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par Nicolas Catelan et Jean-Baptiste Perrier, Directeurs scientifiques de la revue Lexbase Pénal
le 27 Mars 2024
La réforme du Code pénal est entrée en vigueur le 1er mars 1994, soit, désormais, il y a trente ans. L’âge de la maturité aux yeux de certains, mais l’âge où tout est encore à faire, avec l’espoir que les années écoulées permettent d’appréhender l’avenir sereinement. Les nombreuses réformes de la réforme, c’est-à-dire les innombrables modifications apportées au Code pénal depuis trente ans, laissent toutefois peu de doute sur cette sérénité espérée, et quelques inquiétudes sur la maturité attendue.
Cet anniversaire que vous propose de célébrer Lexbase Pénal est un peu particulier : le Code vient de perdre l’un de ses principaux artisans, l’immense Robert Badinter. On sait quel rôle fut le sien dans les années 1980 lorsqu’il ressuscita le projet de réforme qui permit d’aboutir aux lois du 22 juillet 1992. Nous étions évidemment très fiers lorsque l’ancien ministre de la Justice accepta notre proposition de participer à ce dossier spécial qui nourrit très substantiellement cette nouvelle livraison de la revue Lexbase Pénal. Les circonstances ne nous ont malheureusement pas permis de profiter du regard du célèbre avocat, professeur et Sage, sur l’évolution du Code pénal au cours des trente dernières années.
Ce deuil ne doit pas nous empêcher d’apprécier le travail considérable accompli par les nombreux auteurs ayant accepté de relever le défi que nous leur avons lancé. Les éditions Lexbase sont en effet très fières d’accueillir ce dossier si spécial qui combine des articles communs ou en miroir sur ce code aussi imparfait que moderne, qui guide, principe de légalité oblige, la main de tous les juges pénaux de France au moment de rendre une décision. Du droit pénal général au droit pénal spécial en passant par le droit de la peine, chacun a su avec talent, retracer trente ans d’évolutions… et d’interrogations.
À l’heure où un nouveau Code de procédure pénale est annoncé, il ne semble pas inutile de revenir sur ces trois dernières décennies pour comprendre quelle destinée ont les compilations ordonnées de lois à l’heure de la fluidification des normes, mais aussi de leur empilement, résultat d’injonctions souvent paradoxales d’efficacité, de simplicité… et de protection.
Le Code pénal, dont la réforme est entrée en vigueur en 1994, est encore jeune et pourtant il semble déjà accuser les années. La responsabilité ne semble plus être celle de 1994 comme en témoignent le mécanisme ad hoc relatif aux personnes morales ou encore le cas des troubles psychiques. Le droit pénal des mineurs n’a cessé d’évoluer, de se modifier… jusqu’à être désormais compilé ailleurs. Les peines semblent toujours marquées par la prison, pourtant si décriée sur un plan philosophique, sociologique…et pratique. Quant au droit pénal spécial, il semble bien difficile de trouver une ligne de pente évidente.
Pourtant, à y regarder de plus près, et grâce aux nombreuses contributions de ce dossier, des lignes de force apparaissent. Nouvelles ou anciennes, ces tendances éclairent la justice pénale actuelle : légalité renforcée sans nécessaire prévisibilité évidente, légistique chahutée mais encadrée par des normes supérieures, prison exceptionnelle mais possible donc toujours prononcée, incriminations galopantes au profit du filet répressif toujours plus étendu.
Ces lignes de force, qui sont souvent des lignes de fuite, pourraient demeurer invisibles si la doctrine ne passait son temps à mettre en lumière leurs manifestations, leurs contradictions, leur succès et leurs échecs. Qu’il nous soit donc permis de remercier à nouveau tous les nombreux contributeurs à ce dossier spécial et ceux qui, au sein de Lexbase, ont rendu possible ce nécessaire travail de mise en intelligibilité.
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