Le Quotidien du 16 janvier 2024 : Actualité judiciaire

[A la une] La Conférence nationale des procureurs demande (encore) une réforme constitutionnelle du parquet pour garantir son indépendance

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par Vincent Vantighem

le 15 Janvier 2024

Et si c’était le bon moment ? Et si c’était le moment, tout court, contre toute attente ? En plein milieu du remaniement gouvernemental, la Conférence nationale des procureurs de la République (CNPR) a, de nouveau, plaidé, jeudi 11 janvier, en faveur d’une réforme du parquet pour garantir son « impartialité ». Et surtout, elle a appelé à profiter d’une possible prochaine réunion du Congrès du Parlement pour l’inscrire définitivement dans la Constitution.

Il y avait quelque chose d’anachronique finalement dans cette conférence qui s’est tenue au deuxième étage du tribunal judiciaire de Paris alors que tout le monde attendait la liste des ministres du Gouvernement de Gabriel Attal. Raphaël Balland, le procureur de Béziers et président de la CNPR, l’a aisément reconnu. Mais, comme il l’a dit, il ne pouvait pas prévoir, en novembre dernier, qu’Élisabeth Borne serait ainsi débarquée, en ce début d’année 2024, et que l’attention des journalistes et de l’opinion publique serait focalisée sur autre chose. Car le congrès de la CNPR date de novembre dernier. Et que c’est à cette occasion que les procureurs de France ont adopté une motion réclamant que leur impartialité soit gravée dans le marbre de la Constitution.

Pour cela, il ne faut pas grand-chose. Il suffit de prévoir que, « dans le mode de nomination, les procureurs de la République, comme les magistrats du siège actuellement, soient nommés sur avis conforme du Conseil supérieur de la magistrature (CSM) ». Jusqu’à présent, le CSM émet bien un avis pour chaque nomination aux parquets. Mais c’est le ministre de la Justice qui a le dernier mot. C’est-à-dire qu’il peut passer outre l’avis – conforme ou non conforme du CSM – pour entériner son choix. Nommer quelqu’un à l’encontre duquel le CSM a émis un avis négatif. Ou en bloquer un autre qui, au contraire, avait bénéficié d’un avis positif.

Peu importe que, depuis 15 ans, tous les gardes des Sceaux aient toujours suivi les avis du CSM sans rechigner, le risque est trop grand que cela puisse changer à l’avenir… D’autant plus que la période politique que nous traversons est incertaine. Raphaël Balland le sait mieux qui quiconque : ce sujet alimente régulièrement les soupçons d’instrumentalisation politique des poursuites. « C’est pour notre système judiciaire que l’on souhaite cette réforme », a plaidé le procureur qui, pour l’occasion, était installé sur le siège d’un président d’audience (donc du siège) en salle 2.03 du tribunal parisien.

L’impartialité et l’apparence d’impartialité

La volonté des membres de la CNPR (élus à 73 % l’an dernier) peut paraître anecdotique, en cette période. Mais il n’est en rien. Cela fait des années qu’ils réclament cette réforme. Car au-delà de l’impartialité de chacun, c’est aussi « l’apparence de l’impartialité » qui compte selon eux. En effet, l’opinion publique a souvent l’occasion de se demander si les poursuites engagées par un parquet ne viennent pas directement de la place Vendôme. Encore plus lorsqu’il s’agit d’un sujet un peu politique. Comme s’il fallait être plus clair, Raphaël Balland a pris l’exemple de son propre parquet qui sera chargé d’engager des poursuites à l’encontre du maire de Béziers (Robert Ménard, qu’il n’a jamais cité) sans que cela ne suscite de quelconques rumeurs d’instrumentalisation.

Pour éviter cela, il suffit donc d’exclure le ministre de la Justice de l’équation lors des nominations. Tout comme il faut l’exclure des demandes de procédures disciplinaires à l’encontre des parquetiers pour les laisser à la seule main du CSM. Une nécessité lorsque l’on connaît le poids des parquets dans la justice actuelle. S’il fallait le rappeler, Arnaud Faugère, procureur de Fontainebleau, s’en est chargé. « Le magistrat du parquet est central dans notre système judiciaire. 99 % des enquêtes sont gérées par les parquets. 1 % par les juges d’instruction. Les parquets gèrent la quasi-totalité des enquêtes. Ils disposent de prérogatives d’enquêtes étendues. Il est donc essentiel que ces enquêtes soient confiées à des magistrats sur lesquels aucun doute ne peut peser », a-t-il lâché. « Dans notre système, l’avis que sollicite le garde des Sceaux est simple. Donc, c’est le pouvoir politique qui décide. Cela entache l’apparence d’impartialité de nos nominations », a abondé Damien Savarzeix, son homologue de Grasse.

Premier élément de réponse le 5 mars ?

Seulement voilà… pourquoi formuler une telle demande maintenant ? D’autant plus que cela fait des années que cette revendication est connue. Sans nul doute parce qu’Emmanuel Macron prévoit, prochainement, de réunir le Congrès à Versailles, seule façon de modifier la Constitution. Alors certes, le président de la République entend le faire pour graver dans le marbre le principe de l’interruption volontaire de grossesse (IVG).

Et tant qu’à organiser un déplacement de l’ensemble des députés et sénateurs à Versailles, pourquoi ne pas en profiter pour leur demander de se pencher sur d’autres dossiers ? Et quel autre sujet que celui de la réforme du parquet – qui semble faire consensus dans la classe politique – pourrait profiter de l’occasion ? D’autant plus que cette réforme « s’impose à l’aune de la jurisprudence européenne », a aussi expliqué Aline Clérot, procureure de Saverne.

Réponse autour du 5 mars. C’est pour l’instant la date envisagée par l’exécutif pour convoquer ce Congrès que les procureurs de France appellent tant de leurs vœux.

 

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