La lettre juridique n°190 du 17 novembre 2005 : Contrôle fiscal

[Textes] L'entrée en vigueur de la Convention sur l'assistance administrative mutuelle du 25 janvier 1988

Réf. : Convention concernant l'assistance administrative mutuelle en matière fiscale du 25 janvier 1988

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le 07 Octobre 2010

Si le développement des mouvements internationaux de personnes, de capitaux, de biens et de services peut être considéré par les différents Etats comme largement bénéfique, en revanche, selon ces derniers, il a accru les possibilités d'évasion et de fraude fiscales. Partant de ce constat les Etats membres du Conseil de l'Europe et les pays membres de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), ont considéré nécessaire d'organiser une coopération croissante entre les autorités fiscales comme aboutissement de tous les efforts déployés au cours des dernières années sur le plan international, que ce soit à titre bilatéral ou multilatéral, pour lutter contre l'évasion et la fraude fiscales. Cette Convention a été à ce jour ratifiée par une douzaine de pays dont les Etats-Unis, les Pays-Bas, le Danemark, la Belgique et l'Italie (*). Parmi ceux qui ont refusé d'approuver la Convention on notera l'Allemagne, le Luxembourg, la Suisse et le Lichtenstein (**). C'est ainsi qu'est née la convention portant assistance administrative mutuelle en matière fiscale signée par les Etats membres du Conseil de l'Europe et les pays membres de l'OCDE, le 25 janvier 1988.
L'approbation de cette Convention par la France a été autorisée par la loi n° 2005-225 du 14 mars 2005 (N° Lexbase : L0862G8G), et est entrée en vigueur le ler septembre 2005, puis publiée au Journal officiel du 24 septembre 2005 par un décret en date du 19 septembre 2005 (décret du 19 septembre 2005, n° 2005-1198, portant publication de la convention concernant l'assistance administrative mutuelle en matière fiscale (ensemble deux annexes) N° Lexbase : L6028HCA).

Cette Convention est accompagnée de deux annexes. La première annexe porte plus particulièrement sur les impôts auxquels s'applique la convention et la seconde annexe, sous forme d'une déclaration, décrit le champ d'application territorial de cette dernière.

On observera que l'objet de la Convention (art. 1) ne couvre pas seulement l'assistance administrative proprement dite, suivant des modalités d'application pratiques visées au chapitre IV (art. 18 à 23), mais aussi, le cas échéant, les actes accomplis par des organes juridictionnels.

1. Rappel des principes fondamentaux et garanties des contribuables

Dans son préambule la Convention rappelle que cette coopération internationale doit assurer le respect des principes fondamentaux "en vertu desquels toute personne peut, dans la détermination de ses droits et obligations, prétendre à une procédure régulière" lesquels "doivent être reconnus dans tous les Etats comme s'appliquant en matière fiscale" et que ces derniers doivent "s'efforcer de protéger les intérêts légitimes du contribuable, en lui accordant notamment une protection appropriée contre la discrimination et la double imposition".

En effet, la volonté affichée des Etats signataires de la Convention de faciliter l'évaluation correcte des obligations fiscales de leurs contribuables doit les conduire en contrepartie, selon la Convention, à assurer une protection appropriée de leurs droits.

C'est ainsi que les Etats ne doivent pas prendre des mesures, ni fournir des renseignements, d'une manière qui ne soit pas conforme à leur droit et à leur pratique, et doivent tenir compte du caractère confidentiel des renseignements, ainsi que des instruments internationaux relatifs à la protection de la vie privée et au flux de données de caractère personnel.

Pour procéder à l'établissement et à la perception des impôts, au recouvrement des créances fiscales ou aux mesures d'exécution y relatives et, exercer des poursuites devant une autorité administrative ou engager des poursuites pénales devant un organe juridictionnel, la Convention précise (art. 4) que les renseignements échangés entre les parties doivent "paraître pertinents". Les renseignements qui, selon "toute vraisemblance, seraient dénués de pertinence au regard des objectifs" précités de la Convention, ne peuvent selon cette dernière faire l'objet d'échange.

Par ailleurs, il est également précisé que les renseignements doivent être produits avec l'autorisation préalable de la partie qui les a fournis, lorsqu'ils sont utilisés comme moyen de preuve devant une juridiction pénale, sauf si les parties intéressées, d'un commun accord ont renoncé à cette condition.

En outre, une partie peut, par une simple déclaration indiquer que, conformément à sa législation interne, ses autorités peuvent informer son résident ou ressortissant avant de fournir des renseignements le concernant en application des articles 5 (échange de renseignements sur demande) et 7 (échange spontané de renseignements) de la Convention.

Enfin, la convention apporte des précisions sur les conditions et modalités des demandes de l'Etat requérant à l'Etat requis (art. 18 à 21) et sur le secret des renseignements obtenus qu'ils doivent garantir (art. 22). Ainsi, la demande de l'Etat requérant doit être conforme à sa législation et à sa pratique administrative (art. 18) et être présentée après épuisement de tous les moyens dont il dispose sur son propre territoire, à moins que leur usage ne donne lieu à des difficultés disproportionnées (art. 19). A défaut de ces conditions, l'Etat requis peut décliner la demande de l'Etat requérant. La protection des personnes et les limites de l'obligation d'assistance se trouvent clairement établies par la déclaration (art. 21), qu'aucune disposition de la Convention ne peut être interprétée comme limitant les droits et garanties accordés aux personnes par la législation ou la pratique de l'Etat requis.

Cette assistance administrative comprend (art. 2) l'échange de renseignements (Section I, art. 4 à 7), y compris les contrôles fiscaux simultanés et la participation à des contrôles fiscaux menés à l'étranger (Section I, art. 8 à 10) ainsi que le recouvrement des créances fiscales, y compris les mesures conservatoires (Section II, art. 11 à 16) et, enfin, la notification de documents (Section III, art. 17).

2. L'échange de renseignements

Il est précisé, par la Convention, en ce qui concerne les personnes visées par cette dernière, que la partie accordera son assistance administrative, que la personne affectée soit un résident ou un ressortissant d'une partie ou de tout autre Etat.

Les impôts visés par la Convention couvrent de manière très large les impositions de toute nature (art. 2) dont notamment l'impôt sur le revenu ou les bénéfices, les impôts sur les gains en capital qui sont perçus séparément de l'impôt sur le revenu.

Le terme "impôt", au sens de la Convention, désigne tout impôt ou cotisation de sécurité sociale.

2.1. L'échange de renseignements proprement dits (art. 5 à 7)

i) L'échange de renseignements sur demande (art. 5) vise la demande d'un Etat requérant, à un autre Etat, l'Etat requis, de lui fournir tout renseignement (art. 4) concernant une personne ou une transaction déterminée.

Si les renseignements disponibles dans les dossiers fiscaux de l'Etat requis ne lui permettent pas de donner suite à la demande de renseignements, il doit prendre toutes les mesures nécessaires afin de fournir à l'Etat requérant les renseignements demandés.

ii) L'échange automatique de renseignements (art. 6) vise des renseignements (art. 4) pour des catégories de cas et selon les procédures qu'elles déterminent d'un commun accord.

iii) L'échange spontané de renseignements (art. 7) vise la communication par une partie sans demande préalable, à une autre partie, d'informations dont elle a connaissance dans les situations suivantes :

- la première partie a des raisons de présumer qu'il existe une réduction ou une exonération anormale d'impôt dans l'autre partie ;

- un contribuable obtient, dans la première partie, une réduction ou une exonération d'impôt qui devrait entraîner pour lui une augmentation d'impôt ou un assujettissement à l'impôt dans l'autre partie ;

- des affaires entre un contribuable d'une partie et un contribuable d'une autre partie sont traitées par le biais d'un ou plusieurs autres pays, de manière telle qu'il peut en résulter une diminution d'impôt dans l'une ou l'autre ou dans les deux ;

- une partie a des raisons de présumer qu'il existe une diminution d'impôt résultant de transferts fictifs de bénéfices à l'intérieur de groupes d'entreprises ;

- à la suite d'informations communiquées à une partie par une autre partie, la première partie a pu recueillir des informations qui peuvent être utiles à l'établissement de l'impôt dans l'autre partie.

2.2. L'échange de renseignements par les contrôles fiscaux (art. 8 à 10) :

i) Les contrôles fiscaux simultanés (art. 8) sont ceux qui sont entrepris en vertu d'un accord par lequel deux ou plusieurs parties conviennent de vérifier simultanément, chacune sur son territoire, la situation fiscale d'une ou de plusieurs personnes qui présente pour elles un intérêt commun ou complémentaire, en vue d'échanger les renseignements ainsi obtenus.

A la demande de l'une d'entre elles, deux ou plusieurs parties se consultent pour déterminer les cas devant faire l'objet d'un contrôle fiscal simultané et les procédures à suivre. Chaque partie décide si elle souhaite ou non participer, dans un cas déterminé, à un contrôle fiscal simultané.

ii) Les contrôles fiscaux à l'étranger (art. 9) peuvent avoir lieu, lorsque à la demande de l'autorité compétente d'un Etat requérant, l'autorité compétente de l'Etat requis autorise les représentants de l'autorité compétente de l'Etat requérant à assister à la partie appropriée d'un contrôle fiscal dans l'Etat requis.

Si la demande est acceptée, l'autorité compétente de l'Etat requis fait connaître aussitôt que possible à l'autorité compétente de l'Etat requérant la date et le lieu du contrôle, l'autorité ou le fonctionnaire chargé de ce contrôle, ainsi que les procédures et conditions exigées par l'Etat requis pour la conduite du contrôle. Toute décision relative à la conduite du contrôle fiscal est prise par l'Etat requis.

Il convient toutefois d'observer que la Convention laisse à la partie concernée par ce type de demande, la faculté d'informer l'un des dépositaires de son intention de ne pas accepter, de façon générale, ce type de demande ; cette déclaration pouvant être faite ou retirée à tout moment.

Si une partie reçoit d'une autre partie des renseignements sur la situation fiscale d'une personne qui lui paraissent en contradiction (art. 10) avec ceux dont elle dispose, elle en avise la partie qui a fourni les renseignements.

3. Le recouvrement des créances fiscales (art. 11 à 16)

L'expression "créance fiscale désigne tout montant d'impôt ainsi que les intérêts, les amendes administratives et les frais de recouvrement y afférents qui sont dus et non encore acquittés".

A la demande de l'Etat requérant, l'Etat requis procède au recouvrement des créances fiscales, non contestées et faisant l'objet d'un titre, du premier Etat comme s'il s'agissait de ses propres créances fiscales.

On observera que dans l'hypothèse où la créance concerne une personne qui n'a pas la qualité de résident dans l'Etat requérant, la Convention s'applique seulement lorsque la créance ne peut plus être contestée, à moins que les parties concernées n'en soient convenues autrement.

Dans l'hypothèse du recouvrement des créances fiscales concernant une personne décédée ou sa succession, l'assistance est limitée à la valeur de la succession ou des biens reçus par chacun des bénéficiaires de la succession selon que la créance est à recouvrer sur la succession ou auprès des bénéficiaires de celle-ci.

Il est à noter que les questions concernant le délai (art. 14) au-delà duquel la créance fiscale ne peut être exigée sont régies par la législation de l'Etat requérant.

Les actes de recouvrement accomplis par l'Etat requis à la suite d'une demande d'assistance et qui, suivant la législation de cet Etat, auraient pour effet de suspendre ou d'interrompre le délai de l'Etat requérant, ont le même effet au regard de la législation de ce dernier Etat. L'Etat requis informe l'Etat requérant des actes ainsi accomplis.

Il sera observé qu'en tout état de cause, l'Etat requis n'est pas tenu de donner suite à une demande d'assistance qui est présentée après une période de quinze ans à partir de la date du titre exécutoire initial.

La créance fiscale pour le recouvrement de laquelle une assistance est accordée ne jouit dans l'Etat requis d'aucun des privilèges (art. 15) spécialement attachés aux créances fiscales de cet Etat, alors même que la procédure de recouvrement utilisée est celle qui s'applique à ses propres créances fiscales.

A la demande de l'Etat requérant, l'Etat requis prend des mesures conservatoires (art. 12) en vue du recouvrement d'un montant d'impôt, même si-la créance est contestée ou si le titre exécutoire n'a pas encore été émis.

La demande d'assistance administrative est accompagnée (art. 13) d'une attestation précisant que la créance fiscale concerne un impôt visé par la présente Convention et, en ce qui concerne le recouvrement, mention qu'elle n'est pas ou ne peut être contestée.

Est jointe également à cette attestation une copie officielle du titre permettant l'exécution dans l'Etat requérant ainsi que de tout autre document exigé pour le recouvrement ou pour prendre les mesures conservatoires.

Le titre permettant l'exécution dans l'Etat requérant est, s'il y a lieu et conformément aux dispositions en vigueur dans l'Etat requis, admis, homologué, complété ou remplacé dans les plus brefs délais suivant la date de réception de la demande d'assistance par un titre permettant l'exécution dans l'Etat requis.

Si sa législation ou sa pratique administrative le permet dans des circonstances analogues, l'Etat requis peut consentir un délai de paiement (art. 16) ou un paiement échelonné, après avoir au préalablement informé l'Etat requérant.

On notera avec intérêt, en conclusion, la satisfaction affichée, à l'occasion de l'adoption par la France de cette Convention, dans les rapports parlementaires, notamment, ceux du Sénat, aux termes desquels "la Convention est utile pour la France pour trois raisons majeures".

La première raison a trait au fait que "son caractère multilatéral élargit [...] les possibilités et l'efficacité de la coopération entre les Etats" ; la deuxième raison a trait au fait qu'elle "réglemente et renforce les garanties des contribuables" et qu'elle "permet l'assistance au recouvrement qui n'est nullement visée par les conventions fiscales bilatérales" ; la troisième raison, enfin, a trait au fait la Convention "en proposant un ensemble de règle en vue de la notification de documents à l'étranger, vient mettre de l'ordre dans une pratique administrative internationale aux frontières mal définies".

Jean-Marc Priol
Avocat au barreau des Hauts-de-Seine
Landwell & Associés


(*) Y compris la Suède, la Norvège, l'Islande, la Finlande, la Pologne et l'Azerbaïdjan.
(**) Texte signé mais non ratifié à ce jour ; Canada et Ukraine.

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