La lettre juridique n°970 du 18 janvier 2024 : Contrats et obligations

[Brèves] Contrat de location financière et contrat de maintenance : l’interdépendance consacrée, la volonté des parties écartée

Réf. : Cass. com., 10 janvier 2024, n° 22-20.466, FS-B+R N° Lexbase : A2729784

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par Claire-Anne Michel, Maître de conférences, Université Grenoble-Alpes, Centre de recherches juridiques (CRJ)

le 18 Janvier 2024

► Dans une opération de location financière, l’interdépendance entre les contrats s’inscrivant dans l’opération des parties est caractérisée ;
la connaissance de la société bailleresse de cette interdépendance se déduit de l’appartenance du contrat à l’opération comportant une location financière.

Contexte. Mise en lumière par la jurisprudence, l’interdépendance contractuelle trouve désormais son siège à l’article 1186 du Code civil N° Lexbase : L0892KZ3, issu de l’ordonnance du 10 février 2016. Or, c’est bien de l’application de cette disposition dont il était question dans l’arrêt rendu le 10 janvier 2024 par la Chambre commerciale de la Cour de cassation car les contrats en cause avaient été conclus après l’entrée en vigueur de l’ordonnance. Mais les solutions dégagées par la jurisprudence sous l’empire du droit antérieur, qui avait opté pour une conception objective de l’interdépendance (Cass. com., 17 février 2021, n° 19-13.903 N° Lexbase : A61594HL), peuvent-elles se maintenir alors que l’article 1186 admet la conception objective mais également subjective ?

Faits et procédure. En l’espèce, une association avait conclu, le même jour avec deux sociétés différentes, un contrat de location financière portant sur un photocopieur et ses accessoires, et un contrat de maintenance. Dans le contrat de location financières, deux clauses attiraient l’attention car instaurant une autonomie entre les contrats. Il était précisé, d’une part, l’obligation pour l’association de trouver une autre société pour la maintenance par un autre prestataire en cas d’anéantissement du contrat de maintenance initial et d’autre part, l’existence d’une interdépendance limitée aux seuls contrats de financement et de location. Dès lors que la société initialement chargée de la maintenance était en liquidation judiciaire et que le contrat la liant à l’association était résilié, l’interdépendance pouvait-elle être caractérisée et donc emporter la caducité du contrat de location financière, comme l’admet l’article 1186 ? Les juges du fond ne l’avaient pas admis en se fondant pour cela sur les clauses contractuelles qui faisaient, selon eux, obstacle à l’interdépendance ne pouvait être caractérisée et sur le fait que la société bailleresse n’avait pas été sollicitée lors de la signature du contrat de maintenance (CA Paris, 20 juin 2022, n° 20/17.541 N° Lexbase : A2729784).

Solution. L’arrêt est cassé au visa de l’article 1186 du Code civil. Elle précise, notamment que « les contrats concomitants ou successifs qui s'inscrivent dans une opération incluant une location financière étant interdépendants, il en résulte que l'exécution de chacun de ces contrats est une condition déterminante du consentement des parties, de sorte que, lorsque l'un d'eux disparaît, les autres contrats sont caducs si le contractant contre lequel cette caducité est invoquée connaissait l'existence de l'opération d'ensemble lorsqu'il a donné son consentement ». La Chambre commerciale admet ainsi sans ambages l’existence d’une interdépendance contractuelle dans les opérations de location financière, sans que la volonté des parties ne puisse y faire échec. Il importe peu que les contrats soient concomitants ou successifs.

Mais l’article 1186 impose pour cela que le contractant subissant les effets de cette interdépendance ait eu connaissance de cette dernière. L’arrêt est également cassé sur ce point. La Chambre commerciale considère que « le contrat étant inclus dans une opération comportant une location financière, la société (bailleresse) avait nécessairement connaissance de l'existence de l'opération d'ensemble lorsqu'elle avait donné son consentement ». La Cour en déduit que les clauses « inconciliables avec cette interdépendance contractuelle » sont réputées non écrites. Les clauses de divisibilité, à l’image de celles contenues dans le présent contrat, sont donc tenues en échec.

Pour aller plus loin : le présent arrêt fera l’objet d’un commentaire approfondi par Aurélie Dardenne, à paraître prochainement dans la revue Lexbase Droit privé.

 

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