La lettre juridique n°606 du 26 mars 2015 : Propriété intellectuelle

[Brèves] Sur l'exception de parodie, pastiche et caricature : l'intention de nuire et la grivoiserie vulgaire attentatoire au respect dû aux morts et à leur honneur constituent une atteinte au droit moral

Réf. : TGI Paris, 3ème ch., 15 janvier 2015, n° 14/13168 (N° Lexbase : A6525NAW)

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[Brèves] Sur l'exception de parodie, pastiche et caricature : l'intention de nuire et la grivoiserie vulgaire attentatoire au respect dû aux morts et à leur honneur constituent une atteinte au droit moral. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/article-juridique/23794806-breves-sur-lexception-de-parodie-pastiche-et-caricature-lintention-de-nuire-et-la-grivoiserie-vulgai
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le 28 Mars 2015

Dans un jugement du 15 janvier 2015, le TGI de Paris a retenu, d'une part, que les modifications, faites par un "humoriste", du texte d'une chanson très connue ne pouvait constituer l'exception de parodie, pastiche et caricature prévues à l'article L. 122-5 du Code de la propriété (N° Lexbase : L3330IXM), dès lors que celles-ci n'étaient motivées que par la seule volonté de salir une artiste reconnue en dénaturant son texte et en y ajoutant des commentaires nauséabonds (TGI Paris, 3ème ch., 15 janvier 2015, n° 14/13168 N° Lexbase : A6525NAW). Les juges relèvent qu'en l'espèce, les paroles de "l'aigle noir" ont été modifiées pour partie dans la chanson "le rat noir" pour intégrer un rat noir qui n'apparaît jamais dans la chanson de l'auteur et artiste-interprète Barbara, mais le rythme des strophes est conservé ainsi que la mélodie. Pour les juges, le choix du titre "le rat noir" vise la judéité de Barbara et celle de son père et il convient de rappeler que le rat est la représentation habituelle de l'animal nuisible et, par conséquent, le symbole de ce qui doit être détruit. Ce titre et cette image sont utilisés à dessein par l'"humoriste" pour dénaturer la chanson, assimilant le père de Barbara et Barbara elle-même à ces animaux, suggérant qu'ils sont nuisibles et reprenant d'ailleurs une représentation commune aux antisémites. Pour le TGI, la chanson "l'aigle noir", remplacé par le texte de la chanson "le rat noir", est ainsi détournée de son sens et dénaturée. Il apparaît, en outre, que les termes employés par l'"humoriste" sont volontairement grossiers et ce sans servir aucun objectif humoristique. Ils n'ont pour but que d'humilier Barbara, de la présenter non pas comme une victime d'un abus sexuel mais comme participant à un acte sexuel vulgaire. Par ailleurs, ces commentaires qui évoquent un épisode douloureux de l'histoire personnelle de l'auteur qu'elle a sublimé dans la chanson "l'aigle noir" constituent indubitablement une atteinte caractérisée au droit moral de l'auteur. L'intention de l'"humoriste" tant dans la chanson que dans les commentaires n'est pas de rechercher un effet humoristique que l'on cherche vainement en écoutant la chanson ou en visionnant le clip mais manifeste une intention de nuire en transformant une chanson poignante sur l'inceste en une grivoiserie vulgaire et attentatoire au respect dû aux morts et à leur honneur. Un bandeau défilant sur le clip-vidéo précisant qu'il s'agit d'une parodie ne peut valoir exonération a priori pour l'"humoriste" de sa responsabilité. Dans ces conditions, le TGI de Paris retient que l'atteinte au droit moral de l'auteur sur l'oeuvre "l'aigle noir" par le clip vidéo dénommé "le rat noir" et la chanson "le rat noir" est constituée et condamne l'"humoriste" à 50 000 euros de dommages-intérêts.

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