Réf. : Cass. com., 29 novembre 2023, trois arrêts, n° 22-12.865, FS-B+R N° Lexbase : A925614L, n° 22-21.623, FS-B+R N° Lexbase : A925914P et n° 22-18.295, FS-B+R N° Lexbase : A924914C
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par Perrine Cathalo
le 06 Décembre 2023
► Il résulte des articles L. 210-6 et R. 210-6 du Code de commerce que les sociétés commerciales jouissent de la personnalité morale à dater de leur immatriculation au registre du commerce et des sociétés ;
Les personnes qui ont agi au nom ou pour le compte d'une société en formation avant qu'elle ait acquis la jouissance de la personnalité morale sont tenues solidairement et indéfiniment responsables des actes ainsi accomplis, à moins que la société, après avoir été régulièrement constituée et immatriculée, ne reprenne les engagements souscrits, lesquels sont alors réputés avoir été souscrits dès l'origine par la société ;
En présence d'un acte dans lequel il n'est pas expressément mentionné qu'il a été souscrit au nom ou pour le compte de la société en formation, il appartient au juge d'apprécier souverainement, par un examen de l'ensemble des circonstances, tant intrinsèques à cet acte qu'extrinsèques, si la commune intention des parties n'était pas qu'il soit conclu au nom ou pour le compte de la société et que cette société puisse ensuite, après avoir acquis la personnalité juridique, décider de reprendre les engagements souscrits.
Faits et procédure. Les trois arrêts sont nés de litiges relatifs à la validité des actes (bail commercial ou promesse de cession de parts) qui ont été consentis à des sociétés en formation.
En particulier, les cours d’appel (CA Dijon, 6 janvier 2022, n° 20/01499 N° Lexbase : A60657H4 ; CA Papeete, 8 septembre 2022, n° 19/00450 ; CA Paris, 5-9, 18 novembre 2021, n° 21/08774 N° Lexbase : A16667CP) étaient confrontées à la question de savoir si, pour être susceptibles de reprise, les actes accomplis par une société en formation devaient expressément être accomplis « au nom » ou « pour le compte » de cette dernière.
Décision. La Haute juridiction rappelle dans chacun des arrêts le principe des articles L. 210-6 N° Lexbase : L5793AIE et R. 210-6 du Code de commerce N° Lexbase : L4150LTU, dont il résulte que les sociétés commerciales jouissent de la personnalité morale à dater de leur immatriculation au registre du commerce et des sociétés. Les personnes qui ont agi au nom ou pour le compte d'une société en formation avant qu'elle ait acquis la jouissance de la personnalité morale sont tenues solidairement et indéfiniment responsables des actes ainsi accomplis, à moins que la société, après avoir été régulièrement constituée et immatriculée, ne reprenne les engagements souscrits. Ces engagements sont alors réputés avoir été souscrits dès l'origine par la société.
Dans cette logique, la Cour affirme qu’il est désormais bien établi que seuls les engagements souscrits « au nom » (v. déjà Cass. com., 22 mai 2001, n° 98-19.742, inédit N° Lexbase : A4846ATN ; Cass. com., 21 février 2012, n° 10-27.630, F-P+B N° Lexbase : A3197IDR ; Cass. com., 13 novembre 2013, n° 12-26.158, F-D N° Lexbase : A6189KPW) ou « pour le compte » (v. déjà Cass. com., 11 juin 2013, n° 11-27.356, F-D N° Lexbase : A5812KGD ; Cass. com., 10 mars 2021, n° 19-15.618, F-D N° Lexbase : A01174LW) de la société en formation sont susceptibles d’être repris par la société après son immatriculation. À l’inverse, sont nuls les actes passés « par » la société, même s'il ressort des mentions de l'acte ou des circonstances que l'intention des parties était que l'acte soit accompli en son nom ou pour son compte (v. déjà Cass. civ. 3, 5 octobre 2011, n° 09-72.855, FS-D N° Lexbase : A6055HYW ; Cass. com., 21 février 2012, n° 10-27.630, F-P+B N° Lexbase : A3197IDR ; Cass. com., 19 janvier 2022, n° 20-13.719, F-D N° Lexbase : A19517KH).
Les Hauts magistrats sont néanmoins conscients des effets indésirables de cette solution, qui s'avère être utilisée par des parties souhaitant se soustraire à leurs engagements au détriment de la protection des entreprises, lors de leur démarrage sous forme sociale, et de celle des tiers cocontractants, qui, en cas d'annulation de l'acte, se trouvent dépourvus de tout débiteur.
C’est la raison pour laquelle la Chambre commerciale énonce la solution précitée à trois reprises, opérant ainsi un véritable revirement de jurisprudence. La Cour va d'ailleurs jusqu'à ajouter que la validité de l'acte passé pour le compte d'une société en formation n'implique pas, sauf les cas de dol ou de fraude, que la société effectivement immatriculée revête la forme et comporte les associés mentionnés, le cas échéant, dans l'acte litigieux (n° 22-12.865).
Dès lors, il appartenait aux cours d’appel de rechercher s'il ne résultait pas, non seulement des mentions de l'acte, mais aussi de l'ensemble des circonstances que, nonobstant une rédaction défectueuse, la commune intention des parties était que l'acte fût passé au nom ou pour le compte de la société en formation.
Pour en savoir plus : v. B. Dondero, Trop subtile distinction entre les actes conclus « par » et « pour le compte de » la société en formation, Lexbase Affaires, mai 2022, n° 715 {"IOhtml_internalLink": {"_href": {"nodeid": 84591305, "corpus": "reviews"}, "_target": "_blank", "_class": "color-reviews", "_title": "[Jurisprudence] Trop subtile distinction entre les actes conclus \u00ab\u00a0par\u00a0\u00bb et \u00ab\u00a0pour le compte de\u00a0\u00bb la soci\u00e9t\u00e9 en formation", "_name": null, "_innerText": "N\u00b0\u00a0Lexbase\u00a0: N1333BZE"}}. |
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