La lettre juridique n°977 du 14 mars 2024 : Licenciement

[Brèves] Licenciement injustifié d’un salarié ayant tenu des propos privés à caractère racistes via sa messagerie professionnelle

Réf. : Cass. soc., 6 mars 2024, n° 22-11.016, FS-B N° Lexbase : A29592SE

Lecture: 3 min

N8694BZZ

Citer l'article

Créer un lien vers ce contenu

[Brèves] Licenciement injustifié d’un salarié ayant tenu des propos privés à caractère racistes via sa messagerie professionnelle. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/article-juridique/105552722-breves-licenciement-injustifie-dun-salarie-ayant-tenu-des-propos-prives-a-caractere-racistes-via-sa-
Copier

par Charlotte Moronval

le 13 Mars 2024

► L'employeur ne peut, pour procéder au licenciement d'un salarié, se fonder sur le contenu de messages, qui, même s'ils avaient été envoyés au moyen de la messagerie professionnelle, relèvent de la vie personnelle du salarié dès lors, d'une part, que ces messages s'inscrivaient dans le cadre d'échanges privés, à l'intérieur d'un groupe de personnes, et n'avaient pas vocation à devenir publics, d'autre part, que les opinions exprimées par la salariée n'avaient eu aucune incidence sur son emploi ou ses relations avec les usagers ou ses collègues et qu'il n'est pas établi qu'ils auraient été connus en dehors du cadre privé.

Faits et procédure. Une salariée travaillant à la CPAM du Tarn-et-Garonne a utilisé sa messagerie électronique professionnelle pour adresser à ses collègues un courriel contenant des propos à caractère manifestement raciste et xénophobe. L’employeur en prend connaissance à la suite d’une erreur d’envoi d’un des destinataires.

Celui-ci procède au licenciement de la salariée pour faute grave.

La salariée conteste son licenciement et obtient satisfaction devant la cour d’appel (CA Toulouse, 26 novembre 2021, n° 19/04850 N° Lexbase : A34207DZ).

La CPAM forme un pourvoi en cassation à l’encontre de cette décision.

Solution. La Chambre sociale de la Cour de cassation confirme la position de la cour d’appel.

Elle rappelle que le salarié a droit, même au temps et au lieu de travail, au respect de l’intimité de sa vie privée. Ainsi, un motif tiré de la vie personnelle du salarié ne peut justifier, en principe, un licenciement disciplinaire, sauf s'il constitue un manquement de l'intéressé à une obligation découlant de son contrat de travail.

En l’espèce, la cour d’appel :

  • a d'abord constaté que les messages litigieux s'inscrivaient dans le cadre d'échanges privés à l'intérieur d'un groupe de personnes, qui n'avaient pas vocation à devenir publics et n'avaient été connus par l'employeur qu’à la suite d’une erreur d'envoi de l'un des destinataires ;
  • a ensuite relevé que la lettre de licenciement ne mentionnait pas que les opinions exprimées par la salariée dans ces courriels auraient eu une incidence sur son emploi ou dans ses relations avec les usagers ou les collègues. L'employeur ne versait aucun élément tendant à prouver que les écrits de l'intéressée auraient été connus en dehors du cadre privé et à l'extérieur de la CPAM et que son image aurait été atteinte ;
  • a, enfin, retenu que, si le règlement intérieur interdisait aux salariés d'utiliser pour leur propre compte et sans autorisation préalable les équipements appartenant à la CPAM, y compris dans le domaine de l'informatique, un salarié pouvait toutefois utiliser sa messagerie professionnelle pour envoyer des messages privés dès lors qu'il n'en abusait pas et, qu'en l'espèce, l'envoi de neuf messages privés en l'espace de onze mois ne saurait être jugé comme excessif, indépendamment de leur contenu.

Par conséquent, l'employeur ne pouvait, pour procéder au licenciement de la salariée, se fonder sur le contenu des messages litigieux, qui relevaient de sa vie personnelle.

Pour aller plus loin : 

  • confirmation de jurisprudence, v. déjà : Ass. plén., 22 décembre 2023, n° 21-11.330, publié N° Lexbase : A27232A4 ;
  • v. ÉTUDE : La cause réelle et sérieuse de licenciement pour motif personnel, La vie personnelle du salarié, in Droit du travail, Lexbase N° Lexbase : E3369Z38.

 

 

newsid:488694