Réf. : Cass. civ. 3, 19 octobre 2023, n° 22-15.536, FS-B N° Lexbase : A65101NG
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par Juliette Mel, Docteur en droit, Avocat associé, M2J Avocats, Chargée d’enseignements à l’UPEC, Responsable de la commission Marchés de Travaux, Ordre des avocats
le 26 Octobre 2023
► Le vendeur qui a réalisé lui-même les travaux est assimilé à un vendeur professionnel ; il est donc présumé avoir connaissance du vice et ne peut opposer une clause de non-garantie figurant dans l’acte de vente.
Quand la garantie des vices cachés du droit de la vente s’articule avec le droit de la responsabilité des constructeurs, cela tend à renforcer, encore, les obligations du constructeur qui, en plus de la responsabilité civile décennale, qui vient garantir les vices cachés de la chose, doit la garantie des vices cachés prévue à l’article 1643 du Code civil N° Lexbase : L1746ABB lorsqu’il est également vendeur.
En l’espèce, une SCI a vendu une maison d’habitation à un acquéreur. Se plaignant de divers désordres, l’acquéreur, après expertise, assigne la SCI venderesse sur le fondement des vices cachés. La cour d’appel de Limoges, dans un arrêt rendu le 10 février 2022, rejette ses demandes (CA Limoges, 10 février, n° 21/00034 N° Lexbase : A96577MM). L’acquéreur forme un pourvoi dans lequel il articule que le vendeur qui a réalisé lui-même les travaux à l’origine d’un vice caché est présumé en avoir connaissance dès lors qu’il s’agit alors d’un vendeur professionnel. Les juges du fond auraient dû rechercher si la SCI venderesse avait elle-même réalisé les travaux sans faire appel à un professionnel de sorte qu’elle s’était comportée en constructeur ou maître d’œuvre.
La Cour de cassation suit le pourvoi et censure. Selon sa nouvelle technique de motivation, elle rappelle que le vendeur qui a réalisé lui-même les travaux à l’origine des vices de la chose vendue est assimilé à un vendeur professionnel. En cette qualité, il est présumé connaître les vices au moment de la vente et ne peut se prévaloir de la clause limitative ou exclusive de garantie des vices cachés.
La solution, quoique sévère, s’inscrit dans la droite ligne des jurisprudences antérieures (Cass. civ. 3, 26 février 1980, n° 78-15.556, publié au bulletin N° Lexbase : A0415CKL ; Cass. civ. 3, 9 février 2011, n° 09-71.498, FS-P+B N° Lexbase : A7282GWM ; Cass. civ. 3, 10 juillet 2013, n° 12-17.149, FS-P+B N° Lexbase : A8920KI9).
Le vendeur après achèvement est redevable de la garantie décennale des constructeurs pendant un délai de dix ans à compter de la réception sur le fondement des articles 1792 N° Lexbase : L1920ABQ et suivants du Code civil et de la garantie des vices cachés pendant un délai de deux ans à compter de la découverte du vice sur le droit de la vente prévue à l’article 1643 du Code civil N° Lexbase : L1746ABB.
Une partie de la doctrine avait suggéré, par application de l’adage specialia generalibus derogeant, que le constructeur vendeur échappe à la garantie de droit commun mais, jusqu’à présent, elle n’a pas été entendue.
Les conseillers avaient rejeté le recours au motif que l’acquéreur ne rapportait pas la preuve de la connaissance des vices au moment de la vente.
C’est là inverser la charge de la preuve puisque le vendeur constructeur est qualifié de professionnel. Les juges du fond auraient donc dû rechercher si la SCI avait elle-même réalisé les travaux à l’origine des désordres affectant le bien vendu. Si tel est le cas, elle s’est comportée en constructeur et est réputée avoir eu connaissance du vice.
Évidemment, en lisant ces lignes, le projet de réforme du droit des contrats spéciaux résonne en ce qu’il ambitionne de grands changements sur la garantie des vices cachés.
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