Réf. : Cass. soc., 10 janvier 2024, n° 22-13.200, FS-B N° Lexbase : A05642DA
Lecture: 6 min
N8031BZH
Citer l'article
Créer un lien vers ce contenu
par Lisa Poinsot
le 17 Janvier 2024
► En cas de mise en œuvre de convention de forfait en jours, l’employeur doit, d’une part, s’assurer régulièrement que la charge de travail du salarié est raisonnable et permet une bonne répartition dans le temps de son travail, notamment par la tenue régulière d’un entretien au cours de l’année et, d’autre part, prendre les mesures nécessaires pour s’assurer la sécurité et protégé la santé physique et mentale du travailleur.
Faits et procédure. Le contrat de travail d’un salarié prévoit une convention de forfait annuel de 217 jours.
Le salarié, ayant démissionné, saisit la juridiction prud’homale de demandes au titre de la convention individuelle de forfait en jours.
La cour d’appel (CA Limoges, 12 janvier 2022, n° 20/00759 N° Lexbase : A16737IS) constate qu’aucun entretien annuel n’a eu lieu en 2018.
En outre, l’employeur justifie qu’en raison de la démission de son directeur général et de la prise de fonction par la suite du nouveau directeur des opérations, les directions des différents hôtels sont convoquées à l’entretien individuel de suivi du forfait-cadre au titre de l’année 2018, en mars 2019.
Les juges du fond relèvent qu’eu égard à la nécessité de décaler l’ensemble des entretiens des directeurs du fait des contraintes de la société, le recueil de la date d’entretien du salarié au 6 mars 2019 est admissible et légitime.
Par ailleurs, relevant que le salarié a parfois travaillé plus de 6 jours de suite en 2016, 2017 et 2018, les juges du fond retiennent qu’à compter de 2018, les tableaux mentionnent une alerte de l’employeur (115 repos hebdomadaires à prendre au lieu de 104) et que le salarié bénéficie de jours de récupération.
Également, le dépassement du nombre de jours travaillés en 2016 et en 2017 ainsi que le fait pour l’employeur d’imposer au salarié un forfait annuel de 170 jours pour compenser la différence de 51 jours travaillés démontrent sa préoccupation que le temps de travail du salarié ne dépasse pas 217 jours par an afin de préserver sa santé et sa sécurité. Le dépassement de 30 jours en 2018 a été payé par l’employeur.
Enfin, la responsable des ressources humaines a expliqué au salarié le fonctionnement du fichier forfait cadre et a invité le salarié à poser ses congés. Les juges du fond relèvent que la note de service relative au report des congés a été signée, que la fiche relative à la durée du temps de travail a été remise et que les informations sur le forfait en jours ont été données aux directeurs d’hôtels.
Ils en déduisent que le salarié ne peut pas prétendre que son employeur ne portait pas un regard attentif sur le nombre de jours travaillés.
Les juges du fond déboutent alors le salarié de ses demandes.
Ce dernier forme un pourvoi en cassation.
Rappel. Aux termes de l'article L. 3121-60 du Code du travail N° Lexbase : L7344LHH, dont les dispositions sont d'ordre public, l'employeur s'assure régulièrement que la charge de travail du salarié est raisonnable et permet une bonne répartition dans le temps de son travail. Selon l'article L. 3121-64, II, du Code du travail N° Lexbase : L7344LHH, l'accord collectif autorisant la conclusion de conventions individuelles de forfait en jours détermine les modalités selon lesquelles l'employeur et le salarié communiquent périodiquement sur la charge de travail du salarié, sur l'articulation entre son activité professionnelle et sa vie personnelle, sur sa rémunération, ainsi que sur l'organisation du travail dans l'entreprise. En outre, l'employeur, tenu d'une obligation de sécurité envers les salariés, doit prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs. Il ne méconnaît pas cette obligation légale s'il justifie avoir pris toutes les mesures prévues par les articles L. 4121-1 N° Lexbase : L8043LGY et L. 4121-2 N° Lexbase : L6801K9R du Code du travail. Par conséquent, l’employeur est tenu de :
|
La solution. Énonçant la solution susvisée, la Chambre sociale de la Cour de cassation casse la décision de la cour d’appel sur le fondement des articles L. 3121-60, L. 3121-64, II, du Code du travail, 2.4 de l'avenant n° 22 du 16 décembre 2014 à la Convention collective nationale des hôtels, cafés restaurants (HCR) du 30 avril 1997, relatif aux cadres autonomes
La Haute juridiction relève un non-respect des obligations légales et conventionnelles de l’employeur puisque :
Or, la Convention collective nationale des hôtels, cafés et restaurants prévoit que chaque salarié ayant conclu une convention de forfait en jours devra bénéficier chaque année d'un entretien avec son supérieur hiérarchique au cours duquel seront évoquées la charge de travail du salarié, l'amplitude de ses journées d'activité, l'organisation du travail dans l'entreprise, l'articulation entre son activité professionnelle et sa vie personnelle et familiale ainsi que sa rémunération.
La Haute juridiction relève qu’il importe peu que le non-respect à ces obligations par l’employeur soit lié à des contraintes internes à l’entreprise. En outre, la récupération ou le paiement des jours de dépassement du forfait en jours et les alertes mentionnées sur les tableaux tenus par celui-ci, ne permettent pas de dire qu’il a mis en place des mesures de nature à remédier en temps utile à la charge de travail du salarié incompatible avec la durée raisonnable de travail dont il a été informé.
Pour aller plus loin :
|
© Reproduction interdite, sauf autorisation écrite préalable
newsid:488031