Réf. : Décret du 3 novembre 2005, n° 2005-1368 (N° Lexbase : L1890HDD) ; décret du 3 novembre 2005, n° 2005-1369 (N° Lexbase : L1891HDE)
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le 07 Octobre 2010
Très tôt annoncé par les médias, ce nouveau dispositif a soulevé de nombreuses questions. En effet, même si le mécanisme de base n'est pas très compliqué -et existe d'ailleurs depuis longtemps dans de nombreux pays européens- (v., par ex., le medico de cabecera espagnol ou encore "l'assistant de triage" créé aux Pays-Bas), il appelait quelques précisions sur sa mise en oeuvre concrète.
En effet, la loi du 13 août 2004 prévoit notamment, en substance, que la participation des assurés peut être majorée pour ceux d'entre eux qui n'auraient pas choisi de médecin traitant ou qui consulteraient un praticien sans consultation et prescription préalables de leur médecin traitant. Quelques précisions avaient été apportées par la convention nationale des médecins généralistes et des médecins spécialistes signée le 12 janvier 2005 et approuvée par arrêté du 3 février 2005 (arrêté portant approbation de la convention nationale des médecins généralistes et des médecins spécialistes N° Lexbase : L5240G79), mais beaucoup faisaient encore défaut alors que la mise en oeuvre du dispositif dans son ensemble est prévue à compter du 1er janvier (sous la réserve des dispositions relatives au dossier médical, qui ne devraient prendre effet qu'en 2007).
Ces précisions sont enfin amenées par les pouvoirs publics. A l'occasion d'une récente chronique, nous nous faisions ainsi l'écho de l'adoption des dispositions réglementaires relatives aux contrats responsables (v. décret n° 2005-1226 du 29 septembre 2005 relatif au contenu des dispositifs d'assurance maladie complémentaire bénéficiant d'une aide et modifiant le Code de la Sécurité sociale N° Lexbase : L5490HCC, Lexbase Hebdo n° 186 du 20 octobre 2005 - édition sociale N° Lexbase : N9825AIQ). Rappelons simplement que ces dispositions sont venues préciser les conditions de la prise en charge par l'assurance maladie complémentaire des majorations restant à la charge de l'assuré en cas de non-respect du dispositif du médecin traitant.
Par deux décrets en date du 3 novembre 2005 (décret n° 2005-1368 du 3 novembre 2005 relatif à la majoration de la participation de l'assuré prévue à l'article L. 162-5-3 du Code de la Sécurité sociale et modifiant ce code N° Lexbase : L1890HDD ; décret du 3 novembre 2005, n° 2005-1369, fixant les conditions dans lesquelles la majoration prévue à l'article L. 162-5-3 du Code de la Sécurité sociale n'est pas appliquée N° Lexbase : L1891HDE), le pouvoir réglementaire ajoute une nouvelle pierre à l'édifice. Cette nouvelle pierre est de taille puisqu'elle concerne rien moins que le montant de la majoration de participation susceptible de s'imposer à l'assuré en cas de non-respect du dispositif du médecin traitant (1), mais également les cas dans lesquels la majoration sera écartée (2).
1. Le montant de la majoration de la participation de l'assuré
La participation de l'assuré (ou de ses ayants droit) au financement des dépenses de soins est une pratique généralisée dans les pays européens. En effet, cotisations ou impôts sont complétés dans la plupart des cas par la mise en place d'un ticket modérateur, c'est-à-dire d'une participation de l'assuré qui reste à la charge de ce dernier après remboursement des frais par la Sécurité sociale. Les explications données à la mise en place de tickets modérateurs sont diverses : responsabilisation des assurés, amélioration de la situation financière des régimes... En droit positif, la participation de l'assuré est prévue et précisée aux articles L. 322-2 et suivants du Code de la Sécurité sociale (N° Lexbase : L1560GUC).
On l'a dit, la réforme de l'assurance maladie issue de la loi du 13 août 2004 a notamment eu pour objectif de mettre l'accent sur la définition de parcours de soins s'imposant à l'assuré dans un but de rationalisation des pratiques médicales mais, également, de rationalisation des dépenses de santé. Le médecin traitant a été conçu comme la cheville ouvrière de ces parcours.
Ainsi, le Code de la Sécurité sociale prévoit désormais le choix d'un médecin traitant par tout assuré ou ayant droit âgé de 16 ans ou plus. Soucieux de ne pas heurter, au moins frontalement, le principe de libre choix du praticien, les pouvoirs publics n'ont pas interdit la consultation d'autres praticiens que le médecin traitant. Mais, il a été prévu que l'absence de choix d'un médecin traitant ou la consultation d'un autre médecin sans prescription préalable du médecin traitant conduit à une majoration du ticket modérateur (de la participation) restant à la charge de l'assuré (en ce sens, v. CSS, art. L. 162-5-3 N° Lexbase : L1384GUS).
L'incitation financière est claire. Cependant, les modalités exactes de cette incitation restaient à définir. En effet, les assurés ont été appelés à choisir un médecin traitant depuis déjà quelques mois. Pourtant, ils ne disposaient pas de tous les éléments : les pouvoirs publics n'avaient pas encore fixé le montant de la majoration prévue en cas d'absence de choix d'un médecin traitant ou de consultation directe sans passage par le médecin traitant choisi. Cette carence n'a pas été sans soulever de nombreuses questions, notamment parmi les acteurs de l'assurance maladie complémentaire qui ont légitimement pu s'interroger sur les modalités d'une éventuelle prise en charge de la majoration de participation (v. notre récente chronique relative aux contrats responsables, précitée).
Il n'est pas inutile de rappeler que, dans sa décision relative à la loi du 13 août 2004 (Cons. const., décision n° 2004-504 DC, du 12 août 2004, loi relative à l'assurance maladie N° Lexbase : A1527DDW), le Conseil constitutionnel avait retenu que les majorations devraient être "fixées à un niveau tel que ne soient pas remises en cause les exigences de l'alinéa 11 du Préambule de la Constitution de 1946" (N° Lexbase : L6815BHU) (garantie de la protection de la santé). La juridiction constitutionnelle avait parfaitement perçu que la mise en place de tickets modérateurs (et qui plus est de majorations de tickets modérateurs) doit impérativement s'opérer dans certaines limites, à défaut de quoi la protection garantie par l'assurance maladie serait remise en cause.
Alors que les majorations sont applicables dès le 1er janvier 2006, le décret n° 2005-1368 du 3 novembre 2005 vient, enfin, préciser que la participation de l'assuré ou de son ayant droit peut être majorée pour les actes et consultations réalisés par des médecins de 7,5 à 12,5 % du tarif servant de base au calcul des prestations en nature de l'assurance maladie. Le texte prévoit également que cette majoration s'applique aux personnes bénéficiant d'une allocation de solidarité (CSS, art. R. 322-3 N° Lexbase : L7931G7U), ainsi qu'aux cas d'hospitalisation.
La rédaction du décret pourrait surprendre : le taux de la majoration n'est pas précisément fixé : seule une fourchette est déterminée. La fixation exacte de la majoration est confiée par le décret à l'UNCAM (Union nationale des caisses d'assurance maladie). Rappelons que cette union a été créée par la loi du 13 août 2004 dans le but d'améliorer la coordination des actions en direction des professionnels de santé dans une optique de maîtrise des dépenses et de gestion des risques (v., CSS, art. L. 182-2 et s. N° Lexbase : L1519GUS).
Il convient, également, de souligner que l'UNCAM constitue un établissement public national à caractère administratif soumis au contrôle de l'Etat. De plus, la mission confiée à l'UNCAM fait l'objet d'une autre limite : en effet, le décret du 3 novembre prévoit également que la majoration ne peut dépasser un montant égal au produit de la rémunération applicable aux consultations de cabinet des médecins spécialistes pratiquant des honoraires opposables, tels que fixés par la convention nationale (ou le règlement arbitral) multiplié par le taux retenu par l'UNCAM.
Alors que la fin de l'année approche, il serait souhaitable que la fixation précise du taux de majoration intervienne assez rapidement... Pour l'heure, une seule chose est sûre : l'assurance maladie complémentaire ne pourra prendre en charge la majoration, sauf à perdre le label de "contrats responsables". Le pouvoir réglementaire a cependant été plus précis quant aux cas d'exonération de la majoration.
2. Les cas d'exonération de la majoration de participation de l'assuré
Les systèmes de sécurité sociale ayant recours au ticket modérateur prévoient, pour la plupart, des cas d'exonération dans certaines hypothèses pour lesquelles il serait inopportun de maintenir une participation de l'assuré. La majoration du ticket modérateur prévue en cas de non-respect du dispositif du médecin traitant est également écartée dans certains cas pour lesquels ce non-respect est considéré comme justifié ou légitime.
L'article L. 162-5-3 du Code de la Sécurité sociale (N° Lexbase : L1384GUS) précisait déjà que la majoration n'est pas applicable lorsque la consultation se fait en cas d'urgence auprès d'un autre médecin que le médecin traitant ou lorsque la consultation se fait en dehors du lieu où réside de façon stable et durable l'assuré ou son ayant droit. Ces deux exceptions méritaient quelques précisions.
Le décret n° 2005-1368 reprend les exceptions prévues par le législateur et apporte des éléments de précision. Au sujet de la seconde exception, liée à l'urgence, le décret retient que la majoration est écartée lorsque l'assuré ou son ayant droit recourt à un médecin "parce qu'il est confronté à une situation non prévue plus de huit heures auparavant pour une affection ou la suspicion d'une affection mettant en jeu la vie du patient ou l'intégrité de son organisme et nécessitant l'intervention rapide du médecin".
On conçoit que la définition de l'urgence est délicate, mais la définition retenue laisse augurer de belles joutes contentieuses... Une déception plus marquée peut, en revanche, être exprimée en ce qui concerne la première exception liée à une consultation en dehors du lieu de résidence. En effet, cette exception aurait pu faire l'objet d'une définition plus précise et surtout plus objective. Or, le décret se contente d'indiquer que la majoration est écartée lorsque l'assuré ou son ayant droit est "éloigné de son lieu de résidence habituelle". On peut se demander en quoi le texte législatif est précisé...
Outre les hypothèses déjà prévues par l'article L. 162-5-3 et précisées par le décret n° 2005-1368, d'autres cas d'exonération de la majoration de participation sont énoncées par le décret n° 2005-1369. Pour l'essentiel, trois types d'exonération de la majoration sont prévues.
Le texte prévoit, tout d'abord, un ensemble de situations dans lesquelles le parcours de soins connaît des aménagements en raison de particularités liées à la pathologie de l'assuré et au(x) traitement(s) qu'elle impose (notamment par rapport au passage préalable par le médecin traitant). Ainsi, la majoration n'est pas appliquée quand, à la suite d'une prescription du médecin traitant, des soins itératifs sont pratiqués par le médecin consulté.
On conçoit aisément l'aberration qui aurait consisté à imposer un passage par le médecin traitant avant chaque soin par le médecin consulté ! Cependant, la logique du parcours de soins est respectée, voire renforcée : un passage préalable par le médecin traitant et une prescription de ce dernier sont prévus et les soins itératifs donnés par le médecin consulté doivent faire l'objet d'un plan de soins convenu entre le médecin traitant et le médecin consulté en accord avec le patient (1).
Dans la même logique, la majoration est écartée en cas d'intervention successive de plusieurs médecins pour une même pathologie. Le texte réglementaire pose une condition du même type que la précédente : l'exonération de majoration n'interviendra que sous réserve que cette séquence de soins soit réalisée en concertation avec le médecin traitant.
Enfin, une troisième hypothèse d'exonération concerne les assurés souffrant d'une affection de longue durée. On sait que la loi du 13 août 2004 a complété l'article L. 324-1 du Code de la Sécurité sociale (N° Lexbase : L1286GU8) : en cas d'ALD, le médecin traitant et le médecin conseil établissent conjointement un protocole de soins périodiquement révisable. Là encore, très logiquement, le décret du 3 novembre 2005 prévoit que la majoration n'est pas due pour les actes et consultations prévus dans le cadre de ce protocole.
L'exonération de majoration est, en second lieu, prévue pour des situations dans lesquelles l'organisation des soins impose de déroger, ou au moins d'aménager le dispositif du médecin traitant. Ainsi, l'exonération de majoration est retenue pour les actes et consultations assurés (en cas d'indisponibilité du médecin traitant) par le médecin qui assure son remplacement ou, lorsque le médecin traitant exerce en centre de santé ou en groupe, par un autre médecin exerçant dans le même centre ou dans un cabinet situé dans les mêmes locaux (2).
Dans la même logique, l'exonération est retenue pour les actes et consultations d'un médecin intervenant au titre de la permanence des soins mentionnée à l'article L. 6315-1 du Code de la santé publique ou encore pour les actes et consultations assurés par un médecin exerçant dans une consultation hospitalière de tabacologie, d'alcoologie, ou de lutte contre les toxicomanies (3).
Enfin, l'exonération est retenue dans des hypothèses qui ont été fréquemment évoquées lors de l'adoption du dispositif du médecin traitant : il est, en effet, rapidement apparu (et les intéressés n'ont pas manqué de le faire savoir...) que le passage préalable par le médecin traitant n'était pas opportun en ce qui concerne certaines spécialités. Quelques débats ont eu lieu à propos des spécialités devant être comprises dans cette hypothèse d'exonération de majoration. Le décret précise que la majoration n'est pas appliquée lorsque le patient consulte, sans prescription de son médecin traitant, des médecins relevant des spécialités suivantes : gynécologie médicale, gynécologie obstétrique, ophtalmologie, psychiatrie et neuro-psychiatrie.
Olivier Pujolar
Maître de conférences à l'Université Montesquieu-Bordeaux IV
(2) Dans ces hypothèses, la question peut être parfois posée de la réalité du respect d'un certain parcours de soins : l'identité géographique n'implique pas forcément une pratique coordonnée...
(3) Le texte prévoit, enfin, l'exonération de la majoration lorsqu'un militaire consulte sur prescription d'un médecin du service de santé des armées.
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