La lettre juridique n°977 du 14 mars 2024 : Entreprises en difficulté

[Brèves] Opérations sur instruments financiers : quid de la continuation des contrats en cours au jour du jugement d’ouverture ?

Réf. : Cass. com., 6 mars 2024, n° 23-40.023, FS-P, QPC N° Lexbase : A29712ST

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par Perrine Cathalo

le 14 Mars 2024

► La différence de traitement entre un créancier ordinaire, qui ne peut résilier le contrat du seul fait de l'ouverture d'une procédure collective et peut se voir imposer la continuation de celui-ci par l'administrateur, et la banque, titulaire d'un contrat constituant une opération sur instruments financiers, qui peut, en vertu des règles du Code monétaire et financier, résilier ledit contrat à tout moment, est justifiée par un impératif de sécurité juridique et de stabilité du système financier et répond à un motif d'intérêt général en rapport direct avec l'objet des règles communes applicables aux opérations sur instruments financiers.

Faits et procédure. En avril 2017, une SAS a souscrit un prêt d’un montant de 10 000 000 d’euros remboursable avec intérêts au taux variable Euribor 6 mois auprès d’une banque. Un mois plus tard, la société a conclu un second contrat d'échange de conditions d'intérêts, dit contrat de swap de taux d'intérêts, échangeant le taux variable Euribor 6 mois contre un taux fixe.

Par une décision  du 4 décembre 2017, la SAS a été mise en redressement judiciaire. La banque a déclaré plusieurs créances, dont l’une au titre du solde compensé du contrat d'échanges au 4 décembre 2017 et l'autre au titre de l'indemnité de résiliation prévue à ce contrat.

Le 27 juin 2018, la procédure a été convertie en liquidation judiciaire. Les sociétés MJS Partners et MJ Valem, ultérieurement remplacées par une SCP, ont été nommées en qualité de liquidateurs judiciaires.

Les liquidateurs judiciaires ayant contesté les créances déclarées par la banque, le juge-commissaire a été saisi.

Par un arrêt du 16 novembre 2023, la cour d’appel de Douai (CA Douai, 16 novembre 2023, n° 22/04564) a transmis une QPC relative à la conformité de l’article L. 211-40, alinéa 1er, du Code monétaire et financier N° Lexbase : L3704LPU au principe d’égalité entre les créanciers garanti par l’article 6 de la DDHC N° Lexbase : L1370A9M.

Décision. Avant toute chose, la Cour de cassation rappelle que le principe d'égalité ne s'oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes ni à ce qu'il déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général pourvu que, dans l'un et l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la loi qui l'établit.

La Cour constate ensuite que selon l'article L. 211-40, alinéa 1er, du Code monétaire et financier, les dispositions du livre VI du Code de commerce, parmi lesquelles celles des articles L. 622-13 N° Lexbase : L7287IZW, L. 631-14 N° Lexbase : L9175L7X et L. 641-11-1 N° Lexbase : L3298IC7 du Code de commerce, ne font pas obstacle à l'application des dispositions du Code monétaire et financier relatives aux règles communes applicables aux opérations sur instruments financiers, incluant les règles résultant de l'article L. 211-36-1 de ce code N° Lexbase : L7533LBM en vertu desquelles, notamment, les conventions relatives aux obligations financières mentionnées à l'article L. 211-36 sont résiliables.

Il en résulte, selon la nature du contrat, une différence de traitement entre les contractants liés à un débiteur en procédure collective par un contrat en cours à la date du jugement d'ouverture :

  • si le contrat constitue une opération sur instruments financiers soumise aux règles résultant de l'article L. 211-36-1 du Code monétaire et financier, il sera susceptible de résiliation par l'organisme financier du seul fait de l'ouverture de la procédure collective de son cocontractant ;
  • si tel n'est pas le cas, aucune résiliation du contrat ne pourra résulter du seul fait de l'ouverture d'une telle procédure, l'administrateur ou le liquidateur étant en mesure, à certaines conditions, d'en exiger l'exécution.

La Chambre commerciale ajoute que cette différence de traitement règle de façon différente les situations différentes des contractants concernés en rapport direct avec l'objet des règles communes applicables aux opérations sur instruments financiers, incluant les opérations de swap de taux d'intérêts, destinées à sécuriser ces opérations compte tenu de leur nature particulière ; si bien que la dérogation ainsi apportée à l'égalité devant la loi par l'article L. 211-40, alinéa 1er, du Code monétaire et financier, justifiée par un impératif de sécurité juridique et de stabilité du système financier, répond à un motif d'intérêt général également en rapport direct avec l'objet des règles communes applicables aux opérations sur instruments financiers.

En conséquence, la Cour dit n’y avoir lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la QPC.

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