Lexbase Droit privé n°630 du 22 octobre 2015 : Assurances

[Le point sur...] Contrat d'assurance : comment cantonner la garantie aux seuls dommages accidentels ?

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par David Bakouche, Agrégé des Facultés de droit, Professeur à l'Université Paris-Sud (Paris XI), Directeur scientifique de l'Encyclopédie "Responsabilité civile"

le 22 Octobre 2015

L'assureur, dont il est à peine besoin de dire qu'il garantit des risques, n'a vocation à couvrir que ce qui est de réalisation incertaine ou, si l'on préfère, les seuls événements qui ont un caractère aléatoire. Doivent ainsi rester en dehors du champ de l'assurance les événements dont la réalisation, dépendant exclusivement de la volonté de l'assuré, est inéluctable. Mais entre ce qui est sûrement aléatoire et ce qui ne l'est manifestement pas, il y a place pour toute une série d'hypothèses intermédiaires : la quantification du risque révèle l'existence de degrés dans l'incertitude. Sous cet aspect, la représentation par l'assureur de l'intensité de l'aléa, entendue comme la plus ou moins grande probabilité de survenance de l'événement, est évidemment essentielle, au moins si l'on veut bien admettre que, face au risque, il doit faire preuve de circonspection. Comme on l'a dit, "tout refuser serait la négation même de son activité ; tout assurer, la certitude d'une mort programmée" (1). On comprend donc que, pour trouver le point d'équilibre et tracer la limite du risque assurable, les assureurs combinent les exclusions légales fondées sur la moralisation du risque, qui tiennent à la faute intentionnelle ou dolosive, et les exclusions contractuelles destinées à cantonner la garantie aux risques qui sont à proprement parler aléatoires ou, au moins, qui paraissent présenter une dose d'aléa suffisamment importante. La limitation de la garantie aux dommages accidentels fait partie de cet arsenal, donnant en quelque sorte une "tournure objective" à l'aléa (2). C'est ainsi qu'on a pu écrire, s'agissant des assurances de responsabilité, que "derrière la condition d'accident, les assureurs entendent refuser de garantir des comportements délibérés de l'assuré rendant le dommage à peu près certain, c'est-à-dire faisant perdre au risque son caractère aléatoire" (3). Disons, au-delà des seules assurances de responsabilité, et en généralisant, que la condition d'accident participe de la volonté d'écarter du champ de la garantie les dommages dont les circonstances de leur réalisation laissent penser qu'il ne sont pas ou pas assez aléatoires. Stigmatisant une faille dans la consistance ou la densité de l'aléa nécessaire à l'assurabilité du risque, la garantie des dommages accidentels doit ainsi être envisagée à travers ce qu'elle laisse seulement entrevoir : elle ne se conçoit en effet qu'à travers l'exclusion des dommages non accidentels qu'elle implique. Il reste que la licéité d'une telle limitation de la garantie aux dommages accidentels est discutée. Pour tenter d'y voir clair, on peut, d'un point de vue méthodologique, distinguer entre les polices, tant il est vrai que la discussion ne se présente sans doute pas tout à fait dans les mêmes termes selon qu'il s'agit d'une police "dommages accidents", autrement dit d'une police "à périls dénommés" comportant une clause définissant le risque garanti comme un accident, ou bien d'une police "tous risques" ou "tous dommages" contenant une ou plusieurs clauses excluant formellement de la garantie certains types de dommages considérés comme non accidentels. En effet, la limitation de la garantie aux dommages accidentels que peut personnellement causer ou subir l'assuré se conçoit différemment selon qu'elle s'évince de manière indirecte de la clause définissant l'objet de la garantie (I) ou bien qu'elle résulte d'une exclusion formulée de manière directe (II). Les deux cas de figure distinguent les polices "dommages-accidents" des polices "tous dommages sauf...", en l'occurrence sauf les dommages qui ne sont pas ou qui ne peuvent pas être considérés comme des dommages accidentels.

I - La limitation de l'objet de la garantie aux dommages accidentels

Dans une première série d'hypothèses, l'exclusion des dommages non accidentels peut n'être qu'indirecte et résulter de la clause définissant l'objet de la garantie. Le caractère indirect de l'exclusion tient non pas au contenu même de l'exclusion, mais plutôt à la manière d'exclure (4) : la police qui garantit contre les accidents exclut indirectement de son champ d'application les dommages non accidentels. La discussion paraît dès lors a priori devoir se réduire à un pur problème de qualification : l'événement à propos duquel l'assuré demande à l'assureur de le garantir répond-il à la définition de l'accident ? La complexité de la question tient aux incertitudes qui entourent l'accident ou l'accidentel. La jurisprudence, souvent hésitante, quelquefois contradictoire, qui a à connaître des conditions limitant la garantie aux dommages accidentels que l'on trouve assez fréquemment dans les polices "Tous risques chantier" (TRC) et parfois dans les polices "Responsabilité civile" (RC), atteste d'ailleurs des difficultés de la matière. En l'absence d'une définition conventionnelle de l'accident, on se demande par exemple si, aux critères communément admis de soudaineté et d'absence d'intention (5), il ne faudrait pas ajouter celui tiré du caractère imprévu de l'événement (6). Les doutes portent ainsi sur la détermination même des critères qui permettent de caractériser l'accident. Ils portent encore, et surtout, sur l'appréciation de ces critères (7) : quand est-ce qu'un dommage doit être considéré comme soudain ? Qu'est-ce qu'un dommage fortuit ? La faute de l'assuré qui, sans être intentionnelle, serait bien à l'origine du dommage, exclut-elle qu'il puisse s'agir d'un accident (8) ? Bref, les interrogations ne manquent pas.

Mais à vrai dire, si tout cela appelle une réflexion, celle-ci doit porter, à ce stade, sur la validité de la clause définissant l'objet du risque couvert par le contrat comme un accident ou un dommage accidentel, en ce qu'elle exclut indirectement les dommages non-accidentels. Cette limitation de la garantie tombe-t-elle sous le coup de l'article L. 113-1, alinéa 1er, du Code des assurances (N° Lexbase : L0060AAH), qui soumet les exclusions conventionnelles à un régime très strict exigeant qu'elles soient formelles et limitées ? Il faut bien comprendre que le débat ne porte pas sur le point de savoir si l'exclusion indirecte à laquelle conduit la clause limitant la garantie aux seuls dommages accidentels est formelle et limitée : il est évident qu'elle ne l'est pas, pour la simple et bonne raison que la notion d'accident est manifestement à géométrie variable, et que ces caractères sont si souvent discutés, au gré des espèces, des appréciations des experts et des tribunaux, que les parties ne peuvent qu'imparfaitement se représenter les contours exacts de la garantie (9). La vraie question est de savoir si une telle limitation doit ou non être formelle et limitée au sens de l'article L. 113-1.

Certains auteurs ont estimé qu'il serait cohérent que les exigences de clarté et de précision, que la loi impose pour les exclusions directes, soient également requises pour les exclusions indirectes. Il a en effet été soutenu que "la nécessaire protection de l'assuré contre les clauses ambigües [...] s'impose dans les deux cas", de telle sorte qu'il serait "légitime que la définition positive du risque garanti, entraînant a contrario l'exclusion indirecte des risques ne répondant pas à cette définition, soit formulée de telle façon que l'assuré sache avec précision dans quel cas il est garanti et dans quel cas il ne l'est pas" (10). La Cour de cassation, qui a cru pouvoir reprocher à des juges du fond de ne pas avoir recherché si la clause garantissant la responsabilité civile d'un entrepreneur en raison des dommages causés de façon soudaine et fortuite "n'impliquait pas, a contrario, une exclusion corrélative, générale et non limitée, [des] dommages [...] lorsqu'ils sont la conséquence prévisible et inévitable des modalités d'exécution des travaux effectués par l'assuré" (11), n'a semble-t-il pas été totalement insensible à ces considérations d'équité. A tort cependant. L'exclusion et la non-assurance, qui sont certes toutes deux des exceptions relatives à la garantie, n'ont en effet pas la même nature et obéissent à des régimes juridiques différents. La circonstance tenant à la réalisation du risque, défini par le contrat comme un dommage accidentel, que l'on identifie parfois à une condition au sens large alors qu'elle n'en est pas à une à proprement parler (12), participe de la détermination du champ d'application de la garantie. Il s'en déduit que les dommages non accidentels ne sont pas, au sens strict, "exclus" de la garantie ; ils sont en dehors de "l'aire contractuelle" et constituent, à ce titre, des cas de non-assurance (13) auxquels le régime des exclusions, notamment en ce qu'il exige qu'elles soient formelles et limitées (14), n'a logiquement pas vocation à s'appliquer. A une réserve près : peut-être en irait-il différemment en présence d'une définition contractuelle de l'accident susceptible d'être interprétée, en raison des critères de l'accident requis par la police, comme écartant, à l'intérieur de ce qui est a priori couvert, certains accidents, en l'occurrence ceux pour partie imputables à l'assuré qui aurait joué un rôle dans leur réalisation. La clause qui exigerait de l'accident qu'il procède d'une cause extérieure pourrait en effet aboutir à une restriction de la garantie s'analysant comme une exclusion fondée sur des considérations tenant au comportement de l'assuré si l'on devait déduire le défaut d'extériorité de ce que le dommage trouve en partie sa cause dans le comportement téméraire voire, plus généralement, dans les prédispositions de l'assuré.

II - L'exclusion des dommages non accidentels

Partant de l'idée que l'incertitude de l'événement garanti est une condition de son assurabilité, l'exclusion des dommages non accidentels répond, on s'en doute, à une préoccupation légitime des assureurs : refuser de garantir les conséquences inéluctablement dommageables ou hautement vraisemblables de la réalisation du risque. Mais de ce qui a déjà été dit de la notion protéiforme, donc difficilement saisissable, d'accident et de la rigueur dont fait preuve la jurisprudence dans l'application de l'article L. 113-1, alinéa 1er, du Code des assurances, en ce qu'elle exige que l'exclusion soit nette et précise afin que l'assuré puisse savoir exactement dans quels cas il n'est pas garanti, et qui lui fait dire que la clause qui nécessite d'être interprétée n'est pas formelle et limitée, on aura vite fait de comprendre que l'exclusion des dommages non accidentels n'est pas, ainsi rédigée, valable. Les assureurs le savent d'ailleurs très bien, ce qui explique en pratique que la clause ne se retrouve pas, telle quelle, dans leurs polices. Cela ne signifie pour autant pas que, en l'absence de clause définissant le risque couvert par le contrat comme un accident -la fameuse "fausse condition" des polices "dommages-accidents"-, les assureurs devraient nécessairement garantir n'importe quel événement sans pouvoir prévoir aucune restriction quant à son caractère causal ou son origine. A défaut de pouvoir exclure les dommages formellement désignés comme non-accidentels, les assureurs s'efforcent en effet de trouver des parades et rédigent des clauses qui, sans directement parler de dommages non accidentels, procèdent manifestement de la même inspiration : écarter de la garantie les dommages dont certaines circonstances de leur réalisation laissent penser qu'ils ne sont pas, ou pas assez, fortuits.

L'accident -ou si l'on préfère, négativement, le non-accident- est ainsi approché de façon détournée, saisi indirectement par touches, à travers des comportements délibérés de l'assuré qui ne permettent certes pas de caractériser une faute intentionnelle, mais dont on peut estimer qu'ils font perdre au risque son caractère aléatoire ou qu'ils l'altèrent suffisamment gravement pour que l'assureur considère qu'ils ne méritent pas d'être garantis (17). En composant avec l'intensité de l'aléa, les assureurs cherchent à exclure de la garantie des dommages dont on peut suspecter qu'ils ne sont pas, à proprement parler, accidentels.

Participent de ce remarquable effort d'imagination diverses clauses, qui sont autant de facettes de l'exclusion des dommages non accidentels. Ainsi en va-t-il, pour n'en donner que quelques exemples, de celles qui excluent de la garantie les dommages "ayant pour origine un défaut d'entretien ou de réparation incombant à l'assuré, caractérisé et connu de lui" ou, de façon assez proche, les dommages "qui résultent de l'insuffisance, soit d'une réparation, soit d'une modification indispensable, notamment à la suite d'une précédente manifestation d'un dommage, des locaux dont l'assuré est propriétaire ou occupant". Dans un registre un peu différent, relèvent encore de la même logique les clauses qui écartent la prise en charge des dommages "résultant de l'inobservation consciente et délibérée des règles de l'art lorsque cette inobservation est imputable à l'assuré", ou bien encore celles qui excluent les dommages "qui, par leurs caractéristiques, feraient perdre au contrat d'assurance son caractère aléatoire", autrement dit les dommages non voulus qui sont la conséquence d'une faute volontaire de l'assuré. Toutes ces clauses ont en commun de jouer sur l'épaisseur de l'aléa, jugé insuffisant pour mettre en oeuvre la garantie. Mais quitte à paraître un peu abrupt, disons-le franchement : un remarquable effort d'imagination certes, au demeurant parfaitement justifié dans la mesure où il n'est pas supportable que l'assureur garantisse des dommages lorsqu'ils sont la conséquence inéluctable du comportement délibéré de l'assuré, quand bien même il ne les aurait pas voulus, mais dont on peut craindre qu'il soit en définitive, en l'état de la jurisprudence, assez vain. Hormis en effet quelques arrêts très isolés (18), dont on se demande d'ailleurs s'ils ne sont pas que de simples erreurs de plume (19), la Cour de cassation prive quasi systématiquement d'efficacité toutes ces clauses qu'elle considère comme ne se référant pas à des critères précis et à des hypothèses limitativement énumérées, pour en déduire qu'elles ne sont pas formelles et limitées au sens de l'article L. 113-1, alinéa 1er, du Code des assurances (20).

Que conclure de tout cela ? Un "immense gaspillage d'intelligence et de temps" (21) ? Sur le terrain des clauses d'exclusion, il est permis de le craindre. Mais les légitimes revendications des assureurs de ne garantir que les risques qui leur paraissent réellement aléatoires, dont on perçoit bien qu'elles sont la raison d'être du cantonnement de la garantie aux dommages accidentels, pourraient bien connaître un certain succès sur d'autres terrains. Parmi les pistes envisagées pour tenter de remédier à certaines des difficultés évoquées (22), c'est peut-être celle entrouverte assez récemment par la Cour de cassation du côté de l'exclusion légale de la faute dolosive qui paraît la plus prometteuse. On rappellera simplement ici, encore que les solutions en la matière demeurent sans doute pour l'heure incertaines, que la Cour de cassation, qui n'entend manifestement pas faire du constat purement objectif de la suppression de l'aléa en cours de contrat une cause d'inassurabilité en dehors du cadre de la faute intentionnelle ou dolosive de l'article L. 113-1, alinéa 2, du Code des assurances (23), semble vouloir admettre, à côté de la faute intentionnelle entendue, classiquement, comme la faute volontaire commise avec l'intention de causer le dommage tel qu'il est survenu, l'autonomie de la faute dolosive (24), qui absorberait tous les autres cas dans lesquels le comportement délibéré de l'assuré rend inéluctable la réalisation du dommage (25) ou, si l'on préfère, conduit à ce que la survenance de l'événement ne soit plus le fait du hasard (26). Sans doute les puristes trouveront-ils que la qualification de faute dolosive n'est tout de même pas très orthodoxe, particulièrement s'il devait se confirmer que ladite faute n'est pas limitée à la seule assurance de responsabilité civile contractuelle mais qu'elle vaut aussi pour toute assurance de dommages. Mais après tout, pourquoi pas ? L'essentiel n'est-il pas de s'entendre sur le sens des mots, pour peu qu'ils permettent de sortir du piège auquel conduit l'interprétation ultra restrictive que fait la jurisprudence de la faute intentionnelle comme des conditions de validité des clauses d'exclusion ? L'avenir permettra seul de le dire.


(1) H. Groutel, L'intensité de l'aléa : sa représentation par l'assureur, in Aléa et contrat d'assurance, RCA, 2014, 6.
(2) L. Mayaux, L'accident : cet inconnu, RGDA, 2015, p. 117, qui relève que "la notion [d'accident] est plus opérante que la faute intentionnelle qui est à la fois plus subjective et, dans la dernière période, pratiquement inaccessible au juriste".
(3) J. Bigot, Assurances de responsabilité : les limites du risque assurable, RGAT, 1978, p. 169 et s., spéc. p. 191.
(4) En ce sens, L. Mayaux, obs. sous Cass. civ. 2, 8 mars 2006, n° 04-17.916, FS-P+B (N° Lexbase : A4997DNE), RGDA, 2006, p. 529.
(5) H. Groutel, La notion d'"accident" dans les assurances de responsabilité, RCA, 1991, chron. 15, pour qui "le caractère prévisible du dommage ne peut se rabattre que sur le deuxième alinéa de l'article L. 113-1 (du Code des assurances), où il va alors se confondre avec le fait intentionnel".
(6) Cass. civ. 1, 10 mars 1987, n° 85-15.230 (N° Lexbase : A1179AAW), Bull. civ. I, n° 85, décidant, à propos d'une police couvrant les conséquences des dommages accidentels qui ne comportait pas de clause définissant l'accident comme un fait imprévisible, que "le fait générateur de la garantie due par (l'assureur) ne devait pas nécessairement présenter un tel caractère". Comp. Cass. civ. 3, 23 novembre 2005, n° 04-15.357, FS-D (N° Lexbase : A7532DLK), RDI, 2006, p. 40, obs. G. Leguay, paraissant toutefois vouloir déduire le caractère accidentel du dommage de ce que son origine était imprévisible.
(7) Cass. civ. 3, 20 janvier 1999, n° 97-12.954 (N° Lexbase : A4076CXA), énonçant "qu'ayant constaté que les multiples dégradations apparentes avaient perduré et que la même technique de travail inadaptée avait entraîné leur répétition dans l'ensemble de l'ouvrage, la cour d'appel qui [...] a retenu que ces dommages, du fait de leur caractère répétitif, n'étaient pas garantis, faute de répondre à la définition de la police tous risques chantiers des dommages matériels à l'ouvrage survenant de façon fortuite et soudaine, a légalement justifié sa décision de ce chef" ; Cass. civ. 1, 18 juin 2002, n° 99-17.277, FS-D (N° Lexbase : A9476AYM), RDI, 2002, p. 518, obs. P. Dessuet, décidant, à propos d'un tassement de terrain ayant entraîné des dommages aux fondations, qu'il s'agissait d'un événement à manifestation lente, progressive, de telle sorte qu'il ne pouvait pas être garanti par la police "tous risques chantier" qui limitait son champ d'application aux événements "accidentels", à savoir des événements "soudains et fortuits" ; Cass. civ. 2, 29 mars 2006, n° 05-10.472, F-D (N° Lexbase : A8634DN4), RGDA, 2006, p. 533, note M.-H. Maleville, jugeant, à propos d'une police qui ne garantit que les dommages et dégradations occasionnés par infiltration des eaux présentant un caractère accidentel, et après avoir constaté que l'infiltration avait été en l'espèce "progressive, visible et prévisible", que "le caractère lent de l'infiltration est exclusif d'indemnisation par la police d'assurance".
(8) Cass. civ. 1, 22 novembre 1994, n° 91-13.136 (N° Lexbase : A4717AZQ), RGDA, 1995, p. 49, note F. Vincent, jugeant que "la notion d'accident n'exclut pas que les dommages aient pour origine une faute de l'homme, laquelle, à moins d'être intentionnelle ou dolosive, ne supprime pas l'obligation de garantie de l'assureur". Mais v. Cass. civ. 3, 9 juillet 2013, n° 12-20.801, F-D (N° Lexbase : A8812KI9), RDI, 2013, p. 479, obs. P. Dessuet, considérant, à propos d'une police responsabilité civile risques professionnels ne couvrant que les dommages accidentels définis comme survenus de façon fortuite et soudaine, que le dommage qui a pour origine une négligence de la part de l'assuré n'est pas un "événement fortuit supposant l'intervention du hasard".
(9) Ce qui suffit à caractériser la non-conformité de la clause d'exclusion aux exigences de l'article L. 113-1, al. 1er, du Code des assurances. Sur ce point, v. not. Cass. civ. 1, 22 avril 1971, n° 70-10.474 (N° Lexbase : A6323NTD), Bull. civ. I, n° 128, constatant, pour écarter l'exclusion, que la clause n'avait pas permis "à l'assuré de connaître avec exactitude et précision les risques exclus par dérogation aux risques garantis" ; Cass. civ. 1, 8 octobre 1974, n° 73-12.497 (N° Lexbase : A6490CGH), Bull. civ. I, n° 253 ; D., 1975, p. 513, note Cl.-J. Berr et H. Groutel, exigeant de l'exclusion qu'elle soit "nette, précise, sans incertitude" ; Cass. civ. 1, 22 mai 2001, n° 99-10.849 (N° Lexbase : A5004ATI), Bull. civ. I, n° 140, RCA, 2001, comm. 241, obs. H. Groutel, RGDA, 2001, p. 944, obs. J. Kullmann, décidant que la clause qui nécessite une interprétation ne peut être formelle et limitée ; Cass. civ. 2, 12 avril 2012, n° 10-20.831, FS-D (N° Lexbase : A5864IIZ), RCA, 2012, comm. 195, obs. H. Groutel, qui énonce "qu'en application de l'article L. 113-1 du Code des assurances, les clauses d'exclusion de garantie contenues dans les contrats d'assurance doivent être formelles et limitées, de façon à permettre à l'assuré de connaître avec exactitude l'étendue de la garantie au jour de la souscription du contrat ; qu'au sens de ce texte, une telle clause d'exclusion ne peut être tenue pour formelle et limitée dès lors qu'elle doit être interprétée" ; Cass. civ. 2, 13 décembre 2012, n° 11-22.412, FS-D (N° Lexbase : A1162IZ3), RCA, 2013, comm. 105, obs. H. Groutel, posant en principe, sous le visa de l'article L. 113-1 du Code des assurances, "qu'en application de ce texte, les exclusions conventionnelles de garantie doivent être formelles et limitées de façon à permettre à l'assuré de connaître exactement l'étendue de la garantie convenue" ; Cass. civ. 2, 12 juin 2014, n° 13-15.836, FS-D (N° Lexbase : A2189MRI), RCA, 2014, comm. 321, obs. H. Groutel, RGDA, 2014, p. 496, obs. J. Kullmann, relevant, pour justifier le refus d'appliquer la clause d'exclusion de garantie, qu'elle "nécessite d'être interprétée", de telle sorte qu'elle "ne peut être considérée ni comme formelle ni comme limitée".
(10) J. Bigot, note sous Cass. civ. 1, 12 mars 1991, n° 89-16.605 (N° Lexbase : A8636CRB), JCP éd. G, 1991, II, 21732. Rappr. D. Noguéro, obs. sous Cass. civ. 3, 26 septembre 2012, n° 11-19.117, FS-P+B (N° Lexbase : A6093ITT), RDI, 2012, p. 633, qui se demande, comparant les régimes de la condition et de l'exclusion, si la Cour de cassation peut "retirer d'une main la protection qu'elle souhaite visiblement octroyer de l'autre".
(11) Cass. civ. 1, 4 mars 1997, n° 95-10.565 (N° Lexbase : A2813CM7), RDI, 1997, p. 256, obs. G. Leguay et Ph. Dubois. Et, dans la foulée, Cass. civ. 1, 18 mars 1997, n° 94-14.475 (N° Lexbase : A3244CW3), qui décide que "la clause du contrat d'assurance écartant de la garantie les dommages matériels et/ou immatériels lorsqu'ils sont la conséquence inéluctable et prévisible des modalités mêmes du travail est insuffisamment précise et ne répond donc pas aux exigences de l'article L. 113-1 du Code des assurances".
(12) L. Mayaux, Les grandes questions du droit des assurances, LGDJ, n° 151, p. 101, parlant de "fausses exclusions et donc de vraies fausses conditions de la garantie" ; Comp. G. Durry, La distinction de la condition de la garantie et de l'exclusion de risque (Une proposition de réforme pour trancher le noeud gordien), in Responsabilité civile et assurances, Etudes offertes à H. Groutel, LexisNexis, 2006, p. 129 et s..
(13) La privation de garantie des dommages non-accidentels, qui se trouvent en dehors de "l'aire contractuelle", n'apparaît ainsi pas comme une restriction à l'étendue normale de l'assurance telle que voulue par les parties. Sur ce point, v. not. Y. Lambert-Faivre et L. Leveneur, Droit des assurances, Précis Dalloz, 13ème éd., n° 417, p. 329.
(14) V. not., énonçant que "seule [souligné par nous] la clause qui prive l'assuré du bénéfice de la garantie en raison de circonstances particulières du risque s'analyse en une clause d'exclusion de la garantie", Cass. civ. 1, 26 novembre 1996, n° 94-16.058 (N° Lexbase : A8553ABE), Bull. civ. I, n° 413, RGDA, 1997, p. 132, obs. J. Kullmann ; et sur cet arrêt, H. Groutel, Distinction de l'exclusion et de l'absence d'une condition de la garantie, RCA, 1997, chron. 5. Plus généralement, sur la question, H. Groutel, F. Leduc, Ph. Pierre et M. Asselain, Traité du contrat d'assurance terrestre, LexisNexis, n° 440, p. 240, et la jurisprudence citée.
(15) Cass. civ. 2, 23 octobre 2014, n° 12-35.306, F-D (N° Lexbase : A0472MZI), RGDA, 2014, p. 599, obs. L. Mayaux, approuvant une cour d'appel, qui avait retenu que l'assuré avait, au cours d'un exercice intensif et soutenu, été amené "à solliciter son dos de manière importante et répétée", et ce pendant une durée de deux heures, ce qui excluait le caractère soudain de l'événement qui ne pouvait être qualifié d'accident au sens de la police, d'avoir "souverainement jugé que le caractère extérieur de la cause de l'accident n'était pas établi et que le sinistre ne correspondait pas à la définition contractuelle".
(16) L. Mayaux, obs. préc..
(17) J. Bigot, Assurances de responsabilité : les limites du risque assurable, préc. ; H. Groutel, L'intensité de l'aléa : sa représentation par l'assureur, in Aléa et contrat d'assurance, préc..
(18) Si l'on fait abstraction d'un arrêt de la deuxième chambre civile de la Cour de cassation en date du 20 novembre 2014, qui a certes fait application d'une clause excluant la garantie des dommages dus à l'eau résultant d'un manque de réparations et/ou d'un défaut caractérisé d'entretien incombant à l'assuré et connu de lui, mais dans une affaire dans laquelle l'assuré avait omis de critiquer devant les juges du fond la validité de la clause d'exclusion, v. respectivement, au sujet des trois types de clauses précédemment évoquées, Cass. civ. 2, 3 octobre 2013, n° 12-23.684, F-D (N° Lexbase : A3273KM8), RCA, 2014, comm. 74, obs. H. Groutel ; RDI, 2014, p. 122, obs. P. Dessuet, approuvant une cour d'appel d'avoir fait application de la clause excluant la garantie des "infiltrations dues à l'usure ou à un défaut de réparations ou d'entretien indispensable incombant à l'assuré (tant avant qu'après le sinistre), sauf cas de force majeure" ; Cass. civ. 1, 29 octobre 2002, n° 00-17.718, F-D (N° Lexbase : A4080A3I) : RDI, 2003, p. 222, obs. P. Dessuet, approuvant une cour d'appel d'avoir écarté la garantie au motif que l'assuré "avait [...] délibérément passé outre aux règles de l'art les plus élémentaires [...] et avait fait disparaître la notion d'aléa indispensable à l'application du contrat d'assurance" ; Cass. civ. 2, 18 octobre 2012, n° 11-23.900, FS-D (N° Lexbase : A7097IUE), RGDA, 2013, p. 62, obs. J. Kullmann, interprétant la clause excluant de la garantie les dommages "causés ou provoqués intentionnellement par l'assuré ou avec sa complicité" comme opérant une distinction entre les dommages intentionnellement causés, qui seraient ceux volontairement recherchés par l'assuré conformément à la conception classique de la faute intentionnelle, et les dommages intentionnellement provoqués par lui, qui seraient des dommages non voulus ayant pour origine une faute volontaire. Mais, depuis, privant d'efficacité cette même clause, Cass. civ. 2, 12 juin 2014, cité infra ; Cass. civ. 2, 3 juillet 2014, n° 13-20.572, F-D (N° Lexbase : A2766MTM), RCA, 2014, comm. 355, à propos d'une clause, il est vrai très descriptive, excluant la garantie de l'assureur pour "les conséquences pécuniaires résultant du retard apporté dans la fourniture d'un produit, matériel ou prestation de service, ou de la non-fourniture de ceux-ci, sauf lorsque le retard ou la non-fourniture résulte : d'un événement aléatoire indépendamment de la volonté de l'assuré et ne mettant pas en cause la qualité de son organisation", dont il se déduit, a contrario, que l'exclusion est acquise lorsque le retard résulte d'un événement qui n'est pas indépendant de la volonté de l'assuré.
(19) P. Dessuet, obs. sous Cass. civ. 2, 3 oct. 2013, préc..
(20) A propos des clauses excluant la garantie des dommages résultant d'un défaut d'entretien ou de réparation, v. Cass. civ. 1, 29 octobre 1984, n° 83-14.464 (N° Lexbase : A0365AHY), Bull. civ. I, n° 283, RDI, 1985, p. 275, obs. G. Durry ; Cass. civ. 1, 30 septembre 1997, n° 95-18.746 (N° Lexbase : A5499C7S), RGDA, 1997, p. 1016, note A. Favre Rochex ; Cass. civ. 2, 6 octobre 2011, n° 10-10.001, F-P+B (N° Lexbase : A6120HYC), Bull. civ. II, n° 182, RGDA, 2012, p. 327, note B. Waltz ; Cass. civ. 3, 26 septembre 2012, n° 11-19.117, FS-P+B (N° Lexbase : A6093ITT), Bull. civ. III, n° 130, RCA, 2012, comm. 362, obs. H. Groutel, RDI, 2012, p. 633, obs. D. Noguéro ; Cass. civ. 2, 13 décembre 2012, n° 11-22.412, FS-D (N° Lexbase : A1162IZ3), RCA, 2013, comm. 105, obs. H. Groutel ; Cass. civ. 2, 12 décembre 2013, n° 12-25.777, F-D (N° Lexbase : A3606KRY), RCA, 2014, comm. 74, obs. H. Groutel, RGDA, 2014, p. 30, obs. M. Asselain ; Cass. civ. 2, 15 janvier 2015, n° 13-19.405, F-D (N° Lexbase : A4511M9X), RCA, 2015, comm. 142, et sur lequel H. Groutel, L'exclusion maudite, RCA, 2015, Repère, 4 ; Cass. civ. 2, 5 février 2015, n° 14-10.507, F-D (N° Lexbase : A2417NB7), RCA, 2015, comm. 163, obs. H. Groutel. A propos des clauses excluant la garantie des dommages résultant d'une inobservation volontaire et inexcusable des règles de l'art, v. Cass. civ. 1, 8 octobre 1974, préc. ; Cass. civ. 1, 15 mars 1977, n° 75-15.250 (N° Lexbase : A5367CHA), JCP éd. G, 1977, III, 126 ; Cass. civ. 1, 13 novembre 2002, n° 99-15.808, F-D (N° Lexbase : A7272A3Q), RDI, 2003, p. 222, obs. P. Dessuet. A propos des clauses excluant les dommages qui sont la conséquence inéluctable de la faute volontaire de l'assuré mais qui n'ont pas été recherchés par lui, v. Cass. civ. 2, 12 juin 2014, préc., RCA, 2014, comm. 321, obs. H. Groutel, RGDA, 2014, p. 496, obs. J. Kullmann, décidant que la clause qui exclut "les dommages de toute nature causés ou provoqués intentionnellement par l'assuré ou avec sa complicité", nécessitant d'être interprétée, ne peut être considérée ni comme formelle, ni comme limitée, et ne peut dès lors recevoir application ; Cass. civ. 2, 3 juillet 2014, n° 13-20.572, F-D (N° Lexbase : A2766MTM), RCA, 2014, comm. 355, jugeant que la clause qui écarte de la garantie "les dommages qui résultent de façon inéluctable et prévisible d'un événement ayant, du fait conscient de l'assuré, perdu son caractère aléatoire" est insuffisamment précise et ne répond pas aux exigences de l'article L. 113-1 du Code des assurances.
(21) J. Carbonnier, Droit civil, tome 4, Les obligations, PUF, coll. Thémis, 18ème éd., 1994, n° 260, p. 417 (à propos de la jurisprudence relative à la responsabilité du fait des choses).
(22) J. Kullmann, obs. sous Cass. civ. 2, 12 juin 2014, préc., qui propose ainsi d'exclure "les dommages non voulus consécutifs à un dommage voulu" ou bien de prévoir dans le contrat une déchéance qui viendrait "frapper l'assuré qui n'ayant pas voulu les dommages effectivement survenus, s'est abstenu de prendre les mesures propres à en éviter l'extension".
(23) V. not., en ce sens, Cass. com., 18 octobre 2012, 11-13.084, FS-D (N° Lexbase : A7263IUK), RCA, 2013, comm. 36, obs. H. Groutel, RGDA, 2013, p. 62, obs. J. Kullmann, qui ne paraît pas concevoir que l'absence d'aléa puisse justifier un refus de garantie en dehors de la qualification de la faute intentionnelle ; Rappr., dans le même sens, Cass. civ. 2, 5 mars 2015, n° 14-10.790, F-D (N° Lexbase : A8862NC9), RGDA, 2015, p. 184, obs. A. Pélissier, distinguant nettement l'existence de l'aléa lors de la souscription du contrat et l'existence d'une faute intentionnelle ou dolosive de l'assuré.
(24) Sur le domaine de cette solution, qui n'est pour l'instant pas partagée par toutes les chambres de la Cour de cassation, v. not. M. Asselain, RGDA, 2015, p. 85, et la jurisprudence citée.
(25) Sur cette question, v. not. nos obs., La faute dolosive exclusive de garantie, RCA, Etude 8, J. Kullmann, L'assuré fautif : après le faisant et le malfaisant, le risque-tout, RGDA, 1-2014, J. Bigot, A. Pélissier et L. Mayaux, Faute intentionnelle, faute dolosive, faute volontaire : le passé, le présent et l'avenir, RGDA, 2015, p. 75.
(26) L. Mayaux, Retour sur l'aléa, RGDA, 2014, p. 85, qui suggère de "raisonner par référence au hasard, c'est-à-dire aux causes de l'événement".

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