Réf. : Cass. civ. 2, 21 septembre 2023, n° 21-19.776, FS-B N° Lexbase : A28791H4
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par Anne-Lise Lonné-Clément
le 27 Septembre 2023
► La clause, qui exclut de la garantie, « les dommages corporels, matériels et immatériels (consécutifs ou non), causés par l'amiante et ses dérivés », exclut de façon claire et précise, tous les dommages corporels causés par l'amiante, sans requérir aucune interprétation ; elle est formelle et doit ainsi recevoir application.
Faits et procédure. En l’espèce, une société, qui avait pour activité principale la construction et la réparation navales, et qui avait été en activité du 31 décembre 1970 au 31 juillet 2000, date de sa dissolution anticipée, avait souscrit plusieurs contrats d'assurances garantissant sa responsabilité civile.
Se prévalant de l'inscription, par arrêté du 7 juillet 2000 publié au Journal officiel du 22 juillet 2000, sur le fondement de l'article 41 de la loi n° 98-1194 du 23 décembre 1998 N° Lexbase : L5411AS9, de la société sur la liste des établissements ouvrant droit au versement de l'allocation de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante (ACAATA) aux salariés et anciens salariés y ayant travaillé pendant des périodes où étaient fabriqués ou traités l'amiante ou des matériaux contenant de l'amiante, 150 anciens salariés de la société avaient engagé, à compter du 6 juillet 2009, plusieurs procédures à son encontre, afin d'être indemnisés de leur préjudice spécifique d'anxiété. Plusieurs arrêts irrévocables avaient condamné la société à verser, à chacun d'entre eux, une certaine somme en réparation de ce préjudice.
La société avait ensuite assigné les différents assureurs devant un tribunal de grande instance afin qu'elles la garantissent des condamnations mises à sa charge.
Clause d’exclusion de garantie des dommages corporels. Les assureurs ont alors opposé une clause d’exclusion de garantie, qui visait « les dommages corporels, matériels et immatériels (consécutifs ou non), causés par l'amiante et ses dérivés ».
Inapplicabilité de la clause selon la cour d’appel. La cour d’appel de Rouen avait jugé que ladite clause ne pouvait recevoir application, en tant qu’elle ne serait pas formelle et limitée et nécessiterait d'être interprétée (CA Rouen, 20 mai 2021, n° 19/03634 N° Lexbase : A33714SN). Précisément, elle avait relevé que la seule lecture de cette clause ne permettait pas de connaître avec certitude son étendue et, notamment, si elle visait seulement les maladies causées par l'amiante.
L’arrêt avait retenu que les assureurs, qui recouraient à la notion de « cause technique », à savoir l'exposition des salariés à l'amiante, étaient contraintes d'interpréter la clause et d'expliquer la nature du lien de causalité qui reliait le préjudice spécifique d'anxiété subi par les anciens salariés de la société ACH à l'amiante.
Elle les avait donc condamnés à verser à la société la somme de 2 115 794,45 euros au titre des garanties responsabilité civile et frais de défense.
Cassation : applicabilité de la clause. Les assureurs ont alors formé un pourvoi. Ils obtiennent gain de cause devant la Haute juridiction, qui rappelle d’abord, qu’il résulte de l’article L. 113-1 du Code des assurances N° Lexbase : L0060AAH que les clauses d'exclusion de garantie qui privent l'assuré du bénéfice de la garantie en considération de circonstances particulières de la réalisation du risque doivent être formelles et limitées ; ensuite qu’une clause d'exclusion n'est pas formelle lorsqu'elle ne se réfère pas à des critères précis et nécessite interprétation (cf. Cass. civ. 1, 22 mai 2001, n° 99-10.849, publié au bulletin N° Lexbase : A5004ATI ; et plus récemment : Cass. civ. 3, 27 octobre 2016, n° 15-23.841, FS-P+B N° Lexbase : A3270SC4 ; Cass. civ. 2, 26 novembre 2020, n° 19-16.435, F-P+B+I N° Lexbase : A173538R).
Or, en l’espèce, la Haute juridiction estime que la clause, qui excluait de la garantie, de façon claire et précise, tous les dommages corporels causés par l'amiante, ne requérait pas interprétation.
À noter que la Cour de cassation opère dans ce domaine un véritable contrôle de l’appréciation des clauses par les juges du fond.
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