Le Quotidien du 14 mars 2025 : Actualité judiciaire

[A la une] La banque UBS condamnée pour le harcèlement moral d’un ex-salarié lanceur d’alerte qui avait dénoncé un système d’évasion fiscale

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[A la une] La banque UBS condamnée pour le harcèlement moral d’un ex-salarié lanceur d’alerte qui avait dénoncé un système d’évasion fiscale. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/article-juridique/116968996-a-la-une-la-banque-ubs-condamnee-pour-le-harcelement-moral-dun-exsalarie-lanceur-dalerte-qui-avait-d
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par Vincent Vantighem

le 12 Mars 2025

Le jour de l’audience, dans les couloirs du tribunal judiciaire de Paris, il trépignait presque d’impatience à l’idée de poursuivre et de terminer ce combat « éthique » entamé il y a plus de 15 ans. Nicolas Forissier a eu raison de le faire. La justice a en effet condamné, lundi 10 mars, son ancien employeur, la banque suisse UBS, à une amende de 75 000 euros pour harcèlement moral alors qu’il avait, en tant que lanceur d’alerte, dénoncé le système d’évasion fiscale qu’elle avait mis en place, via sa filiale française.

« C’est la vérité qui ressort. J’ai fait mon travail, que mon travail. J’ai respecté la loi de mon pays et j’en suis très très fier », a réagi Nicolas Forissier, à l’issue du délibéré. L’entité UBS a en outre été condamnée à lui verser 50 000 euros de dommages et intérêts. L’autre victime lanceuse d’alerte, Stéphanie Gibaud, s’était, elle, désistée de sa constitution de partie civile avant l’audience peu après avoir trouvé un accord avec la banque, dans ce volet-là.

Si UBS a été reconnue coupable de « harcèlement moral » à l’encontre de ses deux ex-salariés lanceurs d’alerte, elle a toutefois été relaxée des chefs de subornation de témoin et d’entrave au Comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT).

Un système « massif » d’évasion fiscale.

Pour bien comprendre cette affaire, il faut remonter plus de quinze ans dans le passé lorsque Nicolas Forissier, alors chef de l’audit interne, et Stéphanie Gibaud, responsable marketing, avaient dénoncé un système d’évasion fiscale mis en place par UBS. Un système « massif » selon l’accusation qui avait perduré entre 2004 et 2012 et permis à UBS d’abriter en Suisse les avoirs de nombreux contribuables français.

Dans cette affaire, UBS France a été relaxée définitivement pour « complicité de blanchiment de fraude fiscale » mais condamnée à une amende de 1,875 million d’euros pour « complicité de démarchage bancaire illégal ». Les débats avaient démontré que de riches contribuables français avaient été prospectés par UBS pour qu’ils placent leur fonds en Suisse, notamment lors d’événements particuliers (soirées de galas ou week-end de chasse notamment).

Pour la maison mère, UBS AG, l’affaire n’est toujours pas terminée. En 2019, elle a été condamnée à une amende record de 3,7 milliards d’euros et plus de 800 millions de dommages et intérêts pour avoir mis en place un « système » visant à « faciliter » la fraude fiscale de contribuables français entre 2004 et 2012. En appel, en 2021, la sanction a été réduite à un total de 1,8 milliard d’euros. Et en 2023, la Cour de cassation a définitivement reconnu la culpabilité de la banque, tout en demandant la tenue d’un nouveau procès pour réexaminer la question des peines (Cass. crim., 15 novembre 2023, n° 22-81.258, FS-B N° Lexbase : A58921ZA).

La banque en désaccord avec sa condamnation.

En marge de toute cette affaire et de cette procédure pour le moins longue et chaotique, Nicolas Forissier et Stéphanie Gibaud n’ont cessé de dénoncer le harcèlement dont ils avaient été la cible par leur ancien employeur. Figurant parmi les principaux exemples qui ont permis la création du statut de lanceur d’alerte, ils avaient décidé d’attaque UBS sur ce front-là aussi. Et ont donc obtenu gain de cause.

Ce dont se réjouit William Bourdon, avocat de Nicolas Forissier. Selon lui, c’est la première fois en France que l’ex-employeur d’un lanceur d’alerte est condamné pour harcèlement moral. Évidemment, le montant de l’amende, 75 000 euros (soit le montant maximal) paraît presque dérisoire en comparaison avec les fonds propres de la banque. « Mais on est heureux et fiers de cette décision, a indiqué William Bourdon. C’est aussi un puissant message en direction des lanceurs d’alerte de demain qui doivent voir cette décision comme un bouclier dissuasif. »

De son côté, la banque s’est dite satisfaite de la relaxe intervenue sur deux des trois infractions qui lui étaient reprochées (la subornation de témoin et l’entrave au CHSCT). « Néanmoins, nous sommes en désaccord avec la condamnation pour harcèlement moral que nous trouvons injuste », a-t-elle ajouté dans une déclaration à l’Agence France Presse reprise notamment dans les colonnes du Monde. Nous allons analyser attentivement la décision et décider des prochaines étapes. »

Sur son compte X (anciennement Twitter), Nicolas  a lui simplement relayé un message de soutien qui n’a pas manqué de saluer sa « ténacité ».

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