La lettre juridique n°970 du 18 janvier 2024 : Officiers publics ou ministériels

[Jurisprudence] Droit de se taire : parlons-en !

Réf. : Cons. const., décision n° 2023-1074 QPC du 8 décembre 2023 N° Lexbase : A4136IRM

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N8080BZB

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par Jean-Pierre Camby - Professeur associé à l’Université de Versailles Saint Quentin, HDR, Paris Saclay et Jean-Éric Schoettl - ancien Secrétaire général du Conseil constitutionnel

le 07 Février 2024

Mots-clés : notaires • officiers publics ou ministériels • procédure disciplinaire • droit de se taire • CESDH • procédure pénale • sanction administrative • autorité administrative indépendante 

En des termes inédits, le Conseil constitutionnel juge que le professionnel faisant l’objet de poursuites disciplinaires ne peut être entendu sur les manquements qui lui sont reprochés sans qu’il soit préalablement informé du droit qu’il a de se taire.


 

Montesquieu nous l’a bien dit : les lois doivent être faites pour les gens de « médiocre entendement ». Plus une règle touche le commun des mortels, plus elle doit être compréhensible par le commun des mortels. Et plus elle doit donc être générale et simple. Mais la généralité ne peut-elle aussi avoir ses inconvénients ? Une règle dont l’application serait étendue à des situations pour lesquelles elle n’est pas conçue ne risque-t-elle pas d’être inadaptée ? N’y a-t-il pas risque de confondre les procédures, leurs objets, leurs effets ?

Le droit de se taire [1] – ou, plus précisément, le droit d’être informé de son droit de se taire - illustrent cette problématique.

Chacun a le droit de ne pas s’auto-incriminer. Il en découle le droit de se taire devant les juridictions pénales, qui a pour objet d’empêcher une personne prévenue d’une infraction de se laisser entraîner à des aveux excessifs, sollicités, ou d’être mise en situation de ne pouvoir revenir sur ses propres affirmations. Il en résulte également le fait que cette personne doit être informée de ce droit dès l’ouverture d’une procédure. Ce droit repose donc sur une logique simple, liée aux droits substantiels de la défense dans la procédure pénale. Il est général, puisque valable à tous les stades de cette procédure. Mais cette garantie vaut seulement pour une instruction pénale, ce que confirment les textes applicables.

Le droit de se taire a été déduit par la Cour européenne des droits de l’Homme (CEDH) de l’article 6 de la CESDH N° Lexbase : L7558AIR (droit au procès équitable) : « il ne fait aucun doute que, même si l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme  ne les mentionne pas expressément, le droit de se taire lors d'un interrogatoire de police et le droit de ne pas contribuer à sa propre incrimination sont des normes internationales généralement reconnues qui sont au cœur de la notion de procès équitable consacré par l'article 6 » [2] . Ce droit, selon la Cour, existe donc même si la personne est entendue librement [3]  et doit être notifié [4] tandis que la CJUE y voit également un élément de la présomption d’innocence [5].

À l’article 6 de la CESDH, fait écho l’article 9 de la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen de 1789 N° Lexbase : L1373A9Q : « Tout homme étant présumé innocent jusqu'à ce qu'il ait été déclaré coupable, s'il est jugé indispensable de l'arrêter, toute rigueur qui ne serait pas nécessaire pour s'assurer de sa personne doit être sévèrement réprimée par la loi. »

Le droit de se taire pendant une garde à vue est organisé par l'article 63-1 du Code de procédure pénale N° Lexbase : L4971K8M, issu de la loi n° 2011-392 du 14 avril 2011 N° Lexbase : L9584IPN [6]. De nombreuses décisions du Conseil constitutionnel, en réponse à des QPC, ont précisé les droits de la personne gardée à vue, avant que ces droits soient repris par le législateur pour se conformer à la jurisprudence. Le droit de se taire est indissociable du droit à l’assistance d’un avocat [7] . Le dispositif a de nouveau été modifié par la loi n° 2014-535 du 27 mai 2014 portant transposition de la Directive 2012/13/UE du Parlement européen et du Conseil du 22 mai 2012 N° Lexbase : L2680I3N, relative au droit à l'information dans le cadre des procédures pénales, puis en 2016 et en 2024. Il va l’être à nouveau en vertu des dispositions du projet de loi (déposé le 15 novembre 2023) « portant adaptation au droit de l’Union européenne en matière d’économie, de finances, de transition écologique, de droit pénal, de droit social et en matière agricole ». L’article 28 de ce projet met fin à des dérogations à l’accès à l’avocat en vigueur en France, mais non prévues par la Directive 2013/48/UE (dite « Directive C ») N° Lexbase : L5328IYY. L’article 63-4-2  du Code de procédure pénale N° Lexbase : L4968K8I permet aujourd’hui en effet dans une procédure ordinaire d’entendre la personne gardée à vue hors la présence de l’avocat (mais avec son consentement et après lui avoir notifié son droit au silence) dans deux cas : d’une part, après l’expiration des deux heures si aucun avocat ne s’est présenté dans ce délai ; d’autre part, dès avant l’expiration des deux heures, si les nécessités de l’enquête l’exigent et avec l’autorisation du procureur de la République. Ces possibilités ont valu à la France une mise en demeure, puis un avis motivé, de la Commission européenne.

Le principe du droit de se taire est plus généralement posé à toutes les étapes de la procédure pénale. Le Code de procédure pénale a été complété à cet effet en divers endroits : il s’agit d’une des matières où, depuis 2010, la QPC aura eu le plus d’influence sur la législation. La règle s’est étendue : les unes après les autres, les procédures pénales qui font silence sur le droit au silence tombent sous le coup de déclarations d’inconstitutionnalité garantissant le droit de se taire.

Ainsi, le droit de se taire – et son corollaire, le droit d’être informé du droit de se taire – doivent être respectés devant le juge de la détention et des libertés : l’article 145 du Code de procédure pénale N° Lexbase : L1332MAL, qui ne prévoyait pas un tel droit, méconnaissait l’article 9 de la DDHC [8]. De même pour l’article 148-2 N° Lexbase : L1333MAM, portant sur les demandes de mainlevée du contrôle judiciaire et de mise en liberté [9].  De même encore pour l’article 394 N° Lexbase : L1545MAH, portant sur la notification à comparaître, dans sa rédaction résultant de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 [10] N° Lexbase : L6740LPC, qui a été modifiée par la loi du 22 décembre 2021 N° Lexbase : L3146MAR.  De même toujours pour l’article 77-1 N° Lexbase : L6538MGA qui permet au procureur de la République d’avoir recours, dans le cadre d’une enquête préliminaire, à « toutes personnes qualifiées pour procéder à des constatations ou examens techniques ou scientifiques », donc à un psychologue ou psychiatre désigné pour entendre la personne soupçonnée : la personne entendue par l’expert doit être informée de son droit à garder le silence devant l’expert, alors pourtant que celui-ci n’est ni son magistrat instructeur, ni son juge [11].  En conséquence, le droit au silence et l’obligation de le notifier valent à tout stade de la procédure pénale, y compris en cas de comparution immédiate [12], y compris devant la Chambre d’instruction pour les mises en examen [13]. Ils s’appliquent notamment au droit pénal des mineurs [14], droit que l’on sait pourtant spécifique [15].

Cette règle pénale montre aussi combien, au nom des droits de la défense, une concurrence s’installe entre protection nationale [16] et droit de la Convention [17]. Cette application de plus en plus extensive et minutieuse pose nombre de questions : si le silence ne peut être retenu à charge, qu’en est-il du prévenu qui préfère parler, mais en mentant [18] ?  Le droit de garder le silence au cours de la procédure pénale n’a pas seulement répercuté l’influence du droit de la Convention, mais aussi celle du droit anglo-saxon. Toutefois, s’il a été consacré par la procédure pénale américaine, de caractère accusatoire, n’est-ce pas précisément parce que mentir à la justice y est une infraction grave [19], ce qui n’est pas le cas dans le droit pénal français, où la procédure est inquisitoire ? Cette différence fondamentale n’empêche pas une imprégnation du droit national par la procédure américaine. Autre question : observe-t-on, d’un pays à l’autre, des écarts quant à l’incidence qu’a, sur la régularité des poursuites, le fait que le droit de se taire n’a pas été notifié en temps utile à la personne concernée [20] ?

La décision n° 2023-1074 QPC du 8 décembre 2023 du Conseil constitutionnel ajoute encore à ces interrogations en prenant un « tour d’avance » sur la jurisprudence de la CEDH.

Si extensif soit-il, le droit de se taire - et de se voir notifier le droit de se taire - ne concernait jusqu’ici que les étapes de la Procédure pénale conduisant à l’incrimination et à la peine. La Cour de cassation l’a écarté par exemple pour une simple mesure d’enquête [21], ou encore devant les juridictions de l'application des peines « qui se prononcent seulement sur les modalités d'exécution d'une sanction décidée par la juridiction de jugement » [22] .

Il s’agissait en outre d’un principe propre au droit pénal : seul l’évoque le Code de procédure pénale [23].

Le droit de se taire n’est pas applicable aux procédures disciplinaires, jugeait encore tout récemment le Conseil d’État [24] : « si le Conseil constitutionnel a reconnu que le principe selon lequel nul n'est tenu de s'accuser, dont découle le droit de se taire, résulte de l'article IX de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 juillet 1789, …. ce principe a seulement vocation à s'appliquer dans le cadre d'une Procédure pénale. Dès lors que les articles 52 et 56 de l'ordonnance du 22 décembre 1958 N° Lexbase : L5336AGQ portant loi organique relative au statut de la magistrature définissent la procédure disciplinaire applicable aux magistrats du siège, M. B... n'est pas fondé à soutenir que ces dispositions méconnaîtraient le principe selon lequel nul n'est tenu de s'accuser, dont découle le droit de se taire, nonobstant la circonstance que les informations recueillies dans le cadre de cette procédure pourraient être ultérieurement transmises au juge répressif ».

Le Conseil d’État n’a pas été impressionné par l’argument selon lequel : « de manière très étonnante en France, une personne poursuivie pour une contravention dispose de meilleures garanties procédurales qu’un magistrat (devant le Conseil supérieur de la magistrature) qui peut risquer jusqu’à une révocation » [25]. Cet étonnement étonne : comment peut-on soumettre aux mêmes règles deux régimes aussi différents que ceux de la Procédure pénale et de la procédure disciplinaire ? Comment défendre à la fois l’autonomie du droit pénal et prôner son extension indéfinie en dehors de son champ ? Une sanction disciplinaire est-elle assimilable à une sanction pénale ? 

Cette dernière question nous semble, à plus d’un titre, appeler une réponse négative.

Le droit disciplinaire ne vise par principe qu’une catégorie de personnes, situées dans un cadre particulier auquel elles adhérent du fait d’une activité déterminée (professionnelle, administrative, sportive, scolaire etc.). Quant à elle, la vocation de la répression pénale est universelle [26]. L’application du droit disciplinaire est limitée à ceux auxquels il s’adresse spécialement et exclusivement : membres d’une profession, militaires, fonctionnaires, élèves ou étudiants, sportifs, etc…. Il n’applique pas un code mais des règles spécifiques, dont la source n’est pas nécessairement législative, ni même nécessairement normative, mais peut provenir de chartes déontologiques, d’engagements volontaires ou encore résulter de prestations de serment. Les sanctions disciplinaires ne relèvent du juge pénal et du droit pénal ni organiquement, ni substantiellement, qu’il s’agisse de la finalité des règles applicables, de leur précision, de leur place dans la hiérarchie des normes ou de la proximité entre l’autorité sanctionnatrice et la personne mise en cause, souvent justiciable devant ses pairs [27] selon une procédure spécifique [28] justifiant l’absence de recours incidents [29] . De sources distinctes, régi par des règles différentes, avec des finalités et des conséquences différentes et surtout avec un rôle de la puissance publique notoirement distinct, droit pénal et droits disciplinaires ne sont pas assimilables et ces derniers appellent des procédures spécifiques.

Dès lors comment recevoir le paragraphe 9 de la décision du Conseil constitutionnel n° 2023-1074 QPC du 8 décembre 2023 ? Le Conseil constitutionnel avait à juger, sur renvoi de la Cour de cassation [30], du droit de se taire d’un notaire à l’occasion d’une procédure disciplinaire. Or la décision du Conseil énonce à cette occasion (§ 9), que le principe selon lequel nul n’est tenu de s’accuser, dont découle le droit de se taire, pose des « … exigences [qui] s’appliquent non seulement aux peines prononcées par les juridictions répressives mais aussi à toute sanction ayant le caractère d’une punition. Elles impliquent que le professionnel faisant l’objet de poursuites disciplinaires ne puisse être entendu sur les manquements qui lui sont reprochés sans qu’il soit préalablement informé du droit qu’il a de se taire » ?

Le communiqué de presse du Conseil précise, s’il en était besoin, la portée du paragraphe 9 de cette décision du 8 décembre 2023, lequel « en des termes inédits », étend le principe du droit de se taire (et son corollaire, la notification du droit au silence) à « toute sanction ayant le caractère d’une punition », en l’espèce à la procédure disciplinaire applicable aux notaires. Le paragraphe 9 concerne donc toutes les poursuites disciplinaires, professionnelles ou autres. Applicable également au pouvoir de sanction dévolu aux autorités administratives indépendantes (de caractère pourtant non judiciaire et souvent non juridictionnel), que vise généralement cette définition de la sanction, le paragraphe 9 étend le « droit de se voir notifier le droit de se taire » à toute procédure sanctionnatrice.

Il s’agit d’un obiter dictum, car, comme beaucoup d’autres procédures sanctionnatrices, les règles disciplinaires applicables à ces officiers publics et ministériels que sont les notaires, ne relève pas du domaine de la loi mais, sous le contrôle du juge administratif, du domaine réglementaire. Le Conseil constitutionnel rejette d’ailleurs la requête sur un terrain d’incompétence.

Ce n’est pas la première fois que le Conseil constitutionnel transpose de manière prétorienne un principe général du droit pénal au droit disciplinaire. C’est ainsi qu’il exige que les fonctions de poursuite et de sanction soient séparées au sein d’une autorité administrative indépendante [31]. La séparation s’impose à ses yeux même lorsque cette autorité n’exerce pas ses pouvoirs de sanction en tant que juridiction [32]. Les exigences du Conseil constitutionnel en la matière vont plus loin que celles de la CEDH (qui n’impose pas la séparation lorsque la sanction peut être déférée à un juge de plein contentieux). Elles ont beaucoup occupé le législateur et entraîné des bouleversements organisationnels dont on peut se demander s’ils n’étaient pas prescrits par les commandements abstraits de la théorie des apparences plutôt que justifiés par de réels impératifs d’impartialité.

En toute hypothèse, on peut se demander si la généralisation au domaine disciplinaire des règles du procès équitable et du contradictoire (déjà largement applicables aux sanctions prononcées par les autorités administratives indépendantes [33] [34]), qu’implique la référence à « toute sanction ayant le caractère d’une punition », justifie l’extension aux sanctions disciplinaires de l’obligation de notifier le droit de garder le silence. Non seulement cette extension peut avoir des effets déstabilisateurs, mais elle soulève des questions de principe.

Certes, en théorie, la généralisation opérée par le paragraphe 9 de la décision commentée n’oblige ni le pouvoir réglementaire, ni les différentes instances sanctionnatrices non pénales, puisque, comme tout obiter dictum, elle n’est pas le soutien nécessaire du dispositif [35]. Elle n’est donc pas revêtue de l’autorité de chose jugée que confère aux décisions du Conseil constitutionnel l’article 62, alinéa 3, de la Constitution N° Lexbase : L0891AHH. Il n’en demeure pas moins que l’affirmation de principe a une « autorité jurisprudentielle persuasive » (Bruno Genevois) [36] et que « l’autorité (···) de la décision interprétative du Conseil constitutionnel se justifie par un impératif de sécurité juridique, dans l'intérêt même des justiciables » (Régis de Gouttes) [37] . En toute hypothèse, elle sera susceptible d’inspirer une ou plusieurs QPC.  Son autorité morale et intellectuelle poussera, à n’en pas douter, à généraliser le droit de se taire à toute procédure susceptible de conduire au prononcé d’une mesure ayant le caractère d’une punition.

Si satisfaisante soit-elle pour l’esprit de géométrie, cette généralisation est-elle concevable dans tous les domaines du droit sanctionnateur ? Le réalisme y trouve-t-il son compte ?

Cette application d’un droit de la défense transposé au-delà de la procédure pénale ne paraît adaptée ni aux exigences propres à la matière disciplinaire, ni à la nature des sanctions encourues, ni à l’autorité chargée de se prononcer. 

Le Conseil constitutionnel pousse ici les exigences du procès équitable au-delà de celles retenues par la CEDH. Ainsi, l’obiter dictum figurant dans le paragraphe 9 de la décision du 8 décembre 2023 semble imposer que le droit de se taire soit notifié par l’organe disciplinaire, même lorsque la sanction est soumise au contrôle d’un juge de plein contentieux. Le droit de l’Union européenne procède pourtant, lui, à une distinction selon la nature et la portée du contrôle juridictionnel [38]. De même, l’obiter dictum fait du droit de se taire un droit inconditionnel, alors que la CEDH juge que le droit de garder le silence n’est pas absolu [39] et qu’elle examine en particulier - pour rechercher si une procédure a vidé de sa substance le droit de ne pas contribuer à sa propre incrimination - la nature et le degré de la coercition, l’existence de garanties appropriées dans la procédure et l’utilisation qui est faite des éléments ainsi obtenus.

Par sa généralité, l’obiter dictum du paragraphe 9 méconnaît la particularité des nombreuses procédures disciplinaires qui prévoient une conciliation préalable antérieurement à la transmission de la plainte à la juridiction compétente. Ainsi, la conciliation est obligatoire préalablement à toute plainte formée par un patient contre un professionnel de santé [40]. Il en est de même « lorsque la nature de la réclamation le permet pour les plaintes dirigées contre un professionnel du droit [41]. L’obiter dictum fait également l’impasse sur les nombreuses procédures juridictionnelles qui présentent, à titre principal, un caractère écrit, ce qui est le cas de toutes celles relevant des juridictions administratives spécialisées. L’information du droit de se taire joue-t-elle dans la procédure écrite ou ne s’applique-t-elle qu’à l’audience ?

Toujours par sa généralité, une telle extension de la Procédure pénale au-delà du champ pénal ignore les procédures mixtes (de caractère concomitamment disciplinaire et non disciplinaire) qui trouvent à s'appliquer notamment en matière fiscale : comment concilier la procédure contradictoire relative à l'assiette de l'impôt et le droit au silence qui devrait s'appliquer aux pénalités fiscales ?

Au-delà des instances professionnelles, ne doit-on pas prendre aussi en considération le droit pénitentiaire et la discipline militaire [42] ? Et que dire de l’univers scolaire ? Le conseil de discipline (et, en amont de celui-ci, les personnes compétentes pour le saisir) devront-ils, sauf à entacher de nullité une éventuelle punition, si méritée et éducative soit-elle, indiquer à l’élève un droit de se taire dont il peut ne pas toujours saisir la signification ? Le droit de se taire s’applique-t-il aussi aux parents ?

Et, quitte à transposer les principes généraux de la Procédure pénale aux procédures disciplinaires, pourquoi ne pas transposer aussi le principe non bis in idem ? Le parti pris d’harmonisation entre procédures pénales et disciplinaires conduirait à astreindre à ce principe les sanctions administratives, dont on sait pourtant que la finalité n’est pas exclusivement punitive. 

En bref : la volonté d’unifier les principes de la procédure pénale et de la procédure disciplinaire peut-elle négliger les différences essentielles entre le domaine pénal et le domaine disciplinaire (que celui-ci soit ou non professionnel) ? Faire l’économie de considérations pratiques et de bonne administration ? Bienvenue dans son inspiration, la recherche de l’extension de la règle simple et générale ne doit pas confiner au simplisme.

Il ne s’agit pas ici de dire que la protection d’une personne amenée à se défendre devant une instance disciplinaire ne doit pas être assurée au mieux, mais qu’elle doit l’être par des moyens appropriés à la nature de la sanction qu’elle encourt et de l’activité exercée : un avertissement, un  blâme, une suspension provisoire ou même une interdiction d’exercer une profession, n’ont rien à voir avec une incarcération ou un contrôle judiciaire, ni par leur effet, ni par leur publicité, ni par l’auteur de la sanction, ni par la précision requise des obligations dont la méconnaissance est sanctionnée [43]. Faut-il rappeler que, si c’est la société tout entière qui s’implique dans un procès pénal, c’est seulement la profession [44]  - même s’il s’agit d’une profession réglementée - ou l’autorité concernée qui s’impliquent en matière disciplinaire ? Un manquement professionnel ou déontologique, un carton rouge sur un stade, une punition scolaire, les amendes infligées par l’ARCOM, une mesure pénitentiaire, etc… ne sont pas de même nature qu’une peine relevant du droit pénal.

Dès lors, en confondant procédure pénale et procédure disciplinaire, le risque est grand que la décision du Conseil constitutionnel du 8 décembre 2023 ne conduise à remettre en cause la spécificité des ordres professionnels et l’adéquation entre les activités concernées et les règles déontologiques et disciplinaires qu’ils mettent en œuvre.

Transposer sans nuance au droit disciplinaire tous les principes fondamentaux du droit pénal aurait des conséquences dévastatrices. Le Conseil constitutionnel s’est refusé lui-même à transposer pleinement au droit disciplinaire le principe de légalité des peines et délits qui veut que seule soit punissable la méconnaissance d’obligations explicitement définies et clairement délimitées.  Ainsi a-t-il jugé, à propos de la révocation du maire par décret en Conseil des ministres, que : « appliquée en dehors du droit pénal, l'exigence d'une définition des manquements sanctionnés se trouve satisfaite, en matière administrative, par la référence aux obligations auxquelles le titulaire d'une fonction publique est soumis en vertu des lois et règlements ».  Les dispositions contestées [45] ont, comme il résulte de la jurisprudence constante du Conseil d'État, pour objet de réprimer les manquements graves et répétés aux obligations qui s'attachent aux fonctions de maire et de mettre ainsi fin à des comportements dont la particulière gravité est avérée. « Dans ces conditions, si elles instituent une sanction ayant le caractère d'une punition, l'absence de référence expresse aux obligations auxquelles les maires sont soumis en raison de leurs fonctions ne méconnaît pas le principe de la légalité des peines et délits » [46].

Au travers d’un obiter dictum aux conséquences imprévisibles [47], la décision commentée met en cause la spécificité des règles disciplinaires et déontologiques, négligeant en conséquence l’autonomie du droit pénal. La sécurité juridique n’y trouve pas son compte.

 

[1] Hélène Christodoulou. Le silence : à propos de la relativité d’un droit essentiel. Lexbase [site Web], 2022, n°48. ffhal-03663317f

[2]  CEDH, 8 février 1996, Req. 41/1994/488/570 R. Koering-Joulin N° Lexbase : A8396AWU, obs., RSC, 1997, 476 et 481

[3] CEDH, 16 juin 2015, Req. 41269/08 N° Lexbase : A0128NLC, note A. Seid Algadi, Lexbase avocats n° 197, 2 juillet 2015 °197 du 2 juillet 2015 N° Lexbase : N8130BUN : V. D. Roets, Le droit de ne pas contribuer à sa propre incrimination dans la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’Homme, AJ pénal, 2008, p. 119 et s.

[4] CEDH, 27 octobre 2011, Req. 25303/08, Stojkovic c/ Belgique N° Lexbase : A4136IRM ; 11 juillet 2019, Req. 62313/12, Olivieri c/ France N° Lexbase : A5429ZIW.

[5] CJUE, Gde ch., 2 fevrier 2021, aff. C-481/19, DB c/ Consob N° Lexbase : A23374EB : H. Matsopoulou, note, JCP G, 6 avril 2021, n° 14, 389 ; J. Turot, étude, Dr. fiscal, 16 septembre 2021, n° 37, 356 ; D. Simon, Europe, 2021, comm. 117 ; P. Dufourq, Droit au silence et enquête pour délit d’initié : dernières précisions de la CJUE, Dalloz actualité, 15 février 2021 ; M. Lasalle, AJ pénal, 2021, 213 ; A. kirry et A. Bisch, D., 2021, 295 ; F. Stasiak, étude, RSC, 2021, 397.

[6] Pour l’audition libre V. article 61-1 du même code N° Lexbase : L7280LZN.

[7] Cons. const., décision n° 2010-14/22 QPC du 30 juillet 2010 N° Lexbase : A4551E7P pour l’assistance d’un avocat, Cons. const., décision n° 2016-594 QPC, du 4 novembre 2016 N° Lexbase : A4730SC8, Mme Sylvie T  :  Faire ainsi prêter serment à une personne entendue en garde à vue de « dire toute la vérité, rien que la vérité » peut être de nature à lui laisser croire qu'elle ne dispose pas du droit de se taire ou de nature à contredire l'information qu'elle a reçue concernant ce droit note Fanny. Malhiere Gaz. Pal 14 mars 2017 n° 11 p. 32

[8] Cons. const., 30 septembre 2021 n° 2021- 934 QPC N° Lexbase : A930647S.

[9] Cons. const., 18 juin 2021 n° 2021-920 QPC N° Lexbase : A39894WN.

[10] Cons. const., 30 septembre 2021, n° 2021-935 QPC N° Lexbase : A930747T, note Dorothée Goetz , Dalloz. 2021. 1768.

[11] Cons. const., 25 février 2022 n° 2021-975 QPC N° Lexbase : A03467PI, Chidaine, Céline, Droit de se taire et assistance, la protection du majeur protégé dès sa mise en cause, Revue française de droit constitutionnel, décembre 2022, n° 132, p. 946-952.

[12] Cons. const., 4 mars 2021, n° 2020-886 QPC N° Lexbase : A66394IQ, RSC 2021. 483, obs. A. Botton ; Cons. const., 9 avril 2021, n° 2021-895/901/902/903 QPC N° Lexbase : A89644NC, D. 2021. 699.

[13] Cons. const., décision n° 2021-895 QPC, du 9 avril 2021 N° Lexbase : A89644NC.  

[14] Cons. const., décision n° 2021-894 QPC, du 9 avril 2021 N° Lexbase : A89634NB.

[15] Le principe fondamental reconnu par les lois de la République nécessitant notamment l’édiction de « procédures appropriées », Cons. const, 16 novembre 2018 n° 2018-744 QPC N° Lexbase : A2029YLQ, Matsopoulou, Haritini,  La déclaration d'inconstitutionnalité du régime de la garde à vue applicable aux mineurs, La Semaine juridique. Édition générale, 14 janvier 2019, n° 1-2, p.39-43.

[16]  Cass. crim., 18 septembre 2012, n° 11-85.031, F-P+B N° Lexbase : A9758ITL : le prévenu qui, avant toute défense au fond a sollicité l'annulation des procès de garde à vue faute d'avoir reçu notification de son droit de se taire, ne saurait se faire grief de ce que l'annulation sollicitée n'a pas été prononcée dès lors que la Cour de cassation est en mesure de s'assurer que, pour le déclarer coupable de l'infraction poursuivie, la cour d'appel ne s'est fondée ni exclusivement, ni même essentiellement sur les déclarations recueillies au cours de la garde à vue.

[17] Cass. crim., 14 septembre 2022, n° 21-86.796, FS-B N° Lexbase : A99738HT.

[18] J. Hennebois, Du droit au silence à l’encouragement à se taire, AJ pénal 2021. 407.

[19] Voir à propos de l’affaire opposant le Président Bill Clinton et Paula Jones : Cour Suprême n° 95-1835 , 580 US 681 27 mai 1997,  et la décision de la cour du district ouest de l’Arkansas 29 juillet 1999 57 F. Supp. 2d 719 (E.D. Ark. 1999), et pour l’affaire Monica Lewinski la mise en accusation devant la chambre des Représentants le 19 décembre 1998.

[20] Cass. crim., 11 mai 2021, n° 21-81.277, F-P N° Lexbase : A84874RR P, D. 2021. 1497, chron. M. Fouquet, L. Guerrini, O. Violeau, A.-S. de Lamarzelle, C. Carbonaro et L. Ascensi ; AJ pénal 2021. 432. Le défaut de notification du droit à garder le silence a pour conséquence que les déclarations de l’intéressé ne pourront être utilisées à son encontre par les juridictions appelées à prononcer un renvoi devant la juridiction de jugement ou une déclaration de culpabilité, ce dont il peut se prévaloir.

[21] Cass. crim., 3 avril 2013, n° 11-87.333, FS-P+B N° Lexbase : A6483KBQ.

[22] Cass. crim., 14 septembre 2022, n° 21-86.796, FS-B N° Lexbase : A99738HT.

[23] Il existe sans doute un droit de se taire du contribuable (par exemple lors d’une évaluation de situation personnelle), mais il est limité, relatif et parfois exclu. Plus encore : le défaut de coopération du contribuable (notamment du fait de la non-production des pièces demandées par l’administration) est passible de pénalités et son silence vaut acquiescement aux dires de l’administration. V. Contrôle fiscal et sécurité juridique - Le contribuable a-t-il droit au silence ? - À propos de CJUE, 2 février 2021, aff. C-481/19, DB c/ Consob [LXB=A23374EB ] - Jérôme Turot, Droit fiscal n° 37, 16 septembre 2021, 356https://www.cliniquedudroitrouen.fr/2022/04/08/le-droit-au-silence-dans-les-procedures-fiscales/.

[24] CE 5/6 ch.-r., 23 juin 2023, n° 473249 N° Lexbase : A3978944.

[25] Emmanuel Poinas Lextenso 26 mai 2023, magistrat qui poursuit : « Il ne s’agit pas d’invoquer ici une culture de l’excuse, mais simplement de souligner qu’il est difficile de considérer comme légitime (et surtout pertinente) une procédure qui ne met pas en œuvre un minimum de principes généraux qui devraient valoir dans tous les cas ». Mais précisément « tous les cas » peuvent-ils déborder trop largement le champ pénal ?

[26] Une décision de suspension temporaire d’activité d’un médecin pris par la section disciplinaire « n'a pas statué en matière pénale ni tranché de contestation sur des droits et obligations de caractère civil » et le ministre peut en demander l’aggravation en appel (CE 4/1 SSR, 4 octobre 1991, n° 100064 [LXB= A0026ARE]).

[27] JP Markus, La refonte de la procédure disciplinaire devant les ordres des professions de santé, RDSS. Revue de droit sanitaire et social, N° 4, 2007, p. 65.

[28] Pour le rôle du commissaire public devant l’ordre des experts comptables : CE, 26 octobre 2005, no 232643 N° Lexbase : A1389DLZ, M. Béjuit concl. Aguila, Petites affiches 18 janvier 2006, n° PA200601304, p. 10 . Pour les règles applicables aux avocats et l’absence de délai de prescription : « la profession d’avocat n’est pas placée, au regard du droit disciplinaire, dans la même situation que les autres professions juridiques ou judiciaires réglementées. Dès lors, la différence de traitement instaurée par les dispositions contestées entre les avocats et les membres des professions judiciaires ou juridiques réglementées dont le régime disciplinaire est soumis à des règles de prescription repose sur une différence de situation. En outre, elle est en rapport avec l’objet de la loi. Le grief tiré de la méconnaissance du principe d’égalité devant la loi doit donc être écarté. » (Cons. const., décision n° 2018-738 QPC, du 11 octobre 2018 N° Lexbase : A0164YG8).  

[29] « Eu égard à la nature des pouvoirs qu'exercent les conseils des ordres professionnels lorsqu'ils statuent en matière disciplinaire, le recours incident est, en l'absence de disposition législative ou réglementaire le prévoyant, irrecevable », CE, 4 octobre 1991, préc.

[30] Cass. QPC, 10 octobre 2023, n° 23-40.012, FS-P, Renvoi N° Lexbase : A85221KT, note Cédirc Hélaine, Dalloz.

[31] Voir en particulier les décisions Cons. const., décision n° 2011-200 QPC, du 2 décembre 2011 N° Lexbase : A0514H3G pour la Commission bancaire ; décision n° 2013-331 QPC, du 5 juillet 2013 N° Lexbase : A3984KIE pour l’Autorité́ de régulation des communications électroniques et des postes (« Le principe de la séparation des pouvoirs, non plus qu’ aucun autre principe ou règle de valeur constitutionnelle, ne fait obstacle à ce qu’une autorité administrative indépendante, agissant dans le cadre de prérogatives de puissance publique, puisse exercer un pouvoir de sanction dans la mesure nécessaire à l’ accomplissement de sa mission, dès lors que l’exercice de ce pouvoir est assorti par la loi de mesures destinées à assurer la protection des droits et libertés constitutionnellement garantis ; qu’ en particulier, doivent être respectés le principe de la légalité des délits et des peines ainsi que les droits de la défense, principes applicables à toute sanction ayant le caractère d’ une punition, même si le législateur a laissé le soin de la prononcer à une autorité de nature non juridictionnelle ») ou Cons. const., décision n° 2013-359 QPC, du 13 décembre 2013 N° Lexbase : A2569KRL pour le Conseil supérieur de l’audiovisuel).

[32] Cons. const., décision n° 2012-280 QPC pour l’Autorité de la concurrence, du 12 octobre 2012 N° Lexbase : A2619IUK.

[33] V Conseil d’Etat, dossier thématique, Le juge administratif et les sanctions administratives, 9 janvier 2017.

[34] V pour les professionnels intervenant sur les marchés financiers : CE Ass., 3 décembre 1999 n° 207434 N° Lexbase : A3242AUM : « alors même que le Conseil des marchés financiers siégeant en formation disciplinaire n'est pas une juridiction au regard du droit interne le moyen tiré de ce qu'il aurait statué dans des conditions qui ne respecteraient pas le principe d'impartialité rappelé à l'article 6-1 précité peut, eu égard à la nature, à la composition et aux attributions de cet organisme, être utilement invoqué à l'appui d'un recours formé devant le Conseil d'État à l'encontre de sa décision ».

[35] On doit ici rappeler la célèbre polémique née de la décision n° 98-408 DC du 22 janvier 1999 N° Lexbase : A8770ACS sur la Cour pénale internationale qui juge « qu'au surplus, pendant la durée de ses fonctions, la responsabilité pénale du chef de l’État « ne peut être mise en cause que devant la Haute Cour de Justice », selon les modalités fixées par le la Constitution. Même si elle ne constitue pas un obiter dictum (jean Rossetto, Mélanges Pierre Avril, Montchrestien 2001, p 399, Jean Éric  Schoettl RDP 1999 p. 1037), cette décision a posé le problème de l’autorité de chose jugée. V notamment Pierre Avril (RFDA 199 n° 5 p 715 et Libération 25 janvier 1999) confère une autorité morale et intellectuelle à cette décision, position reprise par la décision Cass. crim., 10 octobre 2001, n° 00-87605, publié au bulletin N° Lexbase : A9565CGD concl. Régis de Gouttes, Revue française de droit constitutionnel 2002/1 (n° 49) : « si l'autorité des décisions du Conseil constitutionnel s'attache non seulement au dispositif, mais aussi aux motifs qui en sont le soutien nécessaire, ces décisions ne s'imposent aux pouvoirs publics et aux autorités administratives et juridictionnelles qu'en ce qui concerne le texte soumis à l'examen du Conseil  V. B. Genevois,  Le Conseil constitutionnel et le droit pénal international », Rev. Française de droit adm., 1999, p. 298, et Le Conseil constitutionnel et le droit pénal international, observations complémentaires, juillet 1999, p. 717, L. Favoreu, La Cour de cassation, le Conseil constitutionnel et l'article 66 de la Constitution, D. 1986, chron., p. 169, G Drago, revue administrative 2011 n°324, p. 637- O Delsaunier, Nouveaux cahiers du Conseil constitutionnel 2011 n° 30.

[36] V. note 35.

[37] Concl. De Gouttes, préc. Note 35.

[38] Directive 2012/13/UE du Parlement européen et du Conseil du 22 mai 2012 relative au droit à l’information dans le cadre des procédures pénales N° Lexbase : L3181ITY, art. 2 et 3.

[39] CEDH, Grde ch., 8 février 1996, Req. 18731/91 § 47 ; 13 septembre 2016, Req. 50541/08, Ibrahim et a. c/ Royaume-Uni N° Lexbase : A7910RZY et autres, § 269. En particulier, la CEDH dans une décision du 5 mars 2020 (CEDH, 5 mars 2020, Req. 69291/12, Peleki c/ Grèce) rendue à propos des notaires rappelle qu’elle considère constamment que les poursuites disciplinaires ne relèvent pas, comme telles, de la « matière pénale » (CEDH, 23 juin 1981, Req. 00006878/75 Le Compte, Van Leuven et De Meyere c/ Belgique N° Lexbase : A3823AU7, § 42, série A n° 43, et Durand, décision précitée, § 56, et les affaires qui y sont citées).  Cette délimitation s’applique aux avocats (CEDH, 24 novembre 1998, Req. 38644/97, Brown c/ Royaume-Uni), liquidateurs judiciaires (CEDH, 12 novembre 2013, Req. 36181/05, Galina Kostova c/ Bulgarie, § 52,) ou encore aux juges (CEDH, 9 juillet 2013, Req. 51160/06, Di Giovanni c/ Italie, § 35 N° Lexbase : A5375KIW ; CEDH, 28 mars 2017, Req. 45729/05, Sturua c/ Géorgie, § 28 ; CEDH, 31 octobre 2017, Req. 147/07, Kamenos c/ Chypre, §§ 50-53).

[40] CSP, art. L. 4123-2 N° Lexbase : L9432LCC pour les médecins, chirurgiens-dentistes et sage-femmes ; art. L. 4312-3 pour les infirmiers N° Lexbase : L9487LCD ; art. L. 4321-18 pour les masseurs-kinésithérapeutes N° Lexbase : L9507LC4 ; L. 4322-12 pour les pédicures-podologues N° Lexbase : L2562L7Z ; R. 4234-4 N° Lexbase : L0593MCX pour les pharmaciens.

[41] Décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 organisant la profession d'avocat, art. 186-3 N° Lexbase : Z98787UA pour les avocats ; loi n° 2021-1729 du 22 décembre 2021, art. 36 pour les avocats au Conseil d'État et à la Cour de cassation, les commissaires de justice, les greffiers des tribunaux de commerce et les notaires. Il revient au bâtonnier d’opérer la conciliation entre les parties lorsque la nature de la réclamation le permet. V note 24 ci-dessus

[42] Cf CE, 17 février 1995, n° 107766 N° Lexbase : A2385ANN, concl. Frydman, Rec 82 et 85 et la jurisprudence citée au GAJA n° 88.

[43] La faute d’un avocat peut résulter d’un manquement à la probité, à l'honneur ou à la délicatesse, se rapportant à des faits commis hors de l’exercice de la profession, mais ayant un impact sur celui-ci (Cass. civ. 1, 7 février 1990, n° 88-20.129, inédit N° Lexbase : A9209CNE).

[44] JP Markus, Les juridictions ordinales, LGDJ, Systèmes 2013.

[45] CGCT, art. L. 2122-16 N° Lexbase : L8612AA9.

[46] Cons. const., décision n° 2011-210 QPC, du 13 janvier 2012 N° Lexbase : A1027IAB.

[47] Le 12 avril 2023, le CSM avait déjà « ordonné » (selon ses termes) au Conseil d’État de transmettre une QPC sur le sujet au motif qu’: « une procédure disciplinaire initiée à l’encontre d’un magistrat pouvant conduire jusqu’à sa révocation, la question de la notification du droit au silence à l’occasion de son audition devant le rapporteur et devant le Conseil de discipline apparaît comme n’étant pas dépourvue de caractère sérieux » et voyait dans le fait que « le Conseil constitutionnel a reconnu valeur constitutionnelle au droit au silence dans les procédures pénales (QPC n°2016-594 du 4 novembre 2016, QPC n° 2021-894 du 9 avril 2021) » un changement des circonstances de droit, remettant en cause le jugement antérieur de conformité à la Constitution du dispositif considéré. Le 23 juin 2023 (CE 5/6 ch.-r., 23 juin 2023, n° 473249 N° Lexbase : A3978944), le Conseil d’État a jugé que la question ne présentait pas un caractère sérieux dans la mesure où il résultait de la jurisprudence du Conseil constitutionnel que le droit de se taire, fondé sur l’article 9 de la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen N° Lexbase : L1373A9Q avait seulement vocation à s’appliquer au pénal : « si le Conseil constitutionnel a reconnu que le principe selon lequel nul n'est tenu de s'accuser, dont découle le droit de se taire, résulte de l'article 9 de la Déclaration des droits de l'Homme et du citoyen du 26 juillet 1789, il résulte également des décisions (précitées) que ce principe a seulement vocation à s'appliquer dans le cadre d'une procédure pénale » (V. note 24 ci-dessus). À la suite de la décision du 8 décembre 2023, le CSM tente à nouveau le 25 janvier 2024 de voir dans l’obiter dictum de la décision 2023-1074 du 8 décembre 2023 un changement de circonstances : « en considérant que le principe selon lequel nul n’est tenu de s’accuser, dont découle le droit de se taire, s’applique non seulement aux peines prononcées par les juridictions répressives mais aussi à toute sanction ayant le caractère d’une punition, étant précisé que cette décision concernait la procédure disciplinaire applicable aux notaires », sans donc retenir qu’il s’agit seulement d’un obiter dictum. On peut se demander si celui-ci est constitutif d’un changement de circonstances, puisqu’il ne présente pas de caractère impératif au sens de l’article 62 de la Constitution N° Lexbase : L0891AHH, en ce qu’il ne constitue pas un « soutien nécessaire » du dispositif au sens de la jurisprudence (Cons. const., 16 janvier 1962, n° 62-18 L N° Lexbase : A7808AC8). L’obiter dictum n’a pas pour portée de modifier l’état du droit applicable, contrairement aux réserves d’interprétation (V. P. Blacher REDP, vol. 12, n° 3, 2000, pp. 910, F. de Paul Tetang , RFDC  2016 /4 n°108, A Viala, les réserves d’interprétation dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel, LGDJ 1998, p.259 et s. G. Drago, l’exécution des décisions du Conseil constitutionnel, Economica, 1989 p 236 et 278). Cependant, au vu de cette « évolution jurisprudentielle » est à nouveau « ordonné » par le CSM le renvoi de la QPC.

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