La lettre juridique n°171 du 9 juin 2005 : Social général

[Jurisprudence] Avantage de retraite et dénonciation de l'accord collectif

Réf. : Cass. soc., 17 mai 2005, n° 02-46.581, Mme Ginette Desmarteau c/ Société Naphtachimie, FS-P+B+R+I (N° Lexbase : A2996DIS)

Lecture: 14 min

N5203AIK

Citer l'article

Créer un lien vers ce contenu

[Jurisprudence] Avantage de retraite et dénonciation de l'accord collectif. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/article-juridique/3207402-jurisprudence-avantage-de-retraite-et-denonciation-de-laccord-collectif
Copier

par Emilie Zieleskiewicz, Avocate au sein du Cabinet Fromont Briens & Associés

le 07 Octobre 2010

Dans le prolongement de l'arrêt "Association Hospitalière Sainte Marie" (Cass. soc., 28 mai 2002, n° 00-12.918, Association hospitalière Sainte-Marie (AHSM) c/ M. Roger Cayrier, FP-P+B+R+I N° Lexbase : A7983AYC, lire Dirk Baugard, Application de l'article L. 132-7 du Code du travail à un accord collectif de protection sociale complémentaire, Lexbase Hebdo n° 27 du 13 juin 2002 - édition sociale N° Lexbase : N3146AAR), la Chambre sociale de la Cour de cassation vient définir de manière plus précise les contours de la notion de droits acquis en matière de prestation de retraite, auxquels un accord de substitution ne peut porter atteinte et, ce faisant, qualifie d'avantages collectifs susceptibles d'être remis en cause les modalités de revalorisation de la pension de retraite.


Décision

Cass. soc., 17 mai 2005, n° 02-46.581, Mme Ginette Desmarteau c/ Société Naphtachimie, FS-P+B+R+I (N° Lexbase : A2996DIS)

Rejet (CA Versailles, 12 septembre 2002, 17e chambre sociale)

Textes concernés : C. trav., art. L. 132-8 (N° Lexbase : L5688ACN) ; CSS, art. L. 911-1 (N° Lexbase : L5832ADD) et L. 913-2 (N° Lexbase : L5842ADQ) ; C. civ., art. L. 1134 (N° Lexbase : L1234ABC)

Mots-clefs : régime de retraite à prestations définies ; dénonciation de l'accord collectif ; avantage individuel acquis.

Liens bases : ;

Faits

1. La société Naphtachimie avait mis en place, le 4 décembre 1950, un régime de retraite à prestations définies au profit de ses salariés, permettant à ces derniers de percevoir, en complément des droits à pension issus des régimes obligatoires, une rente calculée en fonction de paramètres prédéfinis et revalorisée trimestriellement par indexation sur les augmentations collectives des salaires réels appliqués au sein de l'entreprise.

Après avoir constaté qu'un tel régime constituait une charge financière extrêmement lourde, la société Naphtachimie a procédé à la dénonciation du régime de retraite supplémentaire et a ouvert des négociations avec les organisations syndicales afin de définir les modalités d'un accord de substitution.

Le 19 décembre 1997, un accord d'entreprise a été signé entre la société Naphtachimie et les organisations syndicales, instituant un nouveau régime de retraite supplémentaire. Une des salariées, ayant fait valoir ses droits à la retraite et bénéficiant de la pension du précédent régime de retraite dénoncé, s'est vue opposer un gel de la revalorisation de sa pension.

En effet, selon les dispositions du nouvel accord, le montant de la pension de retraite issu du régime initial ne serait plus réévalué jusqu'à la date à laquelle ce montant sera égal à celui du nouveau régime. Il évoluerait, ensuite, trimestriellement selon les dispositions de la revalorisation prévue par le nouvel accord.

Estimant que ces nouvelles dispositions lui étaient préjudiciables et constituaient une atteinte aux droits qu'elle avait acquis au moment de son départ en retraite, la salariée a saisi le conseil de prud'hommes.

Pour dire que la retraitée ne bénéficiait pas d'un avantage individuel acquis au mode de revalorisation de sa pension de retraite, la cour d'appel énonçait que l'accord collectif relatif au régime de pension complémentaire Naphtachimie pouvait faire l'objet d'une révision, dans les conditions prévues par les articles L. 132-7 (N° Lexbase : L4696DZX) et L.132-8 (N° Lexbase : L5688ACN) du Code du travail et que cette modification ne portait pas atteinte au droit individuel définitivement acquis par les retraités postérieurement à la liquidation de leurs droits puisqu'elle n'affectait que les modalités de réévaluation de la pension à compter de l'entrée en vigueur de l'accord.

Ainsi, les partenaires sociaux avaient pu valablement procéder à la modification de l'accord collectif initial.

Problème juridique

Est-ce qu'un ancien salarié bénéficiaire du régime de retraite supplémentaire mis en oeuvre au sein de l'entreprise, ayant liquidé sa pension de retraite, peut se voir opposer les nouvelles modalités de revalorisation négociées dans le cadre d'un accord collectif de substitution postérieurement à son départ en retraite ?

Solution

Les salariés mis à la retraite avant la dénonciation de l'accord collectif du 23 février 1987 reprenant le régime de retraite à prestations définies, institué unilatéralement par l'employeur en 1950, avaient droit au maintien du niveau de pension atteint au jour de la dénonciation avec les modalités de revalorisation initiales jusqu'à l'accord collectif de substitution du 19 décembre 1997, sans pouvoir se prévaloir, au-delà de cette date, des modalités de revalorisation instituées par l'accord collectif dénoncé qui constitue un avantage collectif et non un avantage individuel.

Commentaire

Au regard des derniers développements jurisprudentiels, l'avantage dont le salarié peut se prévaloir en cas de dénonciation de l'accord collectif prend la forme, indifféremment, d'une rémunération ou d'un droit. La Cour de cassation démontre, s'il en était nécessaire, que les formes d'avantages peuvent varier et ne pas se limiter aux hypothèses de rémunération où les cas d'espèces les avaient, dans un premier temps, cantonnées.

L'arrêt "Naphtachimie" a l'intérêt principal de définir les contours du droit acquis en matière de régime collectif de retraite mis en oeuvre dans l'entreprise : quels avantages de retraite peuvent être qualifiés d'individuels et d'acquis au sens de l'article L. 132-8 du Code du travail en cas de dénonciation de l'accord collectif, acte fondateur du régime de retraite mis en cause ?

A titre préliminaire, dans l'arrêt "Naphtachimie", pour soutenir que l'employeur ne pouvait revenir sur l'avantage de retraite, les demandeurs s'appuyaient sur les dispositions de l'article L. 913-2 du Code de la Sécurité sociale (N° Lexbase : L5842ADQ), considérant que la nouvelle règle ne pouvait porter atteinte à des droits acquis en matière de retraite.

Il s'agissait, pour le moins, d'une lecture erronée du texte. A ce titre, la Cour de cassation a délaissé ce moyen. Il convient, en effet, de rappeler que le texte dispose : "Aucune disposition entraînant la perte des droits acquis ou en cours d'acquisition à des prestations de retraite, y compris à la réversion, des salariés ou anciens salariés en cas d'insolvabilité de l'employeur ou de transfert d'entreprises, d'établissements ou de parties d'établissements à un autre employeur, résultant d'une cession conventionnelle ou d'une fusion, ne peut être insérée à peine de nullité dans les conventions, accords ou décisions unilatérales mentionnés à l'article L. 911-1".

Ce texte ne fixe pas une impossibilité générale de dénonciation des droits constitués mais, en matière de prestation de retraite, empêche la perte des droits acquis ou en cours d'acquisition uniquement dans les hypothèses d'insolvabilité de l'employeur ou de transfert de l'entreprise.

Tel n'est manifestement pas le cas en l'espèce. Ni transfert, ni insolvabilité à l'horizon, simplement une entreprise qui souhaite limiter ses engagements au regard du passif social qu'il génère du fait du désengagement progressif des régimes de retraite légaux et complémentaires. Prohibant les engagements perpétuels, la loi comme la jurisprudence prévoient expressément la possibilité d'une dénonciation, laquelle a pour effet d'arrêter l'acquisition de nouveaux droits. Ainsi, l'article L. 913-2 du Code de la Sécurité sociale ne prohibe que la perte de droits et non la perte de l'avantage collectif à la suite d'une dénonciation.

En effet, la loi du 8 août 1994 (loi n° 94-678 du 8 août 1994, relative à la protection sociale complémentaire des salariés N° Lexbase : L5156A4Q) définit, dans son article L. 911-1 du Code de la Sécurité sociale (N° Lexbase : L5832ADD), que les garanties collectives dont bénéficient les salariés, anciens salariés et ayants droit, en complément de celles qui résultent de l'organisation de la Sécurité sociale, peuvent être déterminées par voie de conventions ou d'accords collectifs.

L'article L. 911-3 du Code de la Sécurité sociale (N° Lexbase : L5834ADG) dispose expressément que les dispositions du titre III du livre 1er du Code du travail sont applicables aux conventions et accords collectifs mentionnées à l'article L. 911-1. Un accord collectif instaurant un régime de retraite peut donc valablement être dénoncé, les salariés ne pouvant revendiquer que le seul maintien des avantages individuels acquis au titre des prestations de retraite.

Il convient de relever qu'en définitive et fort justement, la Cour de cassation, dans l'arrêt "Naphtachimie", transpose les critères civilistes en matière d'avantage individuel acquis. Néanmoins, l'individuel et l'acquis peuvent être difficiles à appréhender au regard des modalités de constitution de la pension de retraite et des techniques de revalorisation appliquées au montant de la pension après liquidation.

Il n'est, dès lors, pas inutile de revenir sur les principes dégagés par la jurisprudence en matière d'avantage individuel acquis.

L'avantage individuel est celui qui, par son objet, a vocation à bénéficier à chaque salarié individuellement. L'acquis est une notion plus délicate à appréhender, à tel point que l'on se demande, comme le fait le Professeur Emmanuel Dockes, "s'il n'est pas préférable de considérer que l'acquis ne fait que poser de manière redondante un résultat : est acquis, ce qui doit être maintenu".

La Cour de cassation, dans l'arrêt "Naphtachimie", reprend la définition ébauchée dans un premier temps par la doctrine, puis relayée par la jurisprudence, selon laquelle l'avantage individuel est celui qui, par son objet, a vocation à bénéficier à chaque salarié individuellement.

Selon l'arrêt "Pamart" du 19 juin 1987 (Cass. soc., 19 juin 1987, n° 84-44.688, M. Pamart c/ la Société à responsabilité limitée Desanfans, publié N° Lexbase : A3598ABU), l'avantage acquis est celui qui correspond à un droit déjà ouvert et non à un droit simplement éventuel. Ainsi défini, l'avantage individuel acquis pour les salariés du fait d'un accord collectif dénoncé devra être maintenu.

La Cour de cassation avait ainsi pu définir l'avantage individuel acquis au sens de l'article L. 132-8 du Code du travail comme celui qui, au jour de la dénonciation de la convention ou de l'accord collectif, procure au salarié une rémunération ou un droit dont il bénéficiait à titre personnel et qui correspondait à un droit déjà ouvert et non simplement éventuel (Cass. soc., 15 mai 2001, n° 99-41.669, Mme Isabelle Teixera c/ Société Chromex, publié N° Lexbase : A5191AGD).

En matière d'avantage de retraite, il convient nécessairement de distinguer la période avant la liquidation de la retraite, c'est-à-dire la période de constitution des droits, de la période postérieure à cette liquidation.

Avant la liquidation de la retraite, le droit n'est qu'éventuel :
- d'une part, parce que le salarié actif ne peut prétendre au régime que s'il cesse son activité professionnelle pour liquider la retraite ;
- d'autre part, parce qu'il n'est pas encore ouvert.

C'est d'ailleurs ce qu'avait confirmé un arrêt du 18 février 1997 devant la Chambre sociale de la Cour de cassation (Cass. soc., 18 février 1997, n° 93-46.733, Caisse nationale de garantie des ouvriers dockers c/ M. Philippe Bollengier, inédit N° Lexbase : A8636AGX). Le droit du salarié au mode de calcul de la rente, tant que cette dernière n'est pas servie, est un droit simplement éventuel et non encore ouvert qui n'a donc pas le caractère d'un avantage acquis pour le personnel.

Si le régime de retraite est collectif tant par son acte fondateur que par ses bénéficiaires, l'avantage de retraite n'est, quant à lui, certain et exigible individuellement qu'à la date de sa liquidation.

La jurisprudence a confirmé, à plusieurs reprises, qu'un règlement de retraite pouvait être modifié et que ces modifications étaient opposables à toute liquidation intervenue après cette date (Cass. soc., 10 juin 1993, n° 91-10.884, Craf c/ Mandereau, inédit N° Lexbase : A2245AGA ; Cass. soc., 21 juin 1995, n° 91-42.177, Compagnie nationale Air France c/ M. Claude Bajou et autres, inédit N° Lexbase : A1642CYH).

Les modifications d'un règlement de retraite apportées par les nouvelles dispositions conventionnelles s'imposent, sauf clause contraire, au salarié, sans qu'il puisse prétendre au maintien de droit acquis (Cass. soc., 30 mars 1994, n° 90-42.144, CCAS c/ Pietri et autres, inédit N° Lexbase : A3415C7M ; Cass. soc., 23 juin 1999, n° 97-43.162, Mme Laclie et autre c/ Société Christol distribution docks des alcools N° Lexbase : A4746AGU).

Par un arrêt de principe en date du 28 mai 2002 (Cass. soc., 28 mai 2002, n° 00-12.918, Association hospitalière Sainte-Marie (AHSM) c/ M. Roger Cayrier, FP-P+B+R+I N° Lexbase : A7983AYC), la Cour de cassation relève qu'hormis la rente viagère financée par leurs propres cotisations, les salariés dont l'admission à la retraite était postérieure à la date d'entrée en vigueur du nouveau régime n'ont aucun droit acquis à bénéficier d'une liquidation de leur retraite supplémentaire selon les modalités de l'ancien régime, dont les prestations, bien que définies, n'étaient pas garanties.

Dans un arrêt récent du 12 avril 2005 (Cass. soc., 12 avril 2005, n° 02-47.384, F-D N° Lexbase : A8643DHL) la Cour, après avoir retenu que l'instauration du régime de retraite supplémentaire à cotisations patronales et à prestations définies mais non garanties résultait d'un engagement unilatéral de l'employeur, a constaté que ledit engagement avait été dénoncé régulièrement par son auteur avant que l'intéressé ait fait liquider ses droits à pension de retraite. La Cour a, ainsi, pu décider que ce dernier n'avait aucun droit acquis à en bénéficier.

En période de constitution de droits à la retraite, c'est-à-dire de financement de l'engagement de retraite, le salarié ne peut prétendre à un avantage individuel acquis.

De même, le taux de cotisations ne devrait pas constituer un avantage individuel acquis en cas de dénonciation de l'accord collectif. La Cour de cassation n'a, à notre connaissance, pas eu à aborder ce point. Cependant, la cour d'appel de Versailles, dans un arrêt du 11 octobre 2002 (CA, Versailles, 11 octobre 2002, SA CGEA Connex c/ André Bezina et autres), après avoir rappelé que l'article L. 132-8 du Code du travail était applicable à l'accord concernant la retraite, a constaté que puisque le taux de cotisations ne procurait pas à ces personnes à titre personnel un droit déjà ouvert le jour de l'opération juridique, le salarié concerné ne bénéficiait pas d'un droit à la retraite, la retraite ne pouvant être calculée que lorsque l'activité du salarié cesse.

Cet arrêt est toutefois à relativiser. Il s'agissait, en effet, d'un régime de retraite par répartition et d'une harmonisation du taux de cotisations en application de la réglementation Arrco et Agirc en matière de fusion absorption. La solution ne serait pas nécessairement identique dans l'hypothèse d'un régime géré par capitalisation où la cotisation finançant le régime pourrait être qualifiée d'avantage individuel acquis.

Il convient, dès lors, d'aborder la notion des avantages individuels acquis postérieurement à la liquidation de la retraite. A cette date, un droit est ouvert et ce, au profit du salarié personnellement.

Postérieurement à la liquidation de la rente viagère, le montant de la pension de retraite acquis à la date de dénonciation, devra être maintenu.

La Cour, dans le présent arrêt "Naphtachimie", considère que les salariés mis à la retraite avant la dénonciation de l'accord collectif ont droit au maintien du niveau de la pension atteinte au jour de la dénonciation ainsi qu'au maintien des modalités de revalorisation initiales jusqu'à la date de l'accord de substitution.

Le droit est individuel et acquis, tant pour la rente que pour sa revalorisation, pendant le délai de survie de l'accord dénoncé. Par contre, au terme de ce délai ou du moins, en l'espèce, à la date d'effet de l'accord de substitution, le retraité ne pourra prétendre à un droit acquis à titre individuel au titre des modalités de revalorisation de la rente. Selon la Cour, les modalités de la revalorisation constituent un avantage collectif et non un avantage individuel.

On pouvait valablement s'interroger sur la question de savoir si l'avantage individuel devait être maintenu au niveau, en valeur absolue, qu'il avait atteint à la date de la dénonciation ou à la date d'expiration du délai de survie, ou s'il pourrait être, au contraire, réévalué postérieurement à l'expiration de ce délai. Une telle question prend toute son acuité dans le cadre d'un avantage de retraite qui fait l'objet d'une revalorisation dans le cadre des dispositions du contrat d'assurance ou de l'accord collectif. En effet, l'avantage de retraite n'est pas une rémunération mais un droit viager. La revalorisation a donc toute son importance.

En admettant que les salariés dont le statut collectif a été dénoncé ne sauraient prétendre, postérieurement à l'expiration des effets de l'accord, à une revalorisation de la rente viagère, la Cour, dans l'arrêt "Naphtachimie" reconnaît a contrario que ces salariés peuvent prétendre à de telles revalorisations jusqu'à la date d'expiration des effets de l'accord collectif dénoncé.

Si, en effet, au titre de la rente viagère, dès lors que les salariés ont liquidé leur pension de retraite, ils bénéficient d'un droit acquis au montant de cette pension, il n'en est pas de même, à la lecture de ce nouvel arrêt, du droit à la revalorisation. Cette revalorisation peut être modifiée, voire remise en cause dans le cadre d'un accord collectif postérieur à la liquidation de la pension de retraite. Une telle remise en cause est opposable au salarié puisque, selon la Cour de cassation, le mode de revalorisation est un avantage collectif et non un avantage individuel acquis.

En l'espèce, il est intéressant de noter que le précédent régime de retraite supplémentaire dénoncé par Naphtachimie prévoyait que la rente était revalorisée trimestriellement par une indexation sur les augmentations collectives des salaires réels appliqués au sein de l'entreprise.

En matière de rémunération, la Cour de cassation, par plusieurs arrêts, a réaffirmé que l'avantage acquis individuel ne subissait pas de revalorisation. Ce problème juridique s'est d'abord posé devant la cour d'appel d'Aix en Provence, à propos de la dénonciation d'une convention ou d'un accord collectif. C'est, en effet, dans un arrêt rendu le 5 juin 1998 que les magistrats de cette juridiction ont affirmé que "le salaire minimum garanti par l'accord d'entreprise [...] reste acquis en vertu de l'article L. 132-8 alinéa 6 [mais le salarié intéressé] ne saurait prétendre à des revalorisations de ce salaire minimum, en application de l'accord dénoncé, postérieurement à l'expiration des effets de cet accord" (CA Aix en Provence, 5 juin 1989 : DS 1990 p. 163).

Saisie dans une autre affaire de la même difficulté juridique, la Cour de cassation a retenu la même interprétation. Ainsi, il ressort d'un arrêt rendu par la Chambre sociale le 22 avril 1992, qu'en cas de dénonciation d'un accord collectif, les salariés "ne peuvent prétendre à la réévaluation de leur rémunération en fonction des règles de variation contenues dans l'accord dénoncé, qui ne constituaient pas un avantage individuel acquis" (Cass. soc., 22 avril 1992, n° 88-40.921, Consorts Caillaud et autre c/ Société nouvelle d'assainissement et de travaux publics, publié N° Lexbase : A1512AAA).

La Cour de cassation a eu l'occasion de confirmer cette solution, dans un arrêt du 24 novembre 1992, en admettant qu'"après dénonciation de l'accord [collectif d'entreprise] déterminant le mode de calcul [d'un] complément de rémunération, les salariés ne pouvaient prétendre le voir évoluer au-delà du niveau qu'il avait atteint, selon les modalités prévues par l'accord expiré" (Cass. soc., 24 novembre 1992, n° 89-20.427, Caisse régionale de Crédit agricole mutuel du Libournais c/ Syndicat national de l'encadrement du Crédit agricole, publié N° Lexbase : A4674ABQ ; dans le même sens, Cass. soc., 26 novembre 1996, n° 93-44.811, Société Marquis Hôtels Partnership c/ M. Alia et autres, publié N° Lexbase : A4045AA3, DS 1997 p. 103 obs. G. Couturier) affirmant, à propos de la dénonciation d'un accord collectif d'entreprise, que "les salariés avaient droit, au titre des avantages individuels acquis, au maintien de leur niveau de rémunération au jour où l'accord collectif a cessé de s'appliquer".

La Cour de cassation, dans l'arrêt "Naphtachimie" a certainement été influencée par le fait que l'accord de substitution prévoyait, également, de nouvelles modalités de revalorisation.

De même, la solution aurait pu être toute autre si aucun accord de substitution n'était intervenu postérieurement à la dénonciation du régime de retraite supplémentaire. Dans l'hypothèse où aucun accord de substitution ne serait intervenu, il est de jurisprudence constante que les effets d'une convention dénoncée sont prorogés pendant 15 mois. Par conséquent, il convient d'admettre que la rente viagère stipulée dans l'accord collectif devait être maintenue au niveau, en valeur absolue, qu'elle a atteint à la date d'expiration du délai de prorogation de la convention. Pendant ce délai de survie, bien évidemment, les revalorisations seraient appliquées.

De même, et c'est un élément de fait non négligeable, le régime Naphtachimie était géré en interne et non externalisé auprès d'un organisme assureur. Il est certain que si un organisme assureur avait pris en charge le régime, les méthodes de revalorisation n'auraient pu être remises en cause par l'organisme.

newsid:75203