La lettre juridique n°982 du 25 avril 2024 : Baux d'habitation

[Brèves] Locations touristiques de courte durée dans un immeuble en copropriété : conformité à la destination d’un immeuble à usage mixte professionnel-habitation ?

Réf. : TJ Paris, 8e ch., 2e sect., 4 avril 2024, n° 22/02674 N° Lexbase : A209127L ; TJ Paris, 8e ch., 2e sect., 29 février 2024, deux jugements, n° 22/02321 N° Lexbase : A694427C et n° 21/03182 N° Lexbase : A56772TG ; TJ Paris, 8e ch., 3e sect., 23 février 2024, n° 21/11598 N° Lexbase : A11492RY ; TJ Paris, Communiqué de presse, 18 avril 2024

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par Anne-Lise Lonné-Clément

le 25 Avril 2024

► Par quatre décisions rendues entre février et avril 2024, la huitième chambre du tribunal judiciaire de Paris a retenu l’absence de conformité de l'activité de location touristique de courte durée avec la destination d'un immeuble à usage mixte professionnel-habitation soumis au statut de la copropriété des immeubles bâtis ; il fait ainsi droit aux demandes des syndicats de copropriétaires de cesser ou faire cesser, sous astreinte, dans les lots concernés, toute activité de location meublée de courte durée.

Aux termes d'un arrêt rendu le 8 mars 2018 (Cass. civ. 3, 8 mars 2018, n° 14.15.864, F-D N° Lexbase : A6736XGL), la Cour de cassation a considéré qu'une cour d'appel avait pu souverainement estimer que la location meublée de courte durée, ou même pour de longs séjours, dans des « hôtels studios meublés » avec prestations de services, pouvait être incompatible avec la destination d'un immeuble résidentiel à usage mixte professionnel-habitation.

Le tribunal judiciaire de Paris a été saisi distinctement par quatre syndicats des copropriétaires se plaignant de l'activité commerciale de location meublée de courte durée de l'un de leurs copropriétaires.

Dans chacune de ces affaires, s'est posée principalement la question de savoir si l'activité de location touristique de courte durée pouvait être compatible avec la destination d'un immeuble à usage mixte professionnel-habitation.

Tenant compte du caractère principalement résidentiel des immeubles concernés, le tribunal judiciaire de Paris a répondu par la négative aux termes de quatre décisions rendues par deux compositions différentes de la huitième chambre civile.

Dans ses décisions, le tribunal relève notamment que « le fait de louer un local meublé destiné à l’habitation de manière répétée pour de courtes durées à une clientèle de passage qui n’y élit pas domicile constitue une activité commerciale qui contrevient directement aux clauses du règlement de copropriété précitées relatives à l’usage que les copropriétaires doivent faire de leur lot, justifiée par la destination bourgeoise de cet immeuble impliquant une occupation pérenne et paisible, au regard de ces caractéristiques et de sa situation ».

De plus, « la possibilité ouverte à des lots en rez-de-chaussée d'exercer une activité de nature commerciale n'est pas de nature, en elle-même, à justifier une autorisation générale, proscrite par le règlement de copropriété, d'exercice de toute activité commerciale dans tous les autres locaux à usage de bureaux en rez-de-chaussée, conformément à la destination bourgeoise de l'immeuble impliquant une occupation pérenne et paisible » (en ce sens, CA Aix-en-Provence, 1-2, 25 mars 2021, n° 19/18856 N° Lexbase : A39324ML ; voir également, CA Paris, 4-2, 31 mai 2023, n° 22/18593 N° Lexbase : A57869YX et 25 octobre 2023, n° 19/11631 N° Lexbase : A06311RS).

Aussi, « lorsqu'un copropriétaire entend changer l'affectation de ses parties privatives, il doit indépendamment du respect des règles d'urbanisme s'assurer que cette affectation est compatible avec les dispositions du règlement de copropriété, qu'elle ne porte pas atteinte à la destination de l'immeuble et qu'elle ne porte pas atteinte aux droits des autres copropriétaires » (ex. : CA Paris, 4-2, 24 mars 2021, n° 17/15876 N° Lexbase : A33184MT).

C’est ainsi que dans ces quatre affaires, le tribunal a décidé de faire droit aux demandes des syndicats de copropriétaires en ordonnant aux propriétaires en cause de cesser ou faire cesser dans les lots concernés toute activité de location meublée de courte durée, sous astreinte (d’un montant allant de 800 à 1 000 euros) par jour de retard et par infraction constatée par voie d'huissier de justice.

À noter, en revanche, que dans chacune de ces affaires, les syndicats des copropriétaires sont déboutés de leur demande d'interdire de manière générale aux propriétaires toute location des lots en cause. En effet, le principe étant la liberté d'usage de son lot par tout copropriétaire, sous réserve de ne pas porter atteinte aux droits des autres copropriétaires ou à la destination de l'immeuble, les lots peuvent être loués en tant que bureaux, voire le cas échéant, à titre d'habitation, dans le respect de la destination bourgeoise de l'immeuble et à la condition d'avoir obtenu une autorisation préalable de l'assemblée générale des copropriétaires.

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