Réf. : Décret n° 2005-1008 du 24 août 2005 (N° Lexbase : L8142HB8)
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par Chrystel Farnoux, conseiller juridique à la Chambre de Commerce et d'Industrie de l'Essonne
le 07 Octobre 2010
Contrairement à la dérogation générale et inconditionnelle posée par les rédacteurs des dispositions d'origine, le décret du 24 août 2005 inverse la logique en posant le principe de publicité ou le cas échéant, de mise en concurrence, de l'acte d'achat.
Or, à ce principe, est attachée une dérogation. En effet, l'alinéa 3 de l'article 30 modifié, prévoit qu'aucune publicité ou mise en concurrence ne pourra être faite quand, au regard des caractéristiques du marché et notamment au regard de son objet, de son montant ou encore du degré de concurrence entre les prestataires, celles-ci s'avèrent impossibles à initier ou encore inutiles. Nonobstant l'analyse au cas par cas qui devra systématiquement être menée, cette dérogation pourrait notamment s'appliquer pour des prestations artistiques ou pour lesquelles, il n'existe qu'un fournisseur ou qu'un nombre limité, déterminé et connu de fournisseurs. Or, dans cette dernière hypothèse, si la publicité s'avère inutile, la mise en concurrence devra cependant, être mise en oeuvre.
En dehors des rares cas où la personne publique est autorisée à passer outre toute mesure de publicité ou de mise en concurrence (cf. supra), celle-ci ne pourra choisir un prestataire qu'à l'issue d'une procédure de passation respectant les principes fondamentaux que sont la transparence des procédures, la liberté d'accès à la commande publique et l'égalité de traitement des candidats et soumissionnaires à un marché (C. marchés publ., art. 1er N° Lexbase : L1067DY8).
Ladite procédure peut être la procédure adaptée, comme cela est autorisé par l'alinéa 1er de l'article 30 modifié. Cependant, il paraît inconcevable (alors même que le service relève sans aucun doute, de l'article 30), car juridiquement injustifiable, d'utiliser cette procédure dans l'hypothèse où les caractéristiques du marché permettent la mise en oeuvre d'un appel d'offres ou de toute autre procédure formalisée (en cas de marchés d'un montant supérieur au seuil de 150 000 euros HT pour l'Etat et de 230 000 euros HT pour les collectivités territoriales). Citons à cet égard, les prestations de gardiennage pour lesquelles rien n'empêche de suivre l'intégralité des dispositions réglementaires prévues en matière d'appel d'offres.
Les règles applicables aux procédures lancées en application de l'article 30 modifié, sont celles prévues par :
- le titre I du code, relatif à son champ d'application et aux principes fondamentaux inhérents à la qualification même de marché public. Rappelons, en effet, que tout marché doit être passé, indépendamment de la procédure de passation mise en oeuvre (procédures adaptée, allégée ou formalisée), en respectant les trois principes précités (cf. supra - Quelle procédure ?).
En outre, l'article 6 du code (N° Lexbase : L3901HCH) relatif à la définition des prestations n'est obligatoire qu'à partir du seuil de 230 000 euros HT (rappelons à cet égard, que le seuil de déclenchement est, pour les marchés ne relevant pas de l'article 30, de 150 000 euros HT pour l'Etat).
- le titre II hormis les dispositions incluses dans son chapitre V, à savoir celles relatives aux documents constitutifs du marché et plus particulièrement aux clauses obligatoires à insérer dans lesdites pièces.
Il convient, à cet égard, de souligner que lorsque la personne morale passant le marché se situe dans le cadre de l'article 30, le caractère écrit du contrat n'est pas rendu obligatoire. Cette disposition mérite quelques développements. En effet, même si le caractère écrit du contrat n'est pas obligatoire, nous ne pouvons que conseiller aux personnes publiques de rédiger des contrats écrits, sécurisant juridiquement (clauses relatives aux pénalités, aux modalités de vérification de la prestation, à la résiliation pour motif d'intérêt général ou pour faute du cocontractant...) mais aussi économiquement (objet précis du marché et contenu du prix -notamment au regard de son caractère forfaitaire- sur lequel le titulaire s'est engagé...) le contrat passé engageant, quelquefois de manière substantielle, l'Etat ou la collectivité passant le marché. Enfin, l'engagement écrit des parties est, en cas de contentieux, le mode de preuve le plus efficace pour faire valoir ses droits issus de l'application des clauses contractuelles.
- le titre III, à l'exception des dispositions relatives à l'organisation de la publicité (articles 39 N° Lexbase : L8744GYI et 40 N° Lexbase : L8746GYL), à l'information des candidats potentiels (articles 41 N° Lexbase : L6445DYD, 42 N° Lexbase : L1085DYT) et rejetés (article 77 N° Lexbase : L6448DYH), aux modalités de présentation des offres (articles 48, 49 et 50 N° Lexbase : L1090DYZ) ; au groupement d'entreprises (section 6), à l'examen des candidatures et des offres (section 7), à la dématérialisation (section 8), aux procédures de passation (chapitre IV), aux marchés fractionnés, de définition et de maîtrise d'oeuvre (chapitre V), aux avenants (article 75 N° Lexbase : L1118DY3), à l'obligation de notification (article 79 N° Lexbase : L1110DYR). Nous ne pouvons encore une fois que conseiller aux acheteurs, dans un but de sécurisation du marché mais aussi afin d'optimiser son exécution, de mettre en oeuvre ou a minima, de s'inspirer, de certaines des dispositions précitées.
Nous prendrons ici deux exemples :
- l'examen des candidatures et des offres : les règles posées par le code permettent notamment de participer à la mise en oeuvre pratique du principe de transparence qui, rappelons le, doit être respecté quelle que soit la procédure mise en oeuvre ;
- la notification en bonne et due forme du marché paraît incontournable, notamment, afin d'anticiper (lorsque aucune date précise de prise d'effet n'est fixée), sur d'éventuels désaccords sur le champ d'application temporel dudit marché, c'est-à-dire sur sa durée (notamment en cas de marché "à bons de commande").
L'attribution du marché est de la compétence de la personne responsable du marché en dessous du seuil de 230 000 euros HT. Au dessus de ce seuil, compétence est donnée à la personne responsable du marché après avis de la commission d'appel d'offres pour l'Etat et de la commission d'appel d'offres pour les collectivités territoriales. La compétence de la personne responsable du marché se trouve donc élargie concernant l'Etat, l'avis de la commission d'appel d'offres étant normalement requis à partir de 150 000 euros HT.
En outre, il convient de préciser que les règles d'attribution prévues par le Code général des collectivités territoriales (CGCT) modifiées par l'ordonnance n° 2005-645 du 6 juin 2005 (N° Lexbase : L8432G8S), s'appliquent aux personnes publiques entrant dans son champ d'application. Ainsi, l'assemblée délibérante (conseil municipal pour les communes et commission permanente pour les conseils généraux et régionaux) devra se prononcer (en amont ou en aval selon le cas d'espèce - cf. ordonnance précitée) sur tous les marchés d'un montant égal ou supérieur au seuil de 230 000 euros HT ou en cas d'absence de délégation de l'assemblée délibérante (CGCT, art. 2122-22 N° Lexbase : L7906HBG pour les communes, art. 3221-11 N° Lexbase : L4803AWS pour les départements et art. 4231-8 N° Lexbase : L4804AWT pour les régions), en dessous de ce seuil.
Concernant lesdites mesures, il conviendra pour la personne publique, d'envoyer un avis d'attribution en cas de procédure dont le montant est égal ou supérieur à 230 000 euros HT (rappelons qu'en dehors de la procédure de l'article 30, le seuil est fixé à 150 000 euros HT pour l'Etat).
En outre, cette dernière devra, le cas échéant, transmettre le marché aux organes de contrôle (notamment contrôle de légalité). Rappelons, en effet, que cette obligation est prévue par les articles L. 2131-2 N° Lexbase : L2001GUN, L. 3131-2 N° Lexbase : L1855GUA et L. 4141-2 N° Lexbase : L1973GUM du Code général des collectivités territoriales, et rappelée par l'article 78 du Code des marchés publics (N° Lexbase : L6449DYI).
Une précision semble devoir être apportée : le fait que la notion de procédure adaptée figure à l'alinéa 1er de l'article 30 modifié n'exclue pas, pour autant, la transmission du marché au contrôle de légalité. En effet, le décret n° 2004-1298 du 26 novembre 2004 (N° Lexbase : L4183GUH) pris en vue d'adapter le Code général des collectivités territoriales au nouveau Code des marchés publics, précise que les marchés sans formalités préalables mentionnés dans le CGCT sont les marchés d'un montant inférieur aux seuils fixés par l'article 28 du Code des marchés publics (N° Lexbase : L8735GY8) à savoir, 150 000 euros HT pour l'Etat et à 230 000 euros HT pour les collectivités territoriales. Ainsi, seuls sont concernés les marchés passés selon la procédure adaptée eu égard à leur montant et non à leur nature.
Enfin, nous remarquerons que l'article 76 du Code des marchés publics (N° Lexbase : L1109DYQ) est applicable aux marchés passés selon l'article 30 et dont le montant est égal ou supérieur à 230 000 euros HT et ce, contrairement à sa rédaction initiale. Ainsi, l'ensemble des candidats et soumissionnaires devra être informé de la décision prise à leur égard ainsi que, le cas échéant, de la décision prise par la personne publique de déclarer la consultation infructueuse ou sans suite.
En outre, le délai de carence de 10 jours entre la notification des rejets et la notification du marché à l'attributaire, devra être respecté.
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