La lettre juridique n°970 du 18 janvier 2024 : Contrats et obligations

[Brèves] Absence de preuve d’un contrat de prêt entre époux : exercice subsidiaire d’une action fondée sur l’enrichissement sans cause ?

Réf. : Cass. civ. 1, 10 janvier 2024, n° 22-10.278, FP-B N° Lexbase : A05562DX

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par Anne-Lise Lonné-Clément

le 17 Janvier 2024

La partie qui n'apporte pas la preuve du contrat de prêt constituant l'unique fondement de son action principale en paiement ne peut être admise à pallier sa carence dans l'administration d'une telle preuve par l'exercice subsidiaire d'une action fondée sur l'enrichissement sans cause (désormais intitulé enrichissement injustifié).

En l’espèce, à la suite du prononcé d’un divorce, l’ex-épouse avait assigné son ex-époux devant le juge aux affaires familiales aux fins de voir juger qu'elle était détentrice d'une créance entre époux d'un montant de 80 000 euros. Elle avait ajouté à sa demande principale, fondée sur l'existence d'un prêt, une demande subsidiaire fondée sur l'enrichissement sans cause, au titre de l’ancien article 1371 du Code civil.

La question soulevée était de savoir si cette action subsidiaire fondée sur l'enrichissement sans cause, pouvait être jugée recevable alors que n’est pas rapportée la preuve du contrat de prêt constituant le fondement de son action principale.

La réponse est négative. La Cour suprême approuve le raisonnement des conseillers d’appel de Douai qui, ayant constaté que l’ex-épouse n'apportait pas la preuve du contrat de prêt qui constituait le fondement de son action principale, en avaient exactement déduit qu'elle ne pouvait pallier sa carence dans l'administration de cette preuve par l'exercice subsidiaire d'une action au titre de l'enrichissement sans cause.

Pour comprendre la solution ainsi retenue, il convient tout simplement de la mettre en perspective avec les dispositions du nouvel article 1303-3 du Code civil N° Lexbase : L0648KZZ selon lesquelles « l'appauvri n'a pas d'action sur le fondement de l'enrichissement sans cause lorsqu'une autre action lui est ouverte, ou se heurte à un obstacle de droit, tel la prescription ».

Pour mémoire, depuis la réforme par l’ordonnance n° 2016-131, du 10 février 2016, portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations, la théorie jurisprudentielle de l’enrichissement sans cause, qui s’exerçait sur le fondement de l’ancien article 1371 du Code civil, a été consacrée légalement aux articles 1303 N° Lexbase : L0954KZD et suivants du code, sous la dénomination de l’enrichissement injustifié.

On relèvera que la cour d’appel de Versailles s’était récemment prononcée dans le même sens, en faisant application des dispositions précitées de l’article 1303-3 du Code civil : CA Versailles, 17 novembre 2022, n° 21/07427 N° Lexbase : A87208WU.

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