise (construction des installations, recherche des annonceurs, gestion commerciale du dispositif...)" et craint que "sa généralisation" aboutisse "à qualifier de marché public tout contrat conclu avec une entreprise occupant le domaine public en vue de s'y livrer à une activité commerciale".

3) Cet aperçu de la contestation jurisprudentielle et doctrinale de la jurisprudence dominante appelle plusieurs remarques.

a/ Il nous semble exact de considérer que l'abandon de recettes publicitaires ne peut constituer une composante du prix payé par la commune à la société, la diffusion de messages publicitaires constituant une activité commerciale interdite par nature aux personnes publiques (avis CE, 19 novembre 1987, n° 342940, section de l'intérieur, N° Lexbase : X4357ADQ). Toutefois, si le jugement du tribunal administratif de Cergy-Pontoise du 5 décembre 2000 précité considère comme un élément du prix "l'abandon à la [...] société des recettes publicitaires tirées de l'affichage sur la voie publique", l'arrêt de la cour administrative d'appel de Paris précité, qui confirme la solution rendue par le tribunal administratif, est plus précis et ne retient comme élément du prix que "l'autorisation donnée à cette entreprise d'exploiter, à titre exclusif, une partie des surfaces offertes par le mobilier urbain à des fins publicitaires" (nous soulignons). Il nous semble que la motivation retenue par la cour est moins contestable en ce qu'elle insiste sur le caractère d'exclusivité de l'exploitation du mobilier urbain, cette exclusivité ayant forcément un prix. Dès lors, l'on pourrait considérer que ce n'est pas l'abandon de recettes publicitaires en soi mais l'octroi de cette exclusivité d'exploitation du mobilier urbain qui constitue un élément du prix payé par la commune ; l'on éviterait ainsi de considérer comme un prix des recettes perçues sur un tiers au contrat pour se concentrer sur la seule relation entre la commune et son cocontractant ;

b/ en outre, le prix payé par la commune se compose d'un autre élément dont, à l'exception des conclusions contraires de V. Haïm sous l'arrêt de la cour administrative d'appel de Paris, le caractère de prix n'est pas remis en cause par la jurisprudence et la doctrine précitées. Cet autre élément, ce sont les redevances pour occupation du domaine public que la commune renonce à percevoir et dont le montant est, contrairement au montant des recettes publicitaires, facilement évaluable. Que cette recette ne soit pas une recette positive n'enlève rien au fait qu'il s'agit bien d'un avantage consenti par la commune à son cocontractant en échange de prestations de services ;

c/ bien plus, le prix payé par la commune nous semble comprendre d'autres avantages en nature. En effet, la plupart des contrats de mobilier urbain prévoient que les abonnements et consommations électriques nécessaires au fonctionnement et à l'éclairage des colonnes sont assurés et supportés par la ville. Or, là encore, cet avantage est aisément quantifiable. Ces contrats prévoient également que, en cas de retard de la commune à fournir à la société les affiches comportant des informations de caractère général ou local, l'affichage est soit reporté soit effectué aux frais de la commune moyennant un prix fixé d'avance. La commune peut donc être amenée à acquitter un prix à la société en contrepartie de l'affichage des informations à caractère public et non-commercial. Nous voyons ainsi que la logique qui sous-tend la rédaction de ces contrats est bien celle d'un marché public, même si cette logique est implicite et se manifeste par défaut ou plutôt à titre subsidiaire et concerne un certain type d'informations ;

d/ il n'est enfin pas contesté que les contrats litigieux permettent à la commune d'assurer des missions d'intérêt général telles que l'information municipale, la propreté de la voirie et la protection des usagers des transports publics contre les intempéries. Ces objectifs figurent d'ailleurs en préambule dans chacun de ces contrats. Dès lors que ce critère d'intérêt général est vérifié par le juge, la crainte du Conseil d'Etat de voir qualifier de marché public "tout contrat conclu avec une entreprise occupant le domaine public en vue de s'y livrer à une activité commerciale" ne nous semble pas fondée.

III. Les contrats de mobilier urbain étant plus proches des marchés publics que des contrats d'occupation du domaine public, le Conseil d'Etat a retenu cette première qualification

1) Aux termes de cette analyse, il faut bien constater que les contrats de mobilier urbain occupent une zone intermédiaire entre les marchés publics et les contrats d'occupation du domaine public, empruntant à chacune de ces catégories certaines de leurs caractéristiques. Dès lors, leur qualification dépend des caractéristiques ou des critères que l'on privilégie : que l'on insiste sur le critère du prix, en particulier sur sa composante de recettes publicitaires, et la balance penche vers les contrats d'occupation du domaine public. Que l'on insiste plutôt sur le critère de l'intérêt général et la balance penche au contraire vers les marchés publics.

Dans la mesure où il s'agit de qualifier les conventions dans leur ensemble, il y a cependant lieu de qualifier de marchés publics les contrats de mobilier urbain, bien que ces contrats constituent également, et en partie, des contrats d'occupation du domaine public. Nous estimons, en effet, que les missions d'intérêt général qu'ont pour objet d'assurer ces contrats empêchent de les assimiler dans leur ensemble à des contrats d'occupation du domaine public.

2) Par ailleurs, si la logique économique de ces contrats les fait différer des marchés publics habituels en ce que le cocontractant se rémunère, à ses risques, sur des tiers au contrat, la même logique économique oblige à reconnaître que nous sommes bien en face de contrats conclus à titre onéreux permettant de répondre à des besoins de service public et plaide, en outre, pour une soumission desdits contrats aux règles de la concurrence ainsi que l'a relevé une décision du Conseil de la concurrence en date du 7 juillet 1998, laquelle a condamné la société requérante pour abus de position dominante (décision du Conseil de la concurrence, n° 98-D-52, 7 juillet 1998, relative à des pratiques relevées dans le secteur du mobilier urbain N° Lexbase : X7359ACK). A cet égard, relevons que, dans une décision du 30 juin 2005, le Conseil de la concurrence a, pour la première fois, infligé à la société Decaux une sanction pécuniaire d'un montant de 10 millions d'euros pour non-respect des injonctions figurant dans la décision du 7 juillet 1998 (décision du Conseil de la concurrence, n° 05-D-36, 30 juin 2005, relative au respect, par les sociétés du groupe Decaux, des injonctions prononcées par la décision n° 98-D-52 du 7 juillet 1998 N° Lexbase : X3363ADW).

Il va de soi, enfin, qu'outre le débat juridique qu'il nourrit, l'enjeu de la qualification des contrats de mobilier urbain est avant tout économique puisque, dans l'état actuel de la législation et de la jurisprudence, seule la qualification de marché public et la procédure de mise en concurrence préalable semblent de nature à prévenir tout abus de position dominante. Notons à cet égard que le 8 juillet 2005, lors du premier examen du pourvoi en cassation formé par la société Decaux contre un arrêt de la cour administrative d'appel de Paris du 26 mars 2002, le commissaire du Gouvernement D. Casas a invité le législateur à innover sur les contrats d'occupation du domaine public en prévoyant que ces contrats "ne puissent être passés sans une procédure de publicité minimale". Dans l'état actuel des choses, les contrats d'occupation du domaine public continuent de présenter, par rapport aux marchés publics, "l'intérêt" d'échapper à toute obligation de mise en concurrence.

3) Par une décision en date du 4 novembre 2005, le Conseil d'Etat a clos, au moins pour un temps, le débat qui s'était cristallisé autour de la qualification des contrats de mobilier urbain, en se prononçant pour leur soumission au Code des marchés publics et donc à l'obligation de mise en concurrence préalable (CE, 4 novembre 2005, n° 247298 Société Jean-Claude Decaux N° Lexbase : A2732DLR).

Pour ce faire, le Conseil s'est fondé sur l'objet et le mode de rémunération de ces contrats.

a/ S'agissant de leur objet, après avoir rappelé qu'il comportait aussi l'occupation du domaine public, la Haute juridiction administrative a insisté sur les missions d'intérêt général qu'ont pour objet d'assurer ces contrats, lesquelles empêchent de les assimiler dans leur ensemble à des contrats d'occupation du domaine public. Ces missions d'intérêt général comprennent à la fois l'information des habitants et la protection des usagers des transports en commun. Au fond, en étant la première à conclure des contrats de mobilier urbain, la société Decaux a elle-même créé les besoins d'intérêt général qui justifient maintenant la "requalification" de ses contrats en marchés publics.

Ajoutons, enfin, que l'accent mis sur l'objet du contrat a également permis au Conseil d'Etat d'écarter la qualification de délégation de service public dans la mesure où la société Decaux ne s'est pas vue confier par la collectivité la prise en charge effective d'un service public.

b/ S'agissant de mode de rémunération du cocontractant de la collectivité, le Conseil d'Etat a retenu une conception large de la notion de prix en différenciant nettement le paiement du décaissement. Dans la ligne de la jurisprudence communautaire et de la nouvelle rédaction du Code des marchés publics qui définit ces marchés comme des "contrats conclus à titre onéreux", le Conseil d'Etat a relevé que la rémunération de la société Decaux avait deux composantes, une composante "positive" et une composante "négative". En outre, il a précisé et développé la notion de rémunération en s'appuyant sur l'existence d'"avantages consentis à titre onéreux".

La première composante est l'autorisation exclusive accordée à la société d'exploiter une partie du mobilier urbain à des fins publicitaires. A cet égard, le Conseil d'Etat a considéré que le principe de la liberté du commerce et de l'industrie ne faisait pas obstacle à ce que la collectivité valorisât son domaine public, se prononçant ainsi implicitement sur l'argument invoqué par le commissaire du Gouvernement V. Haïm dans ses conclusions sous l'arrêt de la cour administrative d'appel de Paris du 26 mars 2002, selon lequel l'abandon de recettes publicitaires ne pouvait en aucun cas être pris en compte, dans la mesure où les communes ne peuvent légalement percevoir de telles recettes. Pour le Conseil, ce n'est donc pas la nature financière des recettes qui importe, mais leur "fait générateur", à savoir la jouissance par la collectivité, en tant que propriétaire de son domaine public, des fruits de ce domaine. En outre, comme nous l'avons indiqué plus haut, le Conseil d'Etat a, comme la cour administrative d'appel de Paris, et à la différence du tribunal administratif de Cergy-Pontoise, insisté sur l'exclusivité d'exploitation du mobilier urbain à des fins publicitaires, laquelle a évidemment un prix. En se fondant sur cette exclusivité plutôt que sur l'abandon de recettes publicitaires, la Haute juridiction s'est donc attachée à définir la composante positive de la rémunération de la société Decaux.

La seconde composante de la rémunération de la société est, en revanche, négative puisqu'elle consiste en l'exonération de redevances d'occupation du domaine public. A cet égard, le Conseil d'Etat a nettement distingué la notion d'avantage à titre onéreux de la notion de décaissement en considérant que l'octroi d'un tel avantage pouvait fort bien ne pas se traduire par une dépense effective pour la collectivité, c'est-à-dire, plus prosaïquement, par une "sortie d'argent". Nous avons rappelé plus haut que la jurisprudence nationale s'était déjà prononcée en ce sens (cf. CAA Bordeaux, 26 octobre 2004, n° 01BX00342, Commune de Saint-Joseph précité, Contrats et Marchés Publics, février 2005, comm. 32, p. 25). C'est également le cas de la jurisprudence communautaire, la CJCE considérant que, lorsque l'administration renonce au recouvrement d'une dette, cela vaut acquittement de la dette et suffit à caractériser l'existence d'un contrat conclu à titre onéreux.

Au total, c'est donc aux termes d'une approche résolument réaliste et plus économique que juridique que le Conseil d'Etat s'est prononcé pour la qualification de marchés publics des contrats de mobilier urbain. Il est également permis de penser que cette approche était "finaliste" en ce qu'il s'agissait de soumettre ces contrats à l'obligation de mise en concurrence préalable dans un contexte marqué par la vigilance croissante du Conseil de la concurrence et la sévérité de la jurisprudence communautaire en matière de pratiques anti-concurrentielles.

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