Le Quotidien du 19 novembre 2024 : Presse

[Brèves] Un journaliste ou un directeur de publication ne peut se prévaloir de sa qualité de non-juriste pour bénéficier de l’exception de bonne foi

Réf. : Cass. crim., 13 novembre 2024, n° 23-81.810, FS-B N° Lexbase : A30506G3

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par Pauline Le Guen

le 26 Novembre 2024

► La Chambre criminelle indique qu’un journaliste ou un directeur de publication, poursuivi pour diffamation au sens de la loi sur la liberté de la presse, ne peut se prévaloir de sa qualité de non-juriste pour bénéficier de l’excuse de bonne foi, l’erreur dans la qualification des faits ne pouvant suffire à ôter sa pertinence à la base factuelle et écarter l’existence d’une faute civile. 

Rappel des faits et de la procédure. À la suite d’une plainte avec constitution de partie civile, une journaliste et un directeur de publication ont été renvoyés devant le tribunal correctionnel d’une part, du chef de diffamation publique envers un particulier pour avoir publié un article dans lequel il était indiqué que la partie civile avait « fait de la prison pour complicité de tentative de meurtre », et d’autre part, du chef de diffamation publique envers une personne à raison de l'origine, l'ethnie, la nation, la race ou la religion, pour avoir publié dans le même article que l’intéressé « faisait appliquer la Charia ». Le tribunal a relaxé les prévenus et la partie civile a fait appel de ce jugement. 

En cause d’appel. La cour d’appel a débouté la partie civile de ses demandes tendant à voir dire que les propos litigieux étaient constitutifs d’une faute civile notamment. Elle s’est alors pourvue en cassation.  

Moyens du pourvoi. Il était reproché à la cour d’appel d’avoir rejeté l’existence d’une faute civile et retenu l’exception de bonne foi, alors que cette dernière ne peut être invoquée par un journaliste ou un directeur de publication qu’à certaines conditions, notamment celle que les propos reposent sur une base factuelle suffisante faisant suite à des investigations sérieuses. Or la cour d’appel a considéré que les prévenus pouvaient bénéficier de cette excuse, qu’ils avaient commis une erreur de qualification pénale en raison de leur qualité de non-juriste, se reposant sur une base factuelle selon elle suffisante – l’intéressé avait été condamné pour des faits graves, à savoir séquestration – et que les autres conditions lui semblaient remplies. Les juges du fond avaient également retenu que l’utilisation du pronom « ils » dans le jugement avait pu entretenir une confusion sur le rôle de chacun dans l’affaire en question, sans rechercher si l’intéressé n’avait pas été poursuivi pour violence, que sa peine avait été de moindre importance, d’autant que la victime avait témoigné qu’il n’avait été victime d’aucune violence de sa part. Enfin, il était reproché à la cour d’appel d’avoir rejeté sa demande concernant les propos imputant de façon mensongère à la partie civile, de confession musulmane, de faire appliquer la Charia sur le territoire français, se rendant coupable de faits pénalement répréhensibles, ce qui portait atteinte à son honneur et à sa considération. 

Décision. La Haute juridiction casse l’arrêt au visa de l’article 593 du Code de procédure pénale N° Lexbase : L3977AZC. En effet, les prévenus auraient dû procéder à une enquête sérieuse, en leur qualité de professionnels de l’information, ne disposant d’aucune base factuelle pour affirmer à trois reprises que la partie civile avait été condamnée pour complicité de tentative de meurtre, faute pour les décisions susvisées de l’évoquer de quelque manière que ce soit, ces dernières indiquant au contraire que la partie civile avait été condamnée pour séquestration et qu’aucune violence n’avait été retenue à son encontre. Les journalistes ne pouvaient se prévaloir de leur qualité de non-juriste pour bénéficier de l’exception de bonne foi, laquelle exige, pour être appliquée, que les propos tenus poursuivent un but légitime, qu’ils soient mesurés, que l’auteur ne soit animé d’aucune animosité personnelle et qu’ils reposent sur une base factuelle suffisante après qu’une enquête sérieuse ait été menée. Ainsi, la cassation est encourue sans qu’il n’y ait besoin d’examiner les autres griefs.  

La Cour de cassation relève néanmoins que les propos imputant à la partie civile de faire appliquer la Charia, loi islamique, sont précis et de nature à porter atteinte à son honneur et à sa considération, cette imputation étant faite à raison de son appartenance, réelle ou supposée, à la religion musulmane. La cassation est alors également encourue. 

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