La lettre juridique n°979 du 28 mars 2024 : Contrats et obligations

[Brèves] Caractérisation de l’interdépendance contractuelle et effets de la caducité

Réf. : Cass. civ. 1, 13 mars 2024, n° 22-21.451, FS-B N° Lexbase : A05032U8

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par Claire-Anne Michel, Maître de conférences, Université Grenoble-Alpes, Centre de recherches juridiques (CRJ)

le 29 Mars 2024

► La caducité des contrats appartenant à un même ensemble contractuel peut être rétroactive dès lors que les contrats n’ont pas été entièrement exécutés.

En ce début d’année 2024, les ensembles contractuels sont sous le feu des projecteurs. Après avoir envisagé, il y a quelques semaines, le sort des clauses de divisibilité, la Cour de cassation se prononce aujourd’hui sur la caractérisation de l’ensemble et les effets de l’anéantissement d’un contrat sur les autres contrats de l’ensemble (Cass. com., 10 janvier 2024, n° 22-20.466, FS-B+R N° Lexbase : A2729784 ; v. Aurélie Dardenne, Application de la caducité dans les ensembles contractuels : rien de nouveau sous le soleil, Lexbase Droit privé, mars 2024, n° 978 N° Lexbase : N8819BZN). En matière d’ensembles contractuels, les faits sont souvent complexes. Ceux ayant donné lieu à l’arrêt rendu le 13 mars 2024 n’y font pas exception.

Faits et procédure. En l’espèce, le client d’une banque avait souscrit, par l’intermédiaire de cette dernière, un contrat d’assurance-vie, lequel était abondé grâce à des sommes versées par cette même banque au titre de différents prêts. Quelques années plus tard, le client exerce sa faculté de renonciation (C. ass., art. L. 132-5-1 N° Lexbase : L9567LGG), dont la mise en œuvre a été considérée comme valable. Sur renvoi après cassation, les juges du fond avaient caractérisé l’existence d’une interdépendance contractuelle entre l’assurance-vie et les crédits ayant permis d’abonder celle-ci. S’agissant de l’anéantissement des contrats de prêt consécutif à la caractérisation de l’ensemble contractuel, ils ont admis la rétroactivité de la caducité (CA Paris, 28 juin 2022, n° 20/07437 N° Lexbase : A1288794). Deux points faisaient débat : la caractérisation de l’interdépendance et les effets de celle-ci.

Caractérisation de l’interdépendance. Le pourvoi reprochait à la cour d’appel de ne pas avoir recherché si le contrat d’assurance-vie et les contrats de prêt ne pouvaient pas être exécutés indépendamment les uns des autres. Pour récuser l’argument, la Cour de cassation relève un certain nombre d’éléments : la banque qui était la seule interlocutrice du client car elle agissait non seulement en qualité de prêteur mais également de courtier, la présence du logo de la banque sur le bulletin d’adhésion signé par l’assuré, la concomitance et la durée des prêts calquées sur l’assurance-vie. En outre, la cour d’appel avait constaté que « la commune intention des parties était de rendre leurs conventions interdépendantes, peu important qu’elles fussent matériellement exécutables indépendamment les unes des autres » (rappr. sous l’empire du droit nouveau inapplicable aux faits de l’espèce, C. civ., art. 1186 N° Lexbase : L0892KZ3). Mais ce n’est sans doute pas là que réside l’apport essentiel de l’arrêt.

Effets de la caducité : rétroactivité ? La caducité (rappr. Cass. civ. 1, 4 avril 2006, n° 02-18.277, FS-P+B N° Lexbase : A9591DNK) peut produire des effets rétroactifs. La solution était admise sous l’empire du droit antérieur à l’ordonnance du 10 février 2016, ce que le nouvel article 1187 N° Lexbase : L0891KZZ ne semble pas remettre en cause en se contentant d’évoquer la « fin du contrat », analyse d’ailleurs corroborée par l’alinéa 2 qui admet qu’elle puisse donner lieu à restitutions. Dès lors, y avait-il lieu à prononcer l’anéantissement rétroactif des prêts, et ce faisant, la restitution au client des intérêts qu’il avait payés ? La Cour de cassation donne le critère : la caducité ne peut avoir lieu que si « les contrats caducs n’ont pas été entièrement exécutés à la date d’exercice de la faculté de renonciation ». Or, en l’espèce, l’ensemble des prêts, à l’exception d’un, avaient été entièrement exécutés. Les restitutions sont donc neutralisées. L’arrêt d’appel qui avait admis la rétroactivité, est donc cassé au visa de l’ancien article 1134 du Code civil.

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