Réf. : CJUE, 14 décembre 2023, aff. C-206/22 N° Lexbase : A550818I
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N7943BZ9
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par Lisa Poinsot
le 12 Janvier 2024
► Le droit de l’Union européenne n’impose pas qu’un salarié non malade, mais mis en quarantaine en raison du Covid-19 pendant son congé annuel payé, puisse reporter ce dernier.
Faits et procédure. Un salarié convient avec son employeur de prendre un congé annuel payé du 3 au 11 décembre 2020. Conformément à la réglementation sanitaire applicable alors, ce salarié se voit placer en quarantaine pendant la même période du fait qu’il était en contact avec une personne testée positive au Covid-19.
De ce fait, le salarié demande le report des jours de congé annuel payé pour la période coïncidant avec la période de mise en quarantaine. Son employeur refuse. Il saisit alors la juridiction nationale compétente faisant valoir que le refus de son employeur est contraire au droit de l’Union européenne.
La juridiction interne doute de la compatibilité de la jurisprudence des juridictions nationales avec le droit au congé annuel payé garanti par le droit de l’Union européenne. Selon la jurisprudence interne, la seule mise en quarantaine n’équivaut pas à une incapacité de travail obligeant l’employeur à reporter les jours de congé octroyés.
La juridiction interne décide alors de surseoir à statuer et de poser à la CJUE la question préjudicielle suivante :
« L’article 7, paragraphe 1, de la Directive n° 2003/88 N° Lexbase : L5806DLM [...] et le droit au congé annuel payé consacré à l’article 31, paragraphe 2, de la [Charte] doivent-ils être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à des dispositions ou à des pratiques nationales relatives à l’octroi d’un congé de récréation aux travailleurs en vertu desquelles le droit au congé est également épuisé lorsque, pendant un congé accordé, le travailleur est affecté par un événement imprévisible, tel que, en l’espèce, une quarantaine imposée par l’État, et qu’il est, de ce fait, empêché d’exercer pleinement ce droit ? ».
Rappel. Selon une jurisprudence établie (CJUE, 25 juin 2020, aff. C-762/18 et aff. C. 37/19 N° Lexbase : A33683PG ; CJUE, 20 juillet 2016, aff. C-341/15 N° Lexbase : A3545RXL ; CJUE, 22 novembre 2011, aff. C-214/10 N° Lexbase : A9722HZ4 ; CJUE, 20 janvier 2009, aff. C-350/06 et aff. C-520/06 N° Lexbase : A3596EC8), le droit au congé annuel présente une double finalité :
Les finalités du droit au congé annuel payé diffèrent de celle du droit au congé maladie qui sert à permettre au travailleur de se rétablir d’une maladie (CJUE, 30 juin 2016, aff. C-178/15 N° Lexbase : A3110RW4 ; CJUE, 21 juin 2012, aff. C-78/11 N° Lexbase : A3116IP4 ; CJUE, 19 septembre 2009, aff. C-277/08 N° Lexbase : A8889EKG et CJUE, 20 janvier 2009, aff. C-350/06 et aff. C-520/06 N° Lexbase : A3596EC8). Puisque le droit au congé annuel payé et le droit au congé maladie n’ont pas la même finalité, un travailleur en congé maladie durant une période de congé annuel fixée au préalable a le droit de reporter son congé annuel à une autre période que celle coïncidant avec le congé de maladie. |
La solution. La CJUE affirme que la pratique nationale, qui ne permet pas le report des jours de congé annuel payé octroyés à un travailleur qui n’est pas malade, coïncidant avec une période de mise en quarantaine, est compatible avec le droit au congé annuel payé consacré par la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne et concrétisé par la Directive n° 2003/88.
La CJUE considère à cet égard que :
En l’espèce, le travailleur mis en quarantaine n’était pas malade de sorte que la période quarantaine ne peut pas faire obstacle à la réalisation des finalités du congé annuel payé.
Dès lors, si la mise en quarantaine est susceptible d’avoir une incidence sur les conditions dans lesquelles un travailleur dispose de son temps libre, il ne saurait être considéré qu’elle porte, en soi, atteinte au droit de ce travailleur de bénéficier effectivement de son congé annuel payé.
Par conséquent, si l’employeur satisfait à ces obligations, il ne saurait être tenu de compenser les désavantages découlant d’un événement imprévisible, tels qu’une mise en quarantaine imposée par une autorité publique, qui empêcherait son employé de profiter pleinement de son droit au congé annuel payé.
Pour aller plus loin :
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