La lettre juridique n°958 du 28 septembre 2023 : Droit des étrangers

[Brèves] Application de la Directive « retour » à tout ressortissant de pays tiers entré illégalement sur le territoire de l’UE

Réf. : CJUE, 21 septembre 2023, aff. C-143/22, Association Avocats pour la défense des droits des étrangers (ADDE) N° Lexbase : A28551H9

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[Brèves] Application de la Directive « retour » à tout ressortissant de pays tiers entré illégalement sur le territoire de l’UE. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/article-juridique/100033051-breves-application-de-la-directive-retour-a-tout-ressortissant-de-pays-tiers-entre-illegalement-sur-
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par Yann Le Foll

le 27 Septembre 2023

La Directive « retour » s’applique à tout ressortissant de pays tiers entré sur le territoire d’un État membre sans remplir les conditions d’entrée, de séjour ou de résidence.

Rappel. Selon la Directive « retour » (Directive 2008/115/CE du 16 décembre 2008 N° Lexbase : L3289ICS), tout ressortissant de pays tiers en séjour irrégulier doit, en règle générale, faire l’objet d’une décision de retour. Toutefois, l’intéressé doit, en principe, bénéficier d’un certain délai pour quitter volontairement le territoire. L’éloignement forcé n’intervient qu’en dernier recours.

Question préjudicielle. Le Conseil d’État interroge la Cour de justice sur la question de savoir si, lorsqu’un État membre décide de réintroduire temporairement des contrôles aux frontières intérieures, il peut adopter à l’égard d’un ressortissant de pays tiers qui est intercepté, sans titre de séjour valable, à un point de passage frontalier autorisé situé sur son territoire et où s’exercent de tels contrôles, une décision de refus d’entrée sur la seule base du Code frontières Schengen, sans devoir respecter les normes et procédures communes prévues par la Directive « retour ».

Réponse CJUE. Dans une telle situation, une décision de refus d’entrée peut être adoptée sur la base du Code frontières Schengen mais, en vue de l’éloignement de l’intéressé, les normes et procédures communes prévues par la Directive « retour » doivent tout de même être respectées, ce qui peut aboutir à priver d’une large partie de son utilité l’adoption d’une telle décision de refus d’entrée.

En effet, la Directive « retour » s’applique, en principe, dès qu’un ressortissant de pays tiers est, à la suite de son entrée irrégulière sur le territoire d’un État membre, présent sur ce territoire sans remplir les conditions d’entrée, de séjour ou de résidence, et se trouve donc en séjour irrégulier. Cela vaut également lorsque, comme dans l’hypothèse en question, l’intéressé a été appréhendé à un point de passage frontalier qui se situe sur le territoire de l’État membre concerné. En effet, une personne peut être entrée sur le territoire d’un État membre avant même d’avoir franchi un point de passage frontalier (CJUE, 5 février 2020, aff. C-341/18, J. e.a. N° Lexbase : A37823DG).

La Cour précise que ce n’est qu’à titre exceptionnel que la Directive « retour » permet aux États membres d’exclure les ressortissants de pays tiers qui séjournent irrégulièrement sur leur territoire du champ d’application de cette Directive. Si tel est, notamment, le cas lorsque des ressortissants de pays tiers font l’objet d’une décision de refus d’entrée à une frontière extérieure d’un État membre, il n’en va pas de même lorsque ces ressortissants font l’objet, comme en l’occurrence, d’une décision de refus d’entrée à une frontière intérieure d’un État membre, même lorsque des contrôles y ont été réintroduits.

La Cour rappelle, enfin, que les États membres peuvent placer en rétention un ressortissant de pays tiers, dans l’attente de son éloignement, notamment lorsque ce ressortissant représente une menace pour l’ordre public, et qu’ils peuvent réprimer d’une peine d’emprisonnement la commission de délits autres que ceux tenant à la seule circonstance d’une entrée irrégulière (CJUE, 2 juillet 2020, aff. C-18/19, WM N° Lexbase : A10783QY).

De plus, la Directive « retour » ne s’oppose pas à l’arrestation ou au placement en garde à vue d’un ressortissant de pays tiers en séjour irrégulier lorsqu’il est soupçonné d’avoir commis un délit autre que sa simple entrée irrégulière sur le territoire national, et notamment un délit susceptible de menacer l’ordre public ou la sécurité intérieure de l’État membre concerné (CJUE, 19 mars 2019, aff. C-444/17, Abdelaziz Arib N° Lexbase : A1600Y4Z).

Décision. La CJUE en déduit le principe précité, ajoutant que cela vaut aussi lorsque l’intéressé est entré sur ce territoire avant même d’avoir franchi un point de passage frontalier où s’exercent de tels contrôles.

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