Le refus d'exportation de gamètes en vue d'une insémination
post-mortem réalisée à l'étranger sur le fondement de la loi française, porte une atteinte manifestement excessive au droit au respect de la vie privée et familiale que garantit l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme (
N° Lexbase : L4798AQR). Partant, doit être annulée l'ordonnance refusant une telle exportation. Telle est la solution énoncée par le Conseil d'Etat dans un arrêt d'assemblée rendu le 31 mai 2016 (CE Contentieux, 31 mai 2016, n° 396848
N° Lexbase : A2628RRR). En l'espèce, Mme A. et M. B. avaient formé, ensemble, le projet de donner naissance à un enfant. En raison d'une maladie grave dont le traitement risquait de le rendre stérile, M. B. a procédé, à titre préventif, à un dépôt de gamètes dans le centre d'étude et de conservation des oeufs et du sperme d'un hôpital parisien, dans l'intention de bénéficier d'une assistance médicale à la procréation. Ce projet n'a pu aboutir en raison de la détérioration brutale de l'état de santé de M. B., qui a entraîné son décès. Avant son décès, M. B avait explicitement consenti à ce que son épouse puisse bénéficier d'une insémination artificielle avec ses gamètes à titre posthume en Espagne, pays d'origine de Mme A., qui autorise l'insémination
post-mortem. Après le décès de son époux, Mme A., qui est retournée vivre en Espagne, a donc demandé à l'administration française de lui permettre d'exporter les gamètes de son époux pour permettre la conception de l'enfant en Espagne. Cette demande a été refusée, en application de l'interdiction française de l'insémination
post-mortem. Mme A. a contesté ce refus devant le juge du référé-liberté du tribunal administratif. Celui-ci ayant refusé d'accéder à sa demande, elle a ensuite saisi le Conseil d'Etat (TA Paris, du 25 janvier 2016, n° 1601133
N° Lexbase : A3374RQZ). Le Conseil d'Etat a d'abord jugé que la législation française, prise dans son ensemble, n'était pas contraire à l'article 8 de la CESDH : s'agissant de ces sujets de bioéthique, la marge d'appréciation que la Convention laisse aux Etats est importante et tant l'interdiction de procéder à une insémination
post-mortem que l'interdiction d'exporter à cette fin des gamètes conservés en France relèvent de cette marge d'appréciation. Il a relevé ensuite que la situation actuelle de Mme A. résultait de l'état de santé de M. B., qui avait empêché les époux de mener à bien leur projet durablement réfléchi d'avoir un enfant et, notamment, de procéder à un autre dépôt de gamètes en Espagne, pays autorisant l'insémination
post-mortem. Dans ces conditions, Mme A., revenue vivre en Espagne auprès de sa famille sans avoir eu l'intention de contourner la loi française, se retrouve dans une situation où l'exportation des gamètes conservés en France constitue la seule façon pour elle d'exercer la faculté que lui ouvre la loi espagnole (cf. l’Ouvrage "Droit médical"
N° Lexbase : E9883EQ4).
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