La lettre juridique n°967 du 7 décembre 2023 : Salaire

[Brèves] Partage de la valeur en entreprise : publication de la loi !

Réf. : Loi n° 2023-1107, du 29 novembre 2023, portant transposition de l'accord national interprofessionnel relatif au partage de la valeur au sein de l'entreprise N° Lexbase : L4230MKU

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par Lisa Poinsot

le 06 Décembre 2023

Publiée au Journal officiel du 30 novembre 2023, la loi n° 2023-1107, du 29 novembre 2023, transpose l’accord national interprofessionnel, relatif au partage de la valeur au sein de l’entreprise, conclu en février 2023 entre les syndicats et le patronat. Ce texte prévoit plusieurs mesures réparties en cinq priorités, toutes orientées vers l’objectif de dynamiser le partage de la valeur tout en rappelant le principe de non-substitution, selon lequel les sommes versées dans le cadre des dispositifs de partage de la valeur ne doivent pas se substituer aux salaires.

I. Réforme de la prime de partage de la valeur (PPV)

  • Régime social et fiscal de la participation

Les sommes portées à la réserve spéciale de participation au cours d'un exercice sont déductibles pour l'assiette de l'impôt sur les sociétés ou de l'impôt sur le revenu exigible au titre de l'exercice au cours duquel elles sont réparties entre les salariés.

Le législateur réaffirme le principe de non-substituabilité entre salaire et dispositif d’épargne salariale, déjà présent dans la loi du 16 août 2022, à l’article L. 3325-1 du Code du travail N° Lexbase : L9017LK8, en indiquant que ces sommes n’ont pas le caractère d’élément de salaire pour l’application de la législation du travail et sont exclues de l’assiette des cotisations. En outre, ces sommes ne peuvent se substituer à aucun des éléments de rémunération.

Toutefois, en cas de suppression totale ou partielle d'un élément de rémunération, cette règle de non-substitution ne peut avoir pour effet de remettre en cause les exonérations prévues, dès lors qu'un délai de douze mois s'est écoulé entre le dernier versement de cet élément de rémunération et la date d'effet de l'accord de participation.

Les entreprises qui ne sont tenues d'appliquer un régime de participation qu'à compter du troisième exercice clos après le franchissement du seuil d'assujettissement à la participation, en application du premier alinéa de l'article L. 3322-3 du Code du travail, dans sa rédaction antérieure à la présente loi, conservent le bénéfice de cette disposition jusqu'au terme du report.

  • Partage de la valeur en cas d’augmentation exceptionnelle du bénéfice net fiscal

Afin de prévoir un meilleur partage des bénéfices exceptionnels, les entreprises de plus de 50 salariés, dans lesquelles un accord d'intéressement ou de participation est applicable au 30 novembre 2023 et qui disposent d’un ou plusieurs délégués syndicaux, doivent engager, avant le 30 juin 2024, la négociation portant sur la définition d'une augmentation exceptionnelle de leur bénéfice et sur les modalités de mise en œuvre de partage de la valeur avec les salariés.

Les partenaires sociaux peuvent convenir que l’employeur verse aux salariés un supplément d’intéressement ou de participation ou qu’il soit renvoyé à une négociation spécifique visant à mettre en place un dispositif de partage de la valeur.

Ne sont pas concernées les entreprises qui sont déjà couvertes par des accords comportant des stipulations prenant en compte l’augmentation exceptionnelle du bénéfice.

Concernant la définition d’une augmentation exceptionnelle du bénéfice, il faut prendre en compte des critères tels que la taille de de l’entreprise, le secteur d’activité, la survenance d’une ou de plusieurs opérations de rachat d’actions de l’entreprise suivie de leur annulation dès lors que les opérations n’ont pas été précédées des attributions aux salariés, les bénéfices réalisés lors des années précédentes ou les événements exceptionnels externes à l’entreprise intervenus avant la réalisation du bénéfice.

La loi n° 2023-1107, du 29 novembre 2023, prévoit la prorogation jusqu’au 31 décembre 2026, au profit des seuls salariés dont la rémunération est inférieure à trois fois le SMIC employés au sein des entreprises de 50 salariés et moins, d’un dispositif transitoire les faisant bénéficier, en sus des exonérations de cotisations sociales pérennes applicables à toutes les primes de partage de la valeur, d’exonérations de l’impôt sur le revenu, de la CSG et de la CRDS.

 

Rémunération < à 3 SMIC

Cotisations et contributions sociales

Exonération dans la limite de 3 000 euros (ou par exception à 6 000 euros)

CSG / CRDS

Exonération dans la limite de 3 000 euros (ou par exception à 6 000 euros)

Forfait social

Exonération quel que soit l’effectif

Impôt sur le revenu

Exonération dans la limite de 3 000 euros (ou par exception à 6 000 euros)

Taxes sur les salaires

Exonération dans la limite de 3 000 euros (ou par exception à 6 000 euros)

En outre, l’employeur a désormais la possibilité de verser 2 fois la PPV au titre d’une même année civile.

Enfin, le salarié peut alimenter son plan d’épargne entreprise ou son plan d’épargne retraite d’entreprise par des sommes attribuées au titre des PPV, sommes qui sont exonérées de l’impôt sur le revenu.

II. Création du plan de partage de la valorisation de l'entreprise

Une prime conçue pour refléter l’évolution de la valeur de l’entreprise peut désormais être attribuée, dans le cadre d’un plan de partage de la valorisation de l’entreprise déterminé par accord collectif, aux salariés des entreprises de droit privé justifiant d’au moins un an d’ancienneté à la date de départ d’une période de trois ans au cours de laquelle est appréciée l’augmentation de la valeur de leur entreprise.

Le plan de partage de la valorisation de l’entreprise est mis en place par accord, établi sur rapport spécial du commissaire aux comptes de l’entreprise.

Il est prévu que cette prime soit exonérée de cotisations sociales et d’un certain nombre de contributions à caractère social et soumise au prélèvement d’une contribution au profit de la Caisse nationale d’assurance vieillesse lorsqu’elle est versée au titre des plans de partage de la valorisation de l’entreprise couvrant la période 2026-2028.

III. Aménagements des différents dispositifs d’épargne salariale

  • Adaptation du critère d’ancienneté pour fixer les modalités de répartition de l’intéressement et de la participation au sein de la branche des entreprises de travail temporaire

Les partenaires sociaux de la branche professionnelle du travail temporaire peuvent retenir par accord de branche étendu une durée d’ancienneté supérieure pour les seuls travailleurs temporaires, et les complète en exigeant que cette durée ne puisse pas être supérieure à quatre-vingt-dix jours.

Les dispositions permettant par la négociation collective de branche d’adapter le critère d’ancienneté pour les salariés temporaires ont pour finalité d’une part, de mieux prendre en compte la contribution réelle des différentes catégories de salariés des entreprises de travail temporaire à la réalisation de la performance et aux résultats de ces entreprises et d’autre part, de mieux soutenir le pouvoir d’achat de leurs salariés permanents.

  • Sécurisation du versement d’avances d’intéressement et de participation

Désormais, l'accord d'intéressement ou de participation peut prévoir le versement, en cours d'exercice, d'avances sur les sommes dues au titre de l'intéressement ou de la réserve spéciale de participation. Les avances sont versées au bénéficiaire, après avoir recueilli son accord, selon une périodicité qui ne peut être inférieure au trimestre.

  • Révision du calcul du montant de la participation

Lorsque la déclaration des résultats d'un exercice est rectifiée par l'administration ou par le juge de l'impôt, que les rectifications donnent lieu ou non à l'application de majorations, à des poursuites pénales ou à une convention judiciaire d'intérêt public, le montant de la participation des salariés au bénéfice de cet exercice fait l'objet d'un nouveau calcul tenant compte des rectifications apportées.

Le montant de la réserve spéciale de participation est modifié en conséquence au cours de l'exercice pendant lequel les rectifications opérées par l'administration ou par le juge de l'impôt sont devenues définitives ou ont été formellement acceptées par l'entreprise. 

  • Répartition de l’intéressement

La répartition de l'intéressement entre les bénéficiaires peut être uniforme, proportionnelle à la durée de présence dans l'entreprise au cours de l'exercice ou proportionnelle aux salaires. L'accord peut également retenir conjointement ces différents critères. Ces critères peuvent varier selon les établissements et les unités de travail. À cet effet, l'accord peut renvoyer à des accords d'établissement.

Désormais, l'accord peut fixer un salaire plancher, un salaire plafond ou les deux, servant de base de calcul de la part individuelle.

IV. Obligation pour certaines entreprises de se doter d’un dispositif de partage de la valeur

La loi n° 2023-1107 prévoit, pour développer le partage de la valeur au sein des entreprises, de faciliter la généralisation des dispositifs de partage de la valeur dans les petites et moyennes entreprises de 11 à 50 salariés lorsque leur situation économique le permet.

  • Expérimentation dans les entreprises d’au moins 11 salariés

À titre expérimental et pendant une durée de 5 ans à compter du 30 novembre 2023, les entreprises d'au moins 11 salariés qui ont réalisé pendant trois exercices consécutifs un bénéfice net fiscal au moins égal à 1 % du chiffre d'affaires doivent, au titre de l'exercice suivant :

  • soit mettre en place un régime de participation ou un régime d'intéressement ;
  • soit abonder un plan d'épargne salariale ;
  • soit verser la prime de partage de la valeur.

L'obligation de mettre en place l'un des dispositifs s'applique aux exercices ouverts après le 31 décembre 2024.

  • Expérimentation pour certaines personnes morales de droit privé

À titre expérimental et pendant une durée de 5 ans à compter du 30 novembre 2023, les personnes morales de droit privé constituées sous la forme de coopératives, de mutuelles ou d'unions relevant du Code de la mutualité ou de sociétés d'assurance mutuelles relevant du code des assurances, de fondations ou d'associations régies par la loi du 1er juillet 1901 relative au contrat d'association ou, le cas échéant, par le Code civil local applicable aux départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle qui emploient au moins 11 salariés qui ont réalisé pendant trois exercices consécutifs un bénéfice net fiscal au moins égal à 1 % du chiffre d'affaires doivent, lorsqu’un accord de branche étendu le permet, au titre de l'exercice suivant :

  • soit mettre en place un régime de participation ou un régime d'intéressement ;
  • soit abonder un plan d'épargne salariale ;
  • soit verser la prime de partage de la valeur.

L'obligation de mettre en place l'un des dispositifs s'applique aux exercices ouverts après le 31 décembre 2024.

  • Expérimentation dans les entreprises de 50 salariés et moins

À titre expérimental et pendant une durée de 5 ans à compter du 30 novembre 2023, les entreprises de cinquante salariés et moins peuvent mettre en œuvre, par voie d’accord de branche ou d’entreprise, des régimes de participation dérogeant à la règle de l’équivalence des avantages consentis. Il s’agit de faciliter la mise en place de la participation dans ces entreprises, tout en tenant compte de leurs spécificités.

Une négociation en vue de la mise en place d'un régime de participation est ouverte dans chaque branche au plus tard le 30 juin 2024.

Toutefois, afin de protéger les droits des salariés, les entreprises de cinquante salariés et moins qui mettent déjà en œuvre un régime de participation volontaire ne peuvent basculer sur un nouveau régime de participation fondé sur les dispositions de la présente loi et dérogeant donc à la règle d’équivalence des avantages consentis, que par accord d’entreprise.

V. Développement de l’actionnariat salarié

  • Modification des plafonds d’attributions gratuites d’actions aux salariés

Les plafonds des attributions gratuites d’actions aux salariés et à certains mandataires sociaux sont modifiés en les portant à 15 % du capital social au sein des grandes entreprises et des entreprises intermédiaires et 20 % au sein des petites et moyennes entreprises et à 40 % du capital social en cas d’attribution au bénéfice de l’ensemble des salariés.

Est créé également un nouveau plafond intermédiaire de 30 % du capital social à la double condition que les salariés bénéficiaires représentent plus de 25 % de la masse salariale et plus de 50 % de l’effectif salarié.

Enfin, le plafond individuel attribuable en actions gratuites, fixé en sorte qu’un salarié ou mandataire social ne détienne pas plus de 10 % du capital social du fait de l’attribution, est inchangé mais les modalités de son calcul évoluent en excluant les titres détenus depuis plus de sept ans.

  • Promotion d’une épargne verte, solidaire et responsable

Les entreprises sont incitées à orienter les fonds de l’épargne salariale vers des fonds satisfaisant à des critères de financement de la transition énergétique et écologique ou d’investissement socialement responsable.

Ainsi, le règlement du plan d'épargne d'entreprise prévoit qu'une partie des sommes recueillies peut être affectée, dans les limites prévues à l'article L. 214-164 du Code monétaire et financier, à l'acquisition de parts de fonds investis dans des entreprises solidaires d'utilité sociale ainsi que de parts d'au moins un fonds labellisé ou d'un fonds nourricier d'un fonds labellisé au titre du financement de la transition énergétique et écologique ou de l'investissement socialement responsable.

  • Imposer aux sociétés de gestion des fonds communs de placements d’entreprises la présentation annuelle au conseil de surveillance de sa politique d’engagement actionnarial et le compte rendu de sa mise en œuvre

À noter. De nombreux décrets d’application sont attendus pour préciser certaines dispositions. On peut citer, par exemple, la liste des labels ainsi que, pour ceux qui sont créés par l'État, leurs critères et leurs modalités de délivrance sont précisés par décret.

  Calendrier récapitulatif de mise en œuvre de la réforme de partage de la valeur au sein de l'entreprise
Dates Dispositions à mettre en œuvre
1er décembre 2023 Entrée en vigueur des dispositions législatives, sauf exceptions
30 juin 2024

1. Date limite d'ouverture des négociations de branche pour la mise en place d'un régime de participation dérogatoire proposant une formule de calcul moins favorable que la formule légale pour les entreprises non tenues de mettre en application un régime de participation de manière obligatoire

2. Date limite d'ouverture des négociations visant à définir les bénéfices exceptionnels dans les entreprises soumises à l'obligation de négocier sur ce thème et appliquant un accord d'intéressement ou de participation au moment de la promulgation de la loi

1er juillet 2024  Entrée en vigueur l'obligation de proposer, au sein des plans d'épargne, un fonds satisfaisant des critères de financement de la transition énergétique et écologique ou d'investissements socialement responsables 
24 octobre 2024 Entrée en vigueur de la version modifiée de l'article L. 224-3 du Code monétaire et financier et de l'article L. 132-27-4 du Code des assurances
1er janvier 2025

1. Commencement de l'obligation de mise en place d'un des dispositifs de partage de la valeur à titre expérimental dans les entreprises d'au moins 11 salariés, ayant réalisé pendant 3 exercices consécutifs un bénéfice net fiscal au moins égal à 1 % et n'ayant pas déjà mis en œuvre un dispositif de partage de la valeur

2. Commencement de l'obligation de mise en place d'un des dispositifs de partage de la valeur à titre expérimental au sein des personnes morales de droit privé (constituées sous la forme de coopératives, de mutuelles, etc.) d'au moins 11 salariés, ayant réalisé pendant 3 exercices consécutifs un bénéfice net fiscal au moins égal à 1 % et lorsqu'un accord de branche étendu le permet

du 1er janvier 2024 au 31 décembre 2026 Prorogation de l'exonération d'impôt, de CSG et de CRDS au titre de la PPV versée aux salariés dont la rémunération est inférieure à 3 fois le SMIC employés au sein des entreprises de 50 salariés et moins
du 1er janvier 2026 au 31 décembre 2028 La prime issue du plan de partage de la valorisation en entreprise est exonérée de cotisations sociales et d’un certain nombre de contributions à caractère social et soumise au prélèvement d’une contribution au profit de la Caisse nationale d’assurance vieillesse lorsqu’elle est versée au titre des plans de partage de la valorisation de l’entreprise couvrant la période 2026-2028

 

Pour aller plus loin : 

 

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