La lettre juridique n°584 du 25 septembre 2014 : Fiscalité internationale

[Le point sur...] Les conséquences de la chute du secret bancaire en matière fiscale

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par Damien Hautin, Avocat Associé, LightHouse LHLF Société d'avocats et Marwan Ben Chaabane, Master II Fiscalité de l'Entreprise, Université Paris-Dauphine

le 25 Septembre 2014

La chute du secret bancaire en Europe révèle une distorsion dans la balance entre les pouvoirs de l'administration fiscale et les garanties données au contribuable (1). Toute civilisation porte en elle le germe de sa naissance, de sa croissance, de son apogée, de son déclin, et de sa chute. Si l'on compare le secret bancaire à une civilisation, il est certain que nous assistons aujourd'hui aux dernières heures de son règne. Le secret bancaire est l'obligation qu'ont les banques de ne pas divulguer d'informations sur leurs clients à des tiers. Avec les crises financières et économiques en toile de fond, ce secret professionnel s'est peu à peu détérioré au point de ne plus exister aujourd'hui en Europe. C'est pourtant la France qui a vu naître le secret bancaire par l'exil de protestants s'étant réfugiés à Genève suite à la révocation de l'Edit de Nantes en 1685. La monarchie française continua de se financer auprès de banquiers protestants. Il était cependant inenvisageable pour Louis XIV que la provenance de son financement soit divulguée. De ce besoin de discrétion est née la volonté de ne pas révéler l'identité des clients et de leurs avoirs de la part des banquiers suisses. Le secret bancaire est aujourd'hui inscrit à l'article 47 de la loi fédérale suisse sur les banques et les caisses d'épargne (2).

La chute du secret bancaire en Europe a trait à la fiscalité, mais revêt une dimension politique significative. Ce combat contre le secret bancaire a été mené en Europe depuis la fin de la Seconde guerre mondiale et les assauts contre celui-ci ont pris un tournant décisif lors du G20 le 13 mars 2009, la Suisse ayant supprimé la distinction entre fraude et évasion fiscale.

Divers éléments d'ordre international ont également annoncé la fin du secret bancaire. On peut notamment énoncer la "loi FATCA"(3) aux Etats-Unis qui a joué un rôle prépondérant dans la démarche qu'a adoptée l'Europe. L'influence de cette loi est un évènement clé de la compréhension du déroulement de la chute du secret bancaire.

Un autre élément permettant de situer le contexte est l'accord entre le Royaume-Uni et la Suisse, appelé accord "Rubik"(4), entré en vigueur le 1er janvier 2013. L'administration fiscale britannique se refusait à traquer ses résidents détenant des avoirs dans les banques helvétiques en contrepartie du versement d'un impôt libératoire par la Suisse. L'identité des clients des banques suisses étant toujours gardée secrète. Cet accord était censé rapporter entre 4 et 7 milliards de livres sterling au Trésor britannique, mais les statistiques de l'administration fiscale suisse font état de 796,7 millions d'euros (5). L'accord "Rubik" n'ayant pas eu l'effet escompté, sa généralisation en Europe n'a pas eu lieu et les gouvernements allemand et français s'y sont toujours opposés. Ces accords devaient permettre à la Suisse de conserver son secret bancaire, mais les pressions exercées par le G20 et l'OCDE ont eu raison de la détermination suisse. La liste "grise" des pays établie par l'OCDE a fait craindre à la Suisse un statut de persona non grata en matière d'entraide fiscale entre les administrations européennes.

D'aucuns diront que cette chute du secret bancaire a été réalisée dans le but de garantir une plus grande égalité des citoyens devant l'impôt. Cela se confirme par le combat mené à l'encontre de la fraude et l'évasion fiscale. Cette acception est certes vraie, mais il convient également de souligner que cela ne se fait pas sans un déséquilibre de la balance entre pouvoirs de l'administration fiscale française et garantie des droits des contribuables.

Derrière la chute du secret bancaire se cache la volonté des Etats d'élargir leur champ d'information afin d'avoir une base taxable toujours plus important. Cela est d'autant plus vrai que ces derniers sont poussés par l'obligation de résultat de recettes fiscales. L'information est un enjeu vital pour l'administration afin de rester opérationnelle dans un monde et une économie globalisés. Cependant, ces actions ne sont pas neutres quant à la protection des droits des contribuables. Le sujet porte un réel intérêt, car la chute du secret bancaire en Europe amène aujourd'hui une problématique sous-jacente qu'est la dimension du pouvoir conféré à l'administration fiscale face au contribuable.

Poussé par la volonté d'une obligation de transparence de la part des contribuables, les pouvoirs de l'administration fiscale se sont considérablement accrus (I) ce qui porte atteinte de façon sensible aux droits du contribuable (II).

I - L'élargissement des pouvoirs de l'administration fiscale française

Les conventions fiscales internationales prévoyant un échange de renseignement sur demande semblent ne pas être un outil assez performant pour permettre à l'administration fiscale de lever l'impôt (A). Face à cette difficulté et sous l'influence de règles établies au niveau international, l'échange automatique d'information a été instauré pour permettre une plus grande efficacité du fisc français (B)

A - L'intérêt limité des conventions fiscales internationales

Les conventions fiscales internationales conclues par la France sont élaborées sur le modèle des conventions OCDE (N° Lexbase : E8103ETB). L'article 26 de ces conventions énonce des dispositions relatives à la coopération entre les administrations fiscales des deux Etats contractants. Cet article prévoit que les autorités compétentes doivent échanger les renseignements "vraisemblablement pertinents". La question est alors de savoir quel est le seuil permettant d'apprécier la pertinence des informations communiquées ? A cette question n'existe aucune réponse (6).

Le paragraphe 2 de l'article 26 des conventions restreint la confidentialité des échanges entre les deux administrations des Etats signataires et fait donc perdre l'intelligence de la mise en place d'une collecte d'information. En effet, les renseignements ne seront communiqués qu'aux personnes et autorités concernées par l'établissement de l'impôt. Il n'est pas fait mention d'informer le contribuable.

Ces conventions permettent aux Etats d'obtenir des renseignements, mais elles restent un outil limité à la transmission des informations (7). Dès lors, les législations nationales peuvent constituer un frein à la mise en place de ce système conventionnel. Cette limitation se fait au bénéfice de l'Etat qui se voit adresser une demande de renseignement. Ainsi, lorsque cet Etat communique les renseignements à l'autre Etat contractant, il n'est pas tenu d'aller au-delà des limites imposées par sa propre législation et par sa pratique administrative.

De plus, la France s'est souvent trouvée confrontée à un refus de se voir fournir les informations demandées, car ces dernières relevaient du secret commercial et industriel. Bien qu'insuffisant, la France a alors posé un principe selon lequel les Etats contractants doivent prendre toutes les mesures nécessaires pour garantir la disponibilité des renseignements et la capacité des administrations fiscales à y accéder et à les transmettre aux autres Etats.

Des exemples chiffrés permettent d'avoir une vision précise du phénomène. Sur les 1 051 demandes adressées par l'administration fiscale française à ses partenaires étrangers à compter du 1er janvier 2011, seules 477 ont obtenu une réponse au 31 décembre 2012. Cela représente moins de la moitié des demandes (8).

Les échanges de renseignements entre la France et les autres pays ayant conclu avec elle une convention fiscale concernent à la fois les renseignements que la France souhaite obtenir de la part d'un pays, mais aussi l'examen de la part de l'autre Etat des informations en possession de l'administration fiscale française. Dans la convention franco-suisse, l'article 28 dispose que seront échangés les "renseignements vraisemblablement pertinents" (9). Une nouvelle fois, les termes de la convention n'étant pas assez précis, cette dernière perd en efficacité.

Cette volonté de l'Etat français de se tourner vers un modèle plus efficient, vient également du fait que la Suisse s'est arrogée, dans le passé, le droit de transmettre à la France seulement les documents qui lui paraissaient pertinents. Cela est d'autant plus vrai que la Confédération helvétique contesta de façon importante les demandes de la part de l'administration fiscale française.

Ce qui est vraiment problématique pour l'administration fiscale française et ce qui a poussé l'Etat à élargir les pouvoirs de celle-ci est que l'administration se trouvait dans nombre de situations face à une problématique difficilement soluble. Pour reprendre l'exemple de la Suisse, lorsque le fisc français formulait une demande auprès de l'administration fiscale suisse, cette dernière exigeait que la demande soit précise et circonstanciée. Or cela était difficile pour le fisc français, car c'est par cette demande que l'administration souhaitait obtenir un élément de preuve. On comprend alors pourquoi les conventions fiscales présentent en ce point une limite certaine.

Tous ces éléments n'ont fait que conforter la volonté de l'Etat d'élargir autant que possible les pouvoirs de l'administration fiscale française et de mettre en place un échange automatique d'informations, en s'inspirant du modèle américain.

B - La mise en place d'un échange automatique d'information

Le législateur américain, par la "loi FATCA" adoptée en 2010 (10), a imposé aux établissements financiers d'identifier et de déclarer tous comptes détenus par des citoyens américains sous peine d'une retenue à la source de 30 %. Cette loi a considérablement élargie le champ d'action de l'administration fiscale américaine en jouant un rôle de catalyseur de la chute du secret bancaire en Europe. En effet, la "loi FATCA" vise également les institutions financières étrangères implantées sur le territoire américain. La non-conformité aux règles de cette loi par les établissements étrangers peut conduire jusqu'à l'interdiction d'exercer leur activité sur le sol américain. Cette force de frappe déployée par l'administration fiscale américaine (IRS) a poussé l'Europe à mettre en place un système d'échange d'information similaire. Cela s'explique par le genre nouveau proposé par la "loi FATCA" qui garantit une efficience maximale de sa sanction.

Le modèle américain qui est somme toute assez agressif a su séduire l'Europe afin d'accélérer la mise en oeuvre d'une politique commune en matière d'échange d'informations fiscales.

Il est alors intéressant de se demander comment cet échange automatique d'information se traduit en pratique ? Selon l'OCDE, "l'agent payeur", donc l'établissement financier, recueille les informations concernant le contribuable puis se charge de communiquer à l'administration fiscale les informations demandées sur l'identité des contribuables non résidents, ainsi que sur les paiements effectués en leur faveur.

Une fois ces informations reçues, l'administration fiscale locale effectue un travail de vérification et regroupe les informations en préparant des classifications par pays de destination. C'est alors que les informations sont envoyées à l'administration fiscale du pays de résidence du contribuable. Les données sont réceptionnées et décodées puis en fonction de leur pertinence, elles sont entrées dans un système de recoupement automatique ou manuel selon les pays. L'échange automatique d'information présente un réel effet dissuasif pour le contribuable qui ne souhaiterait pas divulguer toutes ses informations. Au-delà, de l'effet dissuasif, le pouvoir de l'administration en ressort grandit, car la pierre angulaire de ce mécanisme est que l'échange se fait de manière automatique.

On constate par ce mécanisme que le contrôle se fait à un double niveau. Au niveau local, par l'administration à qui sont demandés les renseignements puis au niveau de l'administration qui en a fait la demande.

L'Autriche et le Luxembourg, qui bloquaient depuis six ans l'adoption de la Directive 2003/48/CE (N° Lexbase : L9667G78) dans sa version modifiée, ont accepté de lever leur secret bancaire à partir du 1er janvier 2015. La transmission automatique des informations ne se fera qu'à partir de 2016 et portera sur les informations relatives à l'année 2015. Par une définition large de la notion d'intérêts inscrite dans la dernière version de la Directive "Epargne", le volume des informations sujettes à une transmission automatique est plus important. En effet, la Directive prévoit que l'échange automatique d'informations se fera sur les intérêts payés sur tous types de comptes bancaires, les coupons sur obligations, la différence entre la valeur d'émission et la valeur de remboursement d'une obligation, les dividendes distribués par des OPCVM investis pour plus de 15 % en créances ainsi que les plus-values réalisées sur des OPCVM investis pour plus de 25 % en créances.

Les pouvoir de l'administration fiscale sont doublement élargis. D'une part, les informations transmises se feront de manière automatique et non plus sur simple demande ou en cas de présomption de fraude. D'autre part, le champ d'application des informations est étendu de manière forte. A titre d'exemple, la Directive épargne prévoit que seront également soumises à un échange automatique d'information toutes les structures intermédiaires comme les trusts, les fondations et autres sociétés-écrans. Cet élargissement revêt un caractère nouveau dans le sens où les informations demandées concerneront des entités qui ne seront pas forcément localisées en France. Il apparaît alors clairement que sont visés les bénéficiaires effectifs qui seraient résidents fiscaux de France. La Directive énonce le terme de "bénéficiaire ultime et réel" (11). Cet exemple démontre bien la volonté de l'Etat de doter l'administration fiscale de pouvoirs conséquents en matière d'information.

L'administration fiscale française voit aujourd'hui son champ d'action élargie. L'information constituant une source de pouvoir sans commune mesure, il apparaît logique que les Etats intensifient leurs efforts en ce sens. Cependant, ces actions ne sont pas neutres quant à la protection des droits des contribuables (II).

II - L'équilibre avec les garanties du contribuable mis à mal

La volonté de l'Etat d'attribuer à son administration plus de pouvoir est louable, car les Etats doivent faire face à une concurrence fiscale toujours plus intense, mais celle-ci devient néfaste lorsque les droits des contribuables sont ébranlés (A). Ce climat se vérifie aujourd'hui par une législation interne qui ne facilite pas un juste équilibre entre les pouvoirs de l'administration et la protection des droits des contribuables (B).

A - Une atteinte aux libertés fondamentales

L'élément fort qui est avancé par les Etats afin de justifier cette prise de position en faveur d'un élargissement des pouvoirs de l'administration est la volonté de transparence. Cette transparence est devenue le fer de lance de la bataille qui a mené à la chute du secret bancaire. A l'origine, cette notion morale était utilisée par l'Etat qui devait "rendre des comptes" à ses citoyens en étant transparent. Aujourd'hui, ce sont les citoyens qui doivent prouver leur bonne conduite face à l'administration fiscale en étant transparents. Cette notion de transparence semble légitimer la distorsion croissante entre les pouvoirs de l'administration et la protection des droits du contribuable. Le secret bancaire est aujourd'hui perçu de manière négative en ce sens que le secret va à l'encontre de la transparence et est donc source de suspicion. Il convient de rappeler que le secret professionnel, qu'il s'agisse des banques, des médecins ou des avocats, doit être respecté, car il est fait pour protéger le contribuable. En effet, le secret professionnel permet d'établir une relation de confiance entre le professionnel et son client.

La protection du client n'est plus de mise puisqu'il doit être transparent. On constate dès lors que cette notion n'a plus la même acception qu'à son origine.

Les questions d'assiette et de recouvrement de l'impôt en France reposent sur un système déclaratif. C'est ce système déclaratif qui établit une relation de confiance entre l'administration et les contribuables. Le contribuable déclare de son propre chef et sous sa responsabilité ses revenus puis l'impôt est émis postérieurement par l'administration par voie de rôle. Le système déclaratif représente la contrepartie qui donne accès à l'administration à un certain nombre d'informations sensibles. Là réside toute la différence avec la possibilité d'avoir un droit de regard de manière automatique à des informations touchant la sphère privée, car cette contrepartie n'existe plus concernant l'échange automatique d'informations.

Les règles de procédure sont établies pour garantir les droits de chaque contribuable. Le législateur fixe les règles qui concernent les garanties fondamentales accordées aux citoyens pour l'exercice des libertés publiques. Ces droits fondamentaux, supra-législatifs, sont reconnus à titre général aux personnes soumises à l'ordre juridique français. Ce nouveau mécanisme d'échange automatique d'information porte atteinte dans une certaine mesure aux droits du contribuable.

Fréquemment invoqué lors des saisines du Conseil constitutionnel, le principe d'égalité, au même titre que celui du consentement à l'impôt, se situe au coeur des droits et libertés consacrés par la Déclaration des droits de l'Homme et du Citoyen de 1789, qui fait référence à plusieurs reprises à ce principe fondamental.

À cet égard, les autres éléments du "bloc de constitutionnalité" mentionnant aussi le principe d'égalité, le seul constat du nombre de références à l'égalité souligne l'importance que le constituant attache au respect de ce principe. Nonobstant cette importance, il semblerait que la volonté de donner un pouvoir grandissant à l'administration fiscale soit supérieure. Ces principes ne sont pas impactés par la modification du mode d'échange des informations en matière fiscale puisque l'échange automatique s'appliquera de la même façon pour tous les citoyens (12).

Le principe d'égalité connaît, dans le cadre de la jurisprudence fiscale du Conseil constitutionnel, plusieurs déclinaisons et vise non seulement le principe général d'égalité devant la loi (DDHC, art. 6 N° Lexbase : L1370A9M), mais également le principe d'égalité devant l'impôt et le principe d'égalité devant les charges publiques (DDHC, art. 13 N° Lexbase : L1360A9A). C'est pourquoi le législateur a voulu accroître les pouvoirs de l'administration fiscale afin de rendre encore plus effectif le principe prévu à l'article 13 de la DDHC.

Ainsi, comme le note Bernard Castagnède, "le contrôle d'égalité en matière fiscale peut cependant justifier le recours à des critères plus spécifiques, appropriés à l'objet des lois d'impôt. L'égalité devant l'impôt, qu'il s'agit alors de vérifier, est souvent regardée comme l'exigence particulière d'une égale répartition' de la contribution commune" (13).

Néanmoins, au-delà des différentes formes que peut revêtir le principe d'égalité appliqué à la matière fiscale, la jurisprudence du Conseil constitutionnel s'articule, comme le relève Bernard Castagnède, autour du "contrôle général d'égalité fiscale" et du contrôle de la répartition de la charge fiscale en fonction des facultés contributives.

Par suite, le principe d'égalité devant la loi tel que mis en oeuvre par le Conseil constitutionnel emporte que deux contribuables placés dans une situation identique doivent être traités de manière identique, alors que la loi peut, sous certaines conditions, traiter de manière différente deux contribuables, notamment s'ils sont dans une situation différente (14).

L'offensive menée contre le secret bancaire est donc expliquée par une volonté qui s'inscrit dans la continuité de la lutte contre l'évasion fiscale : l'égalité des citoyens devant l'impôt. Cependant, cela se fait en portant préjudice au droit fondamental du respect de la vie privée des citoyens.

L'un des éléments qui explique le refus du Luxembourg de voter pour la modification de la Directive 2003/48/CE est que ce pays souhaitait l'application d'une retenue à la source plutôt qu'un échange automatique d'informations afin d'offrir une plus grande stabilité entre protection de la vie privée et imposition des revenus de l'épargne (15).

Il peut être intéressant de se demander pourquoi l'Europe se lasse du secret bancaire ? Petit à petit, le secret bancaire s'est rétréci comme peau de chagrin au point de ne plus exister. Cela peut s'expliquer par une pression fiscale grandissante en Europe où les pays à forte taxation ont décidé de ne plus subir l'évolution de la fiscalité. Les pays européens à faible taxation comme le Luxembourg ont accepté de faire des concessions pour des raisons politiques et non fiscales. En effet, la "loi FATCA" a été plus qu'un catalyseur de l'échange automatique d'informations. Cette loi n'a pas vraiment laissé de choix au Luxembourg si ce pays européen voulait continuer à avoir des relations économiques et financière avec les Etats-Unis.

B - Une intensification de l'échange automatique d'information pour l'avenir

Quelle action va être mise en oeuvre pour permettre au plus grand nombre de pays d'adhérer à l'échange automatique d'information élaboré par l'OCDE ?

La France, l'Allemagne, la Grande-Bretagne, l'Espagne et l'Italie se sont réunies afin d'impulser au niveau européen l'échange automatique d'informations. Cet échange portera sur les avoirs non déclarés et détenus à l'étranger. C'est un nombre de 44 pays qui devrait avoir signé des conventions bilatérales permettant la mise en place d'un échange automatique conformément au standard élaboré par l'OCDE (16). La signature de ces conventions fiscales bilatérales devrait se tenir au Forum mondial sur la transparence prévu à Berlin les 28 et 29 octobre 2014 (17).

Les données qui seront transmises entre administrations fiscales ne concerneront que celles collectées à partir du 31 décembre 2015. L'objectif étant d'établir les échanges automatiques d'informations dès 2017. On constate, par les déclarations des différents ministres européens, une volonté de traquer les fraudeurs qui souhaiteraient se soustraire au paiement de l'impôt, George Osborne ayant déclaré : "le message à ceux qui essaient d'éviter l'impôt est nous allons vous attraper'" (18).

Cette évolution vers un échange automatique de l'information en m atière fiscale présente un réel intérêt pour l'administration qu'est le gain de temps tiré de ce nouveau système. Ce nouvel outil est particulièrement adapté à notre époque, à l'heure où un grand nombre de transactions sont dématérialisées.

Le modèle américain avec la "loi FATCA" et le modèle européen d'échange automatique d'informations sont très proches en de nombreux points de sorte que le modèle américain pourrait devenir la prochaine étape en Europe. Outre Atlantique, l'échange concerne les informations relatives au patrimoine des citoyens américains à travers le monde tandis qu'en Europe cet échange est plus mesuré.

De plus, la Directive 2011/16/UE prévoit une adéquation entre les normes internationales et les normes européennes en matière de transparence et d'échange d'information sur demande. Le champ d'application de cette directive est très large puisqu'il est étendu à tous les impôts et taxes à l'exception de la TVA, des droits de douane, des droits d'accises et des cotisations sociales obligatoires (19).

La Directive 2003/48/UE prévoit un échange automatique d'informations sur les revenus de l'épargne versés à des personnes physiques. Cependant, est-il envisageable d'élargir l'échange d'informations aux personnes morales ? Il semblerait que cette possibilité ne soit pas à exclure et que l'échange automatique d'informations pourrait également porter sur d'autres natures de revenus tels que les dividendes ou les plus-values.

Enfin, l'article 19 de la Directive 2011/16/UE prévoit la possibilité d'une coopération étendue en fonction de l'évolution de la situation internationale et plus particulièrement de l'application de la "loi FATCA". Cette clause de la nation la plus favorisée permettrait à tout Etat membre de l'Union européenne d'en assigner un autre à procéder à un échange automatique d'informations plus étendu que sur la base de la directive.

Il semblerait que, dans un futur plus ou moins lointain, l'échange automatique d'informations se transforme en un modèle américain plus agressif. Ces évolutions se construiront dans la durée avec l'appui de positions adoptées par plusieurs Etats européens, qui laissent présager une plus grande pression fiscale pour l'avenir. Ces problématiques fiscales étant complexifiées par la dimension politique qui leur est rattachée.


(1) Cet article reflète l'opinion personnelle de ses auteurs et ne saurait refléter l'opinion de la société qui les emploie.
(2) La longue histoire du secret bancaire, RFI, 13 mars 2009.
(3) Foreign Account Tax Compliance Act, IRS.
(4) Protocole portant modification de l'accord entre la Confédération suisse et le Royaume-Uni de Grande. Bretagne et d'Irlande du Nord concernant la coopération en matière de fiscalité.
(5) Office of Budget Responsibility : administration fédérale des contributions (Confédération suisse).
(6) Norme d'échange automatique de renseignements relatifs aux comptes financiers, Rapport OCDE.
(7) Norme d'échange automatique de renseignements relatifs aux comptes financiers, Rapport OCDE.
(8) Rapport annuel du Gouvernement portant sur le réseau conventionnel de la France en matière d'échange de renseignements, Annexe au Projet de Loi de Finance pour 2014.
(9) Version consolidée de la Convention entre la France et la Suisse en vue d'éviter les doubles impositions en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune signée le 9 septembre 1966 (N° Lexbase : L6752BHK).
(10) Foreign Account Tax Compliance Act, IRS
(11) Directive 2003/48/CE du Conseil du 3 juin 2003 en matière de fiscalité des revenus de l'épargne sous forme de paiements d'intérêts (N° Lexbase : L9667G78).
(12) Les droits et libertés constitutionnels en matière fiscale, Etude par E. Meier, Revue de Droit Fiscal, 25 mars 2010.
(13) B. Castagnède, Le contrôle constitutionnel d'égalité fiscale, LPA, 1er mai 2001, n° 86, p. 4.
(14) Cons. const., 12 juillet 1979, n° 79-107 DC (N° Lexbase : A7992ACY).
(15) Directive 2003/48/CE, préc..
(16) Conventions modèle OCDE, art. 26 (N° Lexbase : E8505ET8).
(17) Les Echos, 29 avril 2014.
(18) G. Osborne, chancelier de l'Echiquier dans le cabinet formé par David Cameron.
(19) Directive 2011/16/UE du Conseil du 15 février 2011, relative à la coopération administrative dans le domaine fiscal (N° Lexbase : L5101IPM).

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