La lettre juridique n°970 du 18 janvier 2024 : Propriété intellectuelle

[Brèves] Nullité d’une marque du fait de l’existence d’un droit antérieur constitué d'une dénomination sociale

Réf. : Cass. com., 10 janvier 2024, n° 22-21.716, F-B N° Lexbase : A05662DC

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N8011BZQ

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par Vincent Téchené

le 17 Janvier 2024

► Le titulaire d'un droit antérieur peut agir en nullité d'une marque déposée postérieurement s'il existe un risque de confusion dans l'esprit du public, quand bien même le titulaire de la marque contestée dispose d'un droit plus ancien que ce tiers qui la conteste.

Par conséquent, l'existence d'un droit antérieur constitué d'une dénomination sociale, juridiquement protégé et non contesté à la date des dépôts de marque attaqués, peut être défendue contre l'enregistrement d'une marque postérieure, même constituée d'une dénomination sociale plus ancienne.

Faits et procédure. La société JDC Aquitaine, devenue la société JDC, est  titulaire de diverses marques comportant le terme « JDC », notamment pour des caisses enregistreuses. Elle a assigné en concurrence déloyale et parasitaire les sociétés JDC Midi-Pyrénées, JDC Languedoc et JDC Normandie du fait, notamment, de la création d'un site internet dont le nom de domaine est le suivant : « http://www.jdc-caisse-enregistreuse.fr ». La société JDC Midi-Pyrénées a assigné la société JDC en nullité de ses marques du fait de l'atteinte portée à sa dénomination sociale antérieure.

La société JDC ayant formé une demande additionnelle en contrefaçon de ses marques, les sociétés JDC Midi-Pyrénées, JDC Languedoc et JDC Normandie ont reconventionnellement demandé l'annulation de ces dernières pour atteinte à leurs droits antérieurs respectifs.

Les marques de la société JDC ayant été déclarées nulles (CA Bordeaux, 25 janvier 2022, n° 18/06676 N° Lexbase : A32237P3), elle a formé un pourvoi en cassation

Décision. La Cour de cassation rappelle, en premier lieu, qu’il résulte des articles L. 711-4 N° Lexbase : L7857IZZ et L. 714-3 N° Lexbase : L3736ADQ du Code de la propriété intellectuelle, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2019-1169, du 13 novembre 2019 N° Lexbase : L5296LTC, qu'est déclaré nulle une marque qui porte atteinte à un droit antérieur, tel une dénomination sociale, mais que la tolérance, pendant cinq années, de l'usage d'une marque qui porte atteinte à un droit antérieur rend irrecevable toute action en annulation de cette marque, à moins qu'il ne soit établi que le dépôt a été effectué de mauvaise foi.

En outre, selon la Haute Cour, l’article L. 714-3 précité doit être interprété à la lumière des articles 6 et 9 de la Directive (CE) n° 2008/95, du 22 octobre 2008, rapprochant les législations des États membres sur les marques N° Lexbase : L7556IBH.

Reprenant ensuite les termes d'un arrêt rendu par la CJUE le 2 juin 2022 (CJUE, 2 juin 2022, aff. C-112/21 N° Lexbase : A9884779), la Cour de cassation retient qu’il en découle que le titulaire d'un droit antérieur peut agir en nullité de la marque déposée s'il existe un risque de confusion dans l'esprit du public, quand bien même le titulaire de la marque contestée dispose d'un droit plus ancien que ce tiers qui la conteste.

Ainsi, elle approuve la cour d'appel qui a retenu l'existence du droit antérieur des sociétés JDC Midi-Pyrénées, JDC Languedoc et JDC Normandie sur leurs dénominations sociales, juridiquement protégé et non contesté à la date des dépôts attaqués, et qui en a déduit qu'elles pouvaient les défendre contre l'enregistrement d'une marque postérieure. Les juges du fond ont ainsi écarté tout droit exclusif de la société JDC, anciennement dénommée JDC Aquitaine, sur le sigle « JDC », fût-il plus ancien.

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