Réf. : Cass. civ. 3, 7 novembre 2024, n° 23-12.315, FS-B N° Lexbase : A19266E3
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par Juliette Mel, Docteur en droit, Avocat associé, M2J Avocats, Chargée d’enseignements à l’UPEC, Responsable de la commission Marchés de Travaux, Ordre des avocats
le 20 Novembre 2024
► L’architecte est tenu d’une obligation de moyens, qui impose au maître d’ouvrage de démontrer sa faute, au regard de la mission confiée ;
Le principe de réparation intégrale du préjudice s’étend au manque à gagner.
Le maître d’œuvre est toujours au cœur des actions contentieuses initiées par le maître d’ouvrage. D’abord, parce qu’il est souvent son interlocuteur privilégié, passerelle entre lui et les entreprises. Ensuite parce que sa mission est cousue main, en fonction des besoins du chantier. Enfin, parce que les juges ont tendance à apprécier largement les missions qui lui sont confiées et à étendre son devoir d’alerte et de conseil. La présente espèce est l’occasion d’y revenir.
Une société de construction a confié à un architecte la maîtrise d’œuvre de la construction d’un immeuble. Le maître d’ouvrage l’assigne en indemnisation du préjudice résultant du déficit de surface d’un des lots, vendu après achèvement. Statuant sur renvoi après cassation (Cass. civ. 3, 16 février 2022, n° 20-22.778, F-D N° Lexbase : A64577NH), la cour d’appel de Bordeaux rejette la demande d’indemnisation formée contre l’architecte.
Le maître d’ouvrage forme un pourvoi en cassation. Il articule, d’une part, que l’architecte chargé d’une mission de maîtrise d’œuvre complète est responsable de la non-conformité de la construction aux plans qu’il a établis. Les conseillers ont relevé que l’architecte s’est vue confier une mission complète de maîtrise d’œuvre allant des études préliminaires à l’assistance aux opérations de réception (AOR) ainsi qu’au dossier des ouvrages exécutés (DOE) mais qu’il n’avait pas de mission complémentaire notamment relative au mesurage et à la représentation graphique de toute ou partie des existants, de sorte qu’il ne peut lui être reproché un manquement dans l’exercice de ses missions. Selon le pourvoi, quand l’architecte a en charge la direction de l’exécution des travaux (DET) et doit assister le maître d’ouvrage aux opérations de réception (AOR), il est tenu de s’assurer que la construction est conforme aux plans.
La Cour de cassation partage cet avis et censure. Lorsque l’architecte a une mission dite complète, il lui appartient de veiller à une exécution conforme aux prévisions contractuelles et aux plans établis.
La solution est de bon sens. Lorsque le maître d’œuvre a une mission dite complète, il doit s’assurer de la conformité de la construction, même si cela n’est pas explicitement détaillé dans les missions de son contrat. Pour la Haute juridiction, c’est intrinsèque aux missions DET et AOR.
Le principe selon lequel l’architecte n’est tenu que d’une obligation de moyens (Cass. civ. 3, 8 mars 1995, n° 93-11.268, publié N° Lexbase : A7563ABQ) impacte la charge de la preuve mais non le contenu des éléments de missions confiés.
Le second moyen est tout aussi intéressant. Le maître d’ouvrage peut réclamer l’indemnisation d’un manque à gagner résultant de la non-conformité de l’ouvrage aux prévisions contractuelles.
La responsabilité était ici engagée sur le fondement du droit commun de la responsabilité. Il s’agit donc là d’une application du principe de réparation intégrale du préjudice.
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