Sans méconnaître le droit au procès équitable, le principe de la primauté du droit communautaire et l'effet relatif qui s'attache à l'autorité de la chose jugée par les juridictions communautaires, les juridictions nationales peuvent retenir que le fait que des société n'aient pas été condamnées par des décisions communautaires, qui ont retenu qu'elles étaient coupables de pratiques anticoncurrentielles mais n'ont condamné que leur société mère, n'interdit pas à la juridiction nationale d'apprécier, au regard des éléments qui lui sont soumis, notamment des décisions communautaires, les éléments de leur comportement constitutifs d'une faute. Tel est l'un des apports d'un arrêt rendu par la Cour de cassation le 6 octobre 2015 (Cass. com., 6 octobre 2015, n° 13-24.854, FS-P+B
N° Lexbase : A0511NT4). Elle relève également que les juridictions communautaires ont constaté, d'un côté, que la politique commerciale de la société mère consistait à décourager les exportations parallèles en interdisant à ses filiales au Royaume-Uni et en Irlande la vente de leurs produits à l'étranger et en leur demandant de lui adresser toute demande douteuse pour leur préciser si elles devaient ou non livrer et, de l'autre, que les filiales notifiaient aux distributeurs les accords de distribution frauduleux sur l'ordre de la société mère, appliquaient les consignes de sa politique commerciale et contribuaient à la réalisation des infractions de pratiques concertées dont l'objet était de restreindre la concurrence à l'intérieur du marché commun, de sorte que la cour d'appel a identifié les actes personnellement imputables aux sociétés filiales. Par ailleurs, le revendeur non agréé établi en France s'est vu refuser tout approvisionnement en machines et pièces détachées par les distributeurs agréés anglais et irlandais. Ces pratiques ont eu pour effet d'empêcher le jeu de la concurrence et ont nécessairement causé un trouble commercial au revendeur français qui, en raison des difficultés qu'il rencontrait, a dû engager des frais pour se fournir en produits de la marque et a souffert d'un manque à gagner. Avant dire droit sur la réparation du préjudice, l'arrêt d'appel ordonne une expertise aux fins de préciser le surcoût occasionné par la mise en place de circuits d'approvisionnement parallèles et par la création de sociétés
ad hoc sur le territoire du Royaume-Uni, le surcoût engendré par le besoin en main d'oeuvre pour gérer les difficultés d'approvisionnement, tout en recherchant si ce surcoût a pu ou non être répercuté sur les clients, ainsi que la perte du chiffre d'affaires et de marge sur les produits dont la fourniture a été interdite. La Cour de cassation approuve donc la cour d'appel qui a fait ressortir le lien de causalité entre le dommage invoqué et les fautes commises par la société mère et ses filiales, sans devoir rechercher, à ce stade de son raisonnement, quelle était la part de ce préjudice pouvant être imputée à leurs manquements respectifs.
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